Les gènes ne sont pas les seuls transmetteurs du patrimoine génétique

L’entrée dans l’ère de l’épigénétique était l’un des thèmes centraux du sixième symposium Wamine, qui s’est déroulé le 23 octobre dernier à Paris. Christian Seyrig (directeur général du groupe PiLeJe) a présenté cet ensemble de processus issus du milieu extérieur (environnement, alimentation, etc.) qui régulent l’expression des gènes. Ces mécanismes permettent une adaptation permanente de la cellule à ces modifications. Une meilleure connaissance des facteurs épigénétiques permettra certainement, dans les années à venir, de mieux comprendre la pathogénie de certaines maladies cardio-vasculaires, métaboliques ou mentales, dès la conception et la gestation. Parmi ces facteurs, les réactions de méthylation des acides nucléiques et des histones sont particulièrement importantes et étudiées.

Les processus de méthylation modulent l’expression des gènes

Notre confrère Claude Faivre (Wamine) a expliqué comment la méthylation d’un gène entraîne un arrêt de sa transcription, sans pour autant modifier sa structure initiale. Elle consiste en l’ajout aux bases puriques et pyrimidiques de l’ADN de groupements hydrocarbonés -CH3. Au cours de la gamétogenèse, plusieurs réactions de méthylation, puis de déméthylation, se produisent successivement. Ce message semble pouvoir se transmettre de génération en génération (expériences de transmission de couleur de robe liée à la sensibilité aux maladies sur des souris porteuses du gène AVY). Ainsi, les gènes ne sont plus les seuls transmetteurs de caractères héréditaires.

Ces processus de méthylation font intervenir différents acteurs, en particulier des acides aminés donneurs de méthyle. La S-adénosyl-méthionine est capable de céder son groupement méthyle aux acides nucléiques et aux histones sous l’action d’une méthyltransférase. Elle se transforme en S-adénosyl-homocystéine, laquelle est soit utilisée par la cellule sous forme de cystéine, soit recyclée, c’est-à-dire reméthylée, grâce à l’intervention de la vitamine B9 ou acide folique. Le cycle des folates, qui fait intervenir de nombreux cofacteurs tels que le zinc, les vitamines B2, B6 ou B12, est également impliqué dans la synthèse des nucléotides.

Une complémentation en vitamines B renforce le capital méthyle

Une perturbation des mécanismes de méthylation est à envisager lors de toute affection périconceptionnelle (malformations, troubles de la gestation). Elle semble également prédisposer certains adultes à développer dysendocrinies, affections cardio-vasculaires, insuffisance rénale chronique, troubles comportementaux, etc. Il est important de traiter les géniteurs, en raison de la transmission possible de cette empreinte génétique. Une correction est permise grâce à la rééquilibration micronutritionnelle (supplémentation en folates, vitamines B2, B6, B12, zinc). Il est également possible d’agir chez l’adulte par l’alimentation, qui permet d’influer sur environ 30 % du capital méthyle d’un individu.

Antioxydants contre le vieillissement cellulaire : des utilisations sont à l’étude

Notre confrère Jean-Jacques Thiébault (maître de conférences en physiologie à VetAgro Sup) a exposé l’état des connaissances sur le stress oxydatif chez l’animal. L’oxygène présente un double paradoxe : d’une part, il est doté d’une forte potentialité réactionnelle mais relativement inerte (de par la structure de ses couches électroniques) et, d’autre part, il est à la fois indispensable à la vie mais responsable de la formation de composés appelés espèces oxygénées réactives (EOR) ou “radicaux libres” aux potentialités hautement destructrices. Les sources d’EOR sont la chaîne respiratoire mitochondriale, les phénomènes de phagocytose et les facteurs exogènes tels que les ultraviolets, les radiations ionisantes, l’hyperoxie, etc. Ces EOR jouent néanmoins un rôle physiologique indispensable, notamment par l’activation de voies de signalisation intracellulaires. Est appelée anti-oxydant toute substance qui retarde, prévient ou répare les dégâts oxydatifs sur une molécule cible. Ces anti-oxydants sont endogènes (enzymes superoxyde dismutase, glutathion peroxydase, glutathion, bilirubine, etc.) ou exogènes (supplémentation enzymatique, vitamines A, E, C, polyphénols végétaux, etc.). Il existe un équilibre naturel entre facteurs pro et anti-oxydants, car un minimum d’EOR est nécessaire pour le maintien de l’homéostasie de la cellule. La mesure de ce stress oxydant est possible. Les méthodes directes (résonance paramagnétique électronique, étude de la dynamique moléculaire membranaire) permettent une mise en évidence des EOR formés ou des conséquences immédiates de leurs actions néfastes. Les méthodes indirectes consistent à doser les produits de dégradation qui apparaissent à la suite de l’action des EOR, comme les marqueurs de la peroxydation lipidique, de l’oxydation des protéines ou de l’ADN. Ces techniques restent peu développées en médecine vétérinaire. Le statut des anti-oxydants, entre réalité et espoir thérapeutique, demeure mal connu. Des études complémentaires et des essais cliniques prospectifs sont nécessaires afin de savoir quand et comment les utiliser.

Ces notions ouvrent aux praticiens des voies d’intervention différentes des thérapeutiques symptomatiques, en vue de maintenir les animaux dans un état de bien-être physique et mental en accord avec la définition OMS de la santé.

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