La Cour des comptes dénonce la politique sanitaire de l’Etat - La Semaine Vétérinaire n° 1423 du 29/10/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1423 du 29/10/2010

Rapport. La sécurité sanitaire en danger

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Fièvre catarrhale, abattoirs, laboratoires départementaux… les sages de la rue Cambon passent en revue les errements de notre dispositif.

Voilà qui fait tache dans le ciel si bleu du monde vétérinaire que Bruno Le Maire a dépeint lors des Rencontres nationales vétérinaires de Bordeaux. Alors que la Cour des comptes met la dernière main à un rapport sur l’activité des services vétérinaires entre 2003 et 2008, nous avons pu nous procurer la lettre d’observation que Didier Migaud, premier président de celle-ci, a envoyée à deux ministres : Bruno Le Maire à l’Agriculture et François Baroin au Budget. Ce document reprend les principaux griefs relevés par la Cour des comptes lors de son enquête et demande aux ministres les suites qu’ils entendent donner aux observations ainsi soulevées. Edifiant.

Les indemnisations FCO détournées de leur objet

La cour a examiné dans le détail les conditions d’indemnisation des mortalités d’animaux dans le cadre de la fièvre catarrhale ovine (FCO). Le dispositif, instauré en avril 2008, puis abrogé en décembre de la même année, a coûté la bagatelle de 73 millions d’euros. « Ce dispositif présente des conditions d’instruction des aides préjudiciables au bon emploi des fonds publics », souligne, en termes policés, Didier Migaud, avant de mettre le doigt là ou ça fait mal. Un, l’éleveur n’a pas l’obligation d’établir la cause de la mortalité de l’animal afin d’être indemnisé. Deux, l’Etat confie aux Groupements de défense sanitaire (GDS) la charge d’instruire les dossiers de demande d’indemnisation. Conclusion, la profession agricole « se trouve en position de juge et partie ». Autrement dit, les éleveurs ont profité de l’occasion pour se servir sur la bête. Encore une histoire de conflit d’intérêts…

Dans la gestion de la crise FCO, plus globalement, il est reproché à l’Etat de s’être « placé dans une logique d’indemnisation des pertes économiques qui laisse peu de place à un équilibre des coûts et des responsabilités entre les pouvoirs publics et la profession agricole ». La cour recommande de concevoir à l’avance des régimes d’aides pour les périodes de crise sanitaire dont les effets potentiels sont connus. Elle recommande au ministère de l’Agriculture de faire aboutir la création d’un fonds de mutualisation, cofinancé par l’Union européenne, la profession agricole et l’Etat, à l’image de ce qui existe dans d’autres Etats membres.

Abattoirs : l’Etat en faillite sur la sécurité sanitaire

Selon la cour, l’Etat est dans l’incapacité de faire respecter la réglementation sanitaire dans les abattoirs de l’Hexagone. « La situation sanitaire est préoccupante, dénonce Didier Migaud. Si l’exploitant reste le seul responsable de la mise aux normes d’un abattoir, l’action de l’Etat vise à s’assurer que la réglementation est respectée et à garantir par là un niveau de sécurité suffisant pour le consommateur. Force est de constater que l’Etat a failli dans ce domaine. » L’accusation, grave, est étayée.

Chaque année, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) dresse un bilan, confidentiel, de la situation sanitaire dans les abattoirs à partir d’un classement effectué par chaque direction départementale. Le niveau sanitaire est noté de 1 à 4. La note 1 correspondant aux abattoirs qui respectent les dispositions réglementaires européennes, la note 4 à ceux qui présentent de graves non-conformités, susceptibles de justifier le retrait de leur agrément. En 2008, 41 % des abattoirs ne sont pas conformes (notés 3), parmi lesquels 5,8 % risquent de perdre leur agrément.

La situation n’est guère enviable pour les abattoirs de volailles : « En 2008, 35 % des abattoirs, dont sont issus 26 % de la production nationale de viande de volailles, sont non conformes. » La cour recommande de débloquer les fonds existants pour faire respecter la réglementation.

Les laboratoires d’analyses sur le déclin financier

En 2006, la Cour des comptes avait alerté les pouvoirs publics sur la dégradation financière des laboratoires départementaux. Depuis… c’est encore pire ! Le mouvement de privatisation se poursuit, d’autant que les structures privées se positionnent sur les marchés les plus juteux, cantonnant les laboratoires publics aux analyses les plus déficitaires. En conséquence, certains conseils généraux ont fermé leur laboratoire, d’autres ont fait évoluer leurs statuts, d’autres encore ont procédé à des regroupements. « Or, s’inquiète Didier Migaud, le maillage territorial, la réactivité et la continuité du service des analyses sont des éléments déterminants en cas de crise sanitaire, dont la survenance n’est, par définition, pas prévisible. » La cour recommande donc au ministère de l’Agriculture de mener une réflexion globale sur l’avenir des laboratoires et « sur les conséquences prévisibles des évolutions en cours sur l’exercice de ses missions régaliennes ».

Les fausses notes de la réforme des politiques publiques

La réforme des services vétérinaires, dans le cadre de la réforme générale des politiques publiques (RGPP), laisse la Cour des comptes sur sa faim. Elle regrette notamment que les services de santé environnementale et ceux chargés des toxi-infections alimentaires collectives (placés dans les Directions départementales des affaires sanitaires et sociales), mais aussi les services de contrôle de l’eau, n’aient pas été regroupés avec les services vétérinaires, « à la fois par souci de cohérence des métiers autour de la santé alimentaire et pour permettre des mutualisations plus fortes des moyens de l’Etat ».

Globalement, les sages de la rue Cambon constatent que la réforme, plus qu’à des fusions, aboutit à une « juxtaposition des organisations existantes ». Dans certains départements, l’économie engendrée par le regroupement des services sera annihilée par le coût immobilier à payer, puisque les nouvelles entités ne peuvent être localisées sur un même site…

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1420 du 8/10/2010.

  • Liste complète des résultats sur WK-Vet.fr, et dépôt des candidatures pour le prix 2011 auprès de François Decazes (scpdefa@club-internet.fr).

Une stratégie attractive pour les libéraux

La Cour des comptes réclame « une stratégie claire et ambitieuse à l’égard des vétérinaires libéraux ». « La revalorisation du mandat sanitaire, l’élargissement de son contenu, l’amélioration de la formation initiale et continue des vétérinaires dans ce domaine » ne saurait suffire. La cour estime que l’association des libéraux aux missions régaliennes de contrôle de la chaîne alimentaire et de la santé animale, par le système des vacations ou le mandat sanitaire, « constitue un élément fondamental et original du système français ». Elle recommande au ministère de l’Agriculture d’adopter une stratégie attractive pour l’installation des vétérinaires dans les zones d’élevage et de production, et de sécuriser leur intervention. La cour pointe également le nombre « tout juste suffisant » d’inspecteurs en santé publique vétérinaire (ISPV) dans les départements et appelle le ministère à « porter une attention particulière aux projections relatives au recrutement des inspecteurs ».

Bruno Le Maire n’a visiblement pas donné suite : les effectifs des ISPV seront encore sabrés cette année et les mesures fiscales incitatives à l’installation des vétérinaires, à l’instar des médecins, sont toujours attendues.

N. F.

Ecole vétérinaire à Metz

• L’Ordre régional de Lorraine fustige « le mépris des technocrates ». La publication du rapport du conseil général de l’Agriculture proposant la création d’un cycle d’études vétérinaires à Metz(1) provoque l’incompréhension des instances ordinales régionales. « Nous sommes surpris de n’avoir, à aucun moment, été consultés sur un sujet qui concerne au premier chef les professionnels de terrain », s’insurge François Jolivet, installé à Faulquemont (Moselle) et secrétaire général du CRO. Il s’étonne que les auteurs du rapport aient pris la peine d’interviewer « un chef d’établissement d’enseignement agricole ou le président de la faculté de Liège… C’est une manifestation du mépris dans lequel les technocrates qui ont rédigé ce brouillon tiennent les professionnels et les représentants ordinaux. Ce texte connaîtra sans doute la fin habituelle réservée à ce genre de rapport, c’est-à-dire l’oubli ».

Tuberculose

• Procédure pénale. Le mandat sanitaire d’un confrère de Côte-d’Or a été suspendu pour un an à la suite du non-respect de la réglementation en vigueur relative à la prophylaxie de la tuberculose dans ce département touché par la maladie. Un éleveur impliqué dans ce cadre est également sanctionné, radié du Groupement de défense sanitaire pour trois ans. Les suites pénales sont en cours.

Développement durable

• Résultats du prix 2010. Le groupe Vétérinaires pour un développement durable (VDD) a publié, lors des dernières RNV, son classement des thèses et actions concrètes en faveur du développement durable réalisées par des acteurs du monde vétérinaire. Ce classement vise à mieux faire connaître et à susciter des initiatives favorables à un développement durable des activités ayant un lien avec la profession. Pour la section “actions concrètes de terrain et communication grand public”, le 1er prix est attribué à la SNGTV pour la réalisation de fiches pratiques d’antibiothérapie en productions animales. Dans la section “thèses”, sont arrivés en tête ex æquo Jean-Philippe Amat (« La clinique vétérinaire et le développement durable ») et Philippe Gourlay (« Etiologie de la morbidité et de la mortalité de l’avifaune sauvage protégée en France »).

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