En rachetant King Pharmaceuticals, Pfizer récupère aussi Alpharma

Les plus grands laboratoires pharmaceutiques mondiaux n’en finissent pas de grossir. Le numéro un mondial de la pharmacie, l’Américain Pfizer, annonce le rachat d’un autre laboratoire américain, King Pharmaceuticals, pour 3,6 milliards de dollars en cash. King Pharmaceuticals ? Un nom inconnu en santé animale, et pourtant… Ce laboratoire avait déjà lui-même racheté Alpharma deux ans plus tôt, le 30 décembre 2008, pour un montant de 1,6 milliard de dollars.

La conquête d’analgésiques opiacés bien protégés par leurs brevets

L’accord entre Pfizer et King Pharmaceuticals est présenté comme définitif. Il devrait être finalisé rapidement, avant la fin de cette année ou au cours du premier trimestre 2011, environ un an après le gros rachat de Wyeth (et Fort-Dodge) par Pfizer. Les autorités de la concurrence ne devraient pas s’y opposer dans la mesure où les produits phares de King Pharmaceuticals, les analgésiques opiacés en pharmacie humaine, ne doublonnent pas avec les analgésiques non opiacés de Pfizer (Celebrex®, etc.).

Les analystes financiers saluent favorablement le rachat de cette gamme d’analgésiques opiacés, surtout qu’ils sont encore bien protégés par leurs brevets, à l’inverse de ceux de Pfizer. Le rachat de King (3,6 milliards de dollars) ne pèse pas non plus trop lourd pour le numéro un mondial : il ne représente que 2 % de la valeur de l’entreprise Pfizer (estimée à 164 milliards de dollars), qui réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 70 milliards de dollars après le rachat de Wyeth.

Alpharma, un spécialiste des premix coccidiostatiques et antibiotiques

Du côté de la santé animale, Alpharma, au huitième rang mondial, est spécialisé dans les productions animales (porcs, volailles, lapins, ruminants, etc.) et les traitements oraux par l’aliment (additifs ou prémélanges) ou par l’eau de boisson (poudres orales solubles). Sa gamme est composée, pour l’essentiel, de prémélanges (ou premix selon le terme anglais) à base de coccidiostatiques ou d’antibiotiques. Alpharma a présenté en 2009 des ventes en baisse de 3 %, à 359 millions de dollars (versus 370 fin 2008). En outre, la Food and Drug Administration (FDA) projette d’interdire l’usage non thérapeutique des antibiotiques dans les aliments à des doses faibles comme facteurs de croissance des animaux. En effet, les autorités américaines ne font pas, pour le moment, de distinction entre les aliments supplémentés en additifs (antibiotiques à faibles doses ou coccidiostatiques) et les aliments médicamenteux utilisés sur prescription vétérinaire, comme un traitement collectif préventif ou curatif. En Europe, les additifs-antibiotiques à faibles doses sont déjà prohibés depuis plusieurs années. Mais la fabrication des aliments médicamenteux sur prescription vétérinaire reste possible via l’incorporation des prémélanges antibiotiques ou antiparasitaires.

En France, Alpharma commercialise surtout des coccidiostatiques sous forme d’additifs pour les volailles et les lapins (Avatec® à base de lasalocide, Cycostat® à base de robenidine, Cygro® à base de maduramicine, Salinomax® à base de salinomycine, etc.) ou de prémélanges médicamenteux pour les ruminants (Deccox® à base de décoquinate). Dans la filière lapin, Alpharma s’est surtout fait connaître par la bacitracine (Bacivet®). Il commercialise également la chlortétracycline en prémélange médicamenteux (Aurofac®).

Pfizer n’était plus présent depuis plusieurs années dans ces secteurs occupés, entre autres, par Alpharma, même si le laboratoire avait développé un coccidiostatique, la semduramicine, qu’il a ensuite revendu. Le rachat d’Alpharma par Pfizer ne devrait donc pas poser de problèmes pour les autorités de la concurrence.

Pfizer et Merial-Intervet de nouveau au coude à coude dès 2011 ?

Au niveau mondial, les ventes d’Alpharma représentent un peu moins de 10 % de celles de Pfizer en santé animale après le rachat de Fort-Dodge. En tenant compte de la fusion annoncée de Merial avec Intervet-SP, Pfizer reste aujourd’hui au deuxième rang mondial en santé animale (^{voir graphique}). Le rachat d’Alpharma devrait lui permettre d’atteindre, voire de dépasser, le seuil des 4 milliards de dollars de chiffre d’affaires, soit environ 1 milliard en dessous de l’addition des chiffres d’affaires de Merial et d’Intervet.

Toutefois, pour la fusion de ces deux-là, les autorités de la concurrence devraient exiger d’importantes cessions, jusqu’à 1 milliard de dollars de chiffres d’affaires selon les analystes financiers. Dans cette hypothèse extrême, Pfizer et Merial-Intervet se retrouveraient, dès l’an prochain, au coude à coude pour la première place mondiale, en ayant, chacun, presque doublé leurs chiffres d’affaires en deux ans par fusion ou rachat.