La maladie de Marek affecte un élevage de poulets malgré la vaccination des poussins - La Semaine Vétérinaire n° 1420 du 08/10/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1420 du 08/10/2010

Cas clinique dans un élevage bio

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Lorenza Richard

Face à un tableau clinique et lésionnel varié, une immunodépression est envisagée. Celle-ci a été induite par le virus de la maladie de Gumboro, et explique l’inefficacité de la vaccination contre la maladie de Marek.

Des nodules cutanés sur tout le corps de ses poulets à l’abattage amènent un éleveur à appeler le vétérinaire. Certains volatiles sont maigres et prostrés, et la mortalité est plus élevée qu’à l’accoutumée. Des pintades, qui cohabitent avec les poulets, ne sont pas affectées.

Cet éleveur de poulets fermiers “bio” travaille en bandes multiples. Toutes les quatre à six semaines, il achète deux à quatre cents poussins d’un jour à un couvoir qui les a vaccinés contre la maladie de Marek (souche HVT lyophilisé) et la bronchite infectieuse (BI H120). Les animaux sont ensuite déplacés dans des bâtiments successifs selon leur âge. Le bâtiment de démarrage est situé au milieu des autres et, bien que les lots ne soient pas mélangés, les très jeunes animaux en côtoient de plus âgés dans le même site. Les poulets sont abattus entre quatorze et seize semaines d’âge, pour être vendus sur les marchés.

Aucun traitement ni vaccination n’est administré en cours d’élevage, et l’aliment distribué, à base de céréales, de tourteau de soja et d’un complément minéralo-vitaminique, est fabriqué par l’éleveur.

Les lésions observées diffèrent selon l’âge des animaux

A l’examen clinique, plusieurs animaux sont cachectiques et des nodules sont visibles au niveau du cou des poulets vivants. Notre confrère Pierre-David Gras, qui a géré le cas, rappelle que « seule la palpation d’un oiseau permet de se rendre compte qu’il est maigre, car il gonfle ses plumes ».

Il est décidé d’autopsier deux lots d’animaux malades, âgés respectivement de six et treize semaines. Les lésions relevées sur les plus jeunes sont des nodules cutanés, une rate hypertrophiée et noduleuse, une hypertrophie des ventricules avec des pétéchies et des nodules, et une atrophie des bourses de Fabricius, parfois hémorragiques (lésion pathognomonique d’une maladie de Gumboro, voir photos 1 et 2).

Chez les animaux plus âgés, les lésions observées sont différentes : des nodules sur le bréchet, des infiltrations diffuses et nodulaires du foie, de la rate et du proventricule, et la présence d’Heterakis dans les culs-de-sac cæcaux. Pour les deux lots, des lésions duodénales caractéristiques provoquées par Eimeria acervulina sont notées.

Une étiologie unique est écartée

« Aucun élément ne permet d’expliquer à lui seul la totalité des troubles observés », conclut Pierre-David Gras. Différents diagnostics différentiels sont alors envisagés.

La cachexie des animaux permet de suspecter une carence alimentaire, une verminose, une mycoplasmose ou encore une coccidiose, cette dernière étant d’autant plus plausible que des lésions duodénales sont retrouvées. Toutefois, ces hypothèses sont rejetées. En effet, l’aliment distribué est de qualité et la croissance est bonne. Les quelques Heterakis retrouvés dans les culs-de-sac cæcaux traduisent l’absence de vermifugation des oiseaux sans signification pathologique particulière. Une agglutination rapide sur lame (ARL) permet d’exclure une séroconversion vis-à-vis de Mycoplasma gallisepticum dans les deux lots. Enfin, la souche de coccidies mise en évidence est peu pathogène et son impact est modéré.

Les lésions cutanées évoquent une photosensibilisation ou des traumatismes (mais peu d’éléments sont en faveur de ces hypothèses dans le bâtiment), des piqûres d’insectes ou d’acariens, ou encore la variole. Ces hypothèses sont peu vraisemblables, car les pintades ne sont pas affectées, et elles n’expliquent pas les autres lésions notées.

En revanche, les lésions des bourses de Fabricius observées sur les jeunes poulets laissent penser que les animaux sont atteints par la forme subclinique de la maladie de Gumboro, contre laquelle ils ne sont pas vaccinés. Enfin, les tumeurs cutanées et viscérales font suspecter une maladie de Marek ou une leucose, mais cette dernière, à transmission verticale, a été éradiquée des grandes souches de poulets. De plus, les infiltrations lymphoïdes observées sont caractéristiques de la maladie de Marek, autrefois appelée skin leucosis, maladie néoplasique qui provoque des envahissements tumoraux multiples et une immunodépression (voir photos 3).

« Le tableau clinique et lésionnel décrit dans cet élevage conduit donc à envisager une possible infection combinée de la maladie de Gumboro et de la maladie de Marek », estime Théodore Alogninouwa, professeur de pathologie du bétail à VetAgro Sup. Pourtant, les lots ont été vaccinés contre la maladie de Marek.

Ne pas oublier d’envisager des échecs de vaccination

La maladie de Gumboro est due à un birnavirus résistant et difficile à éradiquer des élevages. Très contagieuse, classée parmi les maladies particulièrement pénalisantes sur le plan économique, elle atteint les jeunes poulets vers trois à quatre semaines d’âge. Une forme virulente peut être responsable de la perte de la moitié des effectifs atteints, après prostration, anorexie, et diarrhée aqueuse provoquant une consommation d’eau qui peut être triplée. Lorsqu’elle atteint des animaux de moins de trois semaines, une forme subclinique se développe en raison d’une neutralisation par les anticorps maternels. « Cette forme provoque une immunodépression, qui fait le lit d’infections secondaires, faisant passer d’un statut de porteur sain à un statut de malade pour un certain nombre de pathogènes. C’est sans doute ce qui s’est produit ici, ce qui expliquerait l’échec ou plutôt l’inefficacité de la vaccination contre la maladie de Marek », explique Théodore Alogninouwa.

L’herpèsvirus (sérotype 1) responsable de la maladie de Marek est résistant dans le milieu extérieur et infecte les oiseaux âgés de moins de dix jours. La vaccination à un jour au couvoir est réalisée avec un vaccin vivant. Outre une erreur de vaccination humaine (réalisation de l’acte vaccinal, conservation des vaccins, etc.), l’échec de la vaccination peut être dû au choix d’un vaccin à base de souches HVT hétérologues, car issues de dindes et non de poulets. « La réponse immunitaire aurait sans doute été meilleure avec un vaccin Rispens congelé, à base d’une souche homologue », constate Pierre-David Gras. Toutefois, les animaux vaccinés peuvent excréter le virus contaminant, malgré l’absence d’expression de la maladie. « Dans un élevage en bandes multiples, les jeunes animaux non encore immunisés sont en contact avec des adultes potentiellement excréteurs de virus, ce qui rend majeur le risque de contamination des différents lots. L’immunité peut alors être dépassée, et les animaux développent des symptômes ou deviennent eux-mêmes excréteurs de virus », explique-t-il.

Les élevages en bandes multiples sont sujets aux infections Gumboro et/ou Marek

Ainsi, à trois semaines, les animaux ont déclaré une maladie de Gumboro, provoquant des troubles de la croissance et de la vitalité chez les jeunes animaux et des lésions nodulaires sur les bourses de Fabricius, ainsi qu’une immunodépression à l’origine de l’expression d’une maladie de Marek, caractérisée par les lésions retrouvées sur les animaux de treize semaines, malgré la vaccination. Les deux infections, immunodépressives, sont responsables du développement d’affections secondaires comme le parasitisme, favorisé par l’absence de traitement dans cet élevage “bio”.

« Les élevages en bandes multiples étant souvent sujets à une infection par Gumboro et/ou Marek, le mieux est d’acheter des animaux démarrés en bande unique », conseille Pierre-David Gras. L’éleveur est incité à ne plus acheter des poussins de un jour, mais d’introduire des poulets de quatre à six semaines d’élevage en bande unique. Des mesures d’hygiène sont rappelées et le plan de prophylaxie est revu (voir tableau). « Pour ces deux maladies, les mesures de prévention reposent sur le respect des règles de biosécurité, l’instauration d’un vide sanitaire avec un protocole rigoureux de nettoyage et désinfection, et une vaccination, indispensable », précise Théodore Alogninouwa.

Depuis que l’éleveur applique ces conseils, la maladie de Marek a totalement disparu du site.

CONFÉRENCIERS

Pierre-David Gras, praticien à Chabeuil (Drôme).

Théodore Alogninouwa, professeur de pathologie du bétail à VetAgro Sup.

Article rédigé d’après « Un cas de mortalité sur des poulets fermiers », présenté lors de la 3e journée “cas cliniques en pratique rurale”, organisée par les GTV Rhône-Alpes, Auvergne et Bourgogne, VetAgro Sup et Merial, à Marcy-L’Etoile, le 29 avril 2010.

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