Quarante principes restent à traduire en mesures concrètes - La Semaine Vétérinaire n° 1418 du 24/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1418 du 24/09/2010

Etats généraux. La politique sanitaire de demain

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

Le ministère de l’Agriculture vient d’annoncer les quarante actions de la « politique de sécurité sanitaire rénovée pour l’agriculture française ».

Bruno Le Maire était attendu le 16 septembre dernier au ministère de l’Agriculture par les professionnels, avec l’ambition sans doute d’annoncer le franchissement d’une nouvelle étape pour les Etats généraux du sanitaire (EGS) et de montrer la volonté de son ministère d’aboutir à des actions rapides. Certes le ministre a été retenu, au dernier moment, pour des obligations à l’Elysée…

Au-delà de l’effet d’annonce, que retenir sur le fond ? A priori, il n’y a pas vraiment de nouveauté depuis les rapports des EGS remis au printemps dernier(1). Les quarante actions de la « politique de sécurité sanitaire rénovée pour l’agriculture française », que vient d’annoncer le ministère, sont fidèles aux grandes lignes déjà tracées. L’esprit est conforme. Leur concrétisation et toutes leurs applications dépendent désormais des décisions qui seront prises dans les semaines et les mois à venir. Car l’enjeu n’est pas dans ces quarante actions, mais dans leur mise en pratique. Les organisations professionnelles vétérinaires et agricoles sont donc dans l’attente de la parution d’ordonnances, de décrets d’application.

Des enjeux majeurs pour la profession sur le point d’aboutir

A l’occasion de la réunion du 16 septembre, Pascale Briand, directrice générale de l’alimentation, et Jean-Luc Angot, directeur-adjoint, ont pu aborder les contours de ces quarante mesures (voir encadré).

En outre, des échéances proches ont été annoncées : la fin du mois pour la publication d’ordonnances (sur l’acte vétérinaire notamment) et une deuxième vague de publications d’ici à la fin de l’année. Un calendrier (trop) serré ? « Une échéance aussi courte ne nous semble pas raisonnable, s’inquiète Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). Les Etats généraux sont une étape, mais le plus important reste à faire. » Les négociations, jusque-là fructueuses, risqueraient alors d’être bousculées par trop d’empressement. Des réunions sont programmées dans les jours à venir, notamment sur la rénovation du mandat sanitaire. Un premier projet de texte a d’ailleurs déjà été soumis par l’administration aux organisations professionnelles vétérinaires et agricoles. Globalement, « les groupes de travail seront conclusifs, sauf pour la visite sanitaire bovine obligatoire où il n’y a pas eu de débat technique », estime Pierre Buisson, vice-président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL).

Quels sont les enjeux pour la profession ? Concernant la dérogation d’actes effectués par les éleveurs, le décret qui doit lister les soins faisant l’objet d’une telle dérogation n’est pas encore totalement finalisé, mais il ne devrait pas y avoir de surprise majeure. L’esprit devrait rester fidèle à l’accord signé entre les organisations professionnelles cet été(1).

Des motifs comptables de court terme qui inquiètent

Sur plusieurs points, il y a de quoi rester sur sa faim, voire être inquiet. « L’annonce est faite de maintenir des services de contrôle officiel, des chaînes de commandement dans la réorganisation de l’Etat, mais rien n’est traduit par des mesures réelles », déplore Benoit Assémat, président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF). Selon notre confrère, il existe un autre point d’inquiétude, « la capacité de l’Etat à remplir ses missions dans les années à venir. En effet, les niveaux sont tellement bas, il y a d’importants départs à la retraite qui ne permettront pas à l’Etat, dans cinq à dix ans, de remplir ses missions, malgré le discours actuel ! ». L’enjeu des décisions va ainsi bien au-delà du remplacement de fonctionnaires qui partent à la retraite. C’est « très grave », et la situation risque d’être dramatique dans dix à vingt ans « pour des motifs comptables de court terme », analyse Benoit Assémat.

Les vétérinaires, plutôt exécutants qu’acteurs à part entière ?

« La prochaine étape est la parution de l’ordonnance sur la gouvernance qui fera l’objet d’une consultation. 2011 verra la mise en place des comités de surveillance sanitaire qui se substitueront aux actuels comités », explique Jean-Luc Angot. Qui fera quoi ?

« Un système de surveillance est conçu, mais les vétérinaires ne sont pas bien assis, ce sont plus des exécutants que des décisionnaires, alors que nous disposons d’une vraie expertise », regrette Pierre Buisson.

Concernant la question cruciale de la gouvernance sanitaire, la SNGTV et la FSVF avaient déjà envoyé un courrier cosigné en mai dernier. La réponse est toujours attendue. « Les vétérinaires veulent être des acteurs à part entière dans les organes de gouvernance, souligne Christophe Brard. Nous ne voulons pas seulement être présents. » Le débat est donc loin d’être tranché.

Par ailleurs, l’établissement d’une plate-forme épidémiologique se concrétise. Jean-Luc Angot en a précisé les différentes étapes : recensement des activités de surveillance et des schémas organisationnels, évaluation des réseaux de surveillance (en octobre), formalisation de cette plate-forme par une convention en fin d’année, déploiement de cette plate-forme sur le terrain (janvier 2011).

Mandat sanitaire : vers une déresponsabilisation de l’Etat ?

Du côté du mandat sanitaire, « cela semble aller dans la bonne direction », constate Pierre Buisson. Les projets vont en effet dans le sens d’une définition du vétérinaire sanitaire habilité, chargé en quelque sorte d’un “contrôle technique”. Serait aussi défini le vétérinaire mandaté : dans ce cas, l’Etat missionne le vétérinaire et assume la responsabilité. « Celle du vétérinaire devra être discutée », insiste Christophe Brard. En effet, l’Etat se désengage actuellement de sa responsabilité lors d’habilitation. « Je comprends bien la partition entre vétérinaire habilité et vétérinaire mandaté, cela apporte de la rigueur, estime Michel Baussier, vice-président du Conseil supérieur de l’Ordre. Je reste toutefois attentif au traitement de la responsabilité du vétérinaire sanitaire. » Dans le cadre des prophylaxies collectives, « la mise en cause de la responsabilité civile peut être lourde, cela ne serait pas sans incidence sur les assurances et dans les négociations bipartites avec les commissions agricoles. La question de la responsabilité ne semble pas tranchée. Des réflexions internes de la DGAL nous inquiètent, nous restons vigilants », conclut notre confrère.

En outre, une approche pragmatique s’est imposée pour la rénovation du mandat sanitaire, qui se ferait filière par filière. L’important reste que tout soit bien cadré. Plusieurs pistes ont été émises concernant la limitation par vétérinaire, qu’elle soit géographique ou en termes de quotas d’élevages ou d’animaux, voire de système mixte, etc. Selon les filières, la logique pourrait être différente : « Pour les porcs, les poissons, par exemple, il est possible de prendre une référence de quotas d’élevages ou d’animaux. Pour les bovins, la problématique est différente, nous préférons rester sur la notion de proximité géographique (départements limitrophes) », analyse Pierre Buisson.

Toutes ces précisions auront un impact positif direct sur le décret prescription-délivrance : l’administration aura en main le nombre exact d’élevages sur lesquels les vétérinaires sanitaires sont enregistrés, les affairistes ne seront plus dissimulés sous le couvert de la “nébuleuse”.

Il demeure néanmoins un point d’inquiétude pour les organisations professionnelles et agricoles : l’établissement de catégories de maladies (voir encadré). L’Etat y voit le bénéfice de pouvoir faire varier le curseur de ses interventions. « L’Etat risque d’être moins impliqué, or l’économie agricole ne serait pas la seule concernée. S’il est possible d’indemniser des pertes d’animaux, comment prendre en charge des pertes en termes de tourisme, par exemple, si un fléau sanitaire survient (le Royaume-Uni en a déjà fait l’expérience avec la fièvre aphteuse) ? Seuls les fonds publics peuvent apporter une réponse », s’inquiète Pierre Buisson.

Par ailleurs, l’action n° 25, sur l’enseignement vétérinaire français, interpelle Michel Baussier : « Elle ne correspond pas à la conclusion des débats des EGS : nous sommes encore en train de modifier le cursus, alors que nous en étions restés à des hypothèses et à des schémas. » Une nouvelle réforme ne mettrait-elle pas le feu aux poudres ?

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1404 du 7/5/2010.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1414 du 27/8/2010.

Catégorisation des maladies

Les maladies seront réparties en trois catégories :

– celles qui ont une importance majeure ;

– les dangers sanitaires réglementés ;

– celles qui sont du ressort de la gestion du secteur privé.

Cette nouvelle classification des risques permettra ainsi de déterminer si les maladies sont d’intérêt général (dans ce cas, l’Etat finance en majorité), collectif (prise en charge intermédiaire), ou privé (financement par les professionnels).

M. N.

Les grands axes des 40 actions annoncées

• Améliorer la surveillance du territoire : création d’une plate-forme d’épidémiosurveillance, mise en place d’un comité “antibiorésistance” et d’un réseau de vétérinaires sentinelles en charge des questions de pharmacovigilance, rénovation de l’inspection en abattoir, rénovation du mandat sanitaire, évolution de la visite sanitaire d’élevage, adaptation des textes par rapport à l’acte vétérinaire, etc.

• Consolider et mutualiser les outils d’analyse du risque sur lesquels s’appuie la politique sanitaire.

• Des compétences solides et diversifiées au service de la sécurité sanitaire : redéfinition du rôle et du contenu des vade-mecum des inspecteurs, évolution de l’enseignement vétérinaire, coordonner l’offre de formation continue pour les acteurs non vétérinaires, etc.

• Optimiser la gouvernance et le financement de la politique sanitaire : classement des dangers sanitaires selon une nouvelle nomenclature, simplification et financement du dispositif de certification des animaux et de leurs produits, etc.

• Ambitions communautaires et internationales : sécurité sanitaire des produits importés, etc.

M. N.
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