Les soins aux animaux sauvages ne sont à envisager que si leur relâcher est possible - La Semaine Vétérinaire n° 1418 du 24/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1418 du 24/09/2010

Prise en charge des oiseaux blessés

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Florine Popelin-Wedlarski*, Jean-François Courreau**, Pascal Arné***

Fonctions :
*Du Centre d’accueil de la faune sauvage de l’école vétérinaire d’Alfort
**Du Centre d’accueil de la faune sauvage de l’école vétérinaire d’Alfort
***Du Centre d’accueil de la faune sauvage de l’école vétérinaire d’Alfort

Le maintien en captivité d’animaux nés à l’état sauvage n’est éthiquement pas acceptable. De plus, il est légalement interdit pour la plupart des espèces.

L’accueil d’un oiseau sauvage dans une clinique vétérinaire est occasionnel, mais pas exceptionnel. Le praticien est souvent démuni face à ces animaux. Pourtant, les premiers gestes à faire sont simples. Ils sont destinés à stabiliser l’animal avant de l’envoyer dans un centre de soins habilité.

1 ACCUEILLIR LE DÉCOUVREUR ET RECUEILLIR DES COMMÉMORATIFS

Les découvreurs sont souvent des clients de la clinique, mais pas toujours. Un bon accueil, même face à un animal inhabituel, est toujours apprécié. Trop de découvreurs arrivent en centre de soins après s’être vu refuser une prise en charge par un vétérinaire, ce qui nuit à l’image de la profession. Si le praticien ne souhaite pas accueillir l’animal, il doit pouvoir donner au découvreur l’adresse d’un confrère ou d’un centre de soins proche. Des listes de centres de soins par région sont disponibles sur le site de l’Union française des centres de sauvegarde (uncs.chez.com) et sur le site de la Ligue pour la protection des oiseaux (www.lpo.fr).

Des commémoratifs doivent être recueillis soigneusement auprès du découvreur : a minima ses coordonnées, le lieu et la date de la découverte de l’animal, ainsi que les circonstances de celle-ci. Ces informations peuvent se révéler précieuses pour l’établissement du diagnostic, lors d’une attaque de chat ou de choc contre une voiture, par exemple. Elles sont également profitables au centre qui prendra ensuite en charge l’animal.

2 EXAMINER L’ANIMAL ET ÉVALUER L’ÉTAT DU PLUMAGE

Un examen rapide mais exhaustif de l’oiseau est à effectuer. Il débute toujours par une observation à distance, en ouvrant le carton de transport avec précaution ou en regardant à travers les barreaux de la cage. Le degré de prostration ou de vivacité, l’attention portée à l’environnement, le port anormal d’un membre ou de la tête permettent d’orienter l’examen clinique en main, qui n’en sera que plus rapide et moins nocif.

Un animal sauvage blessé ou malade est le plus souvent déshydraté et dénutri. La peau des oiseaux n’est pas assez souple pour réaliser un pli de peau. Les signes de déshydratation sont la présence de filaments muqueux à l’ouverture de la bouche (salive épaissie), le retour ralenti de la paupière inférieure après l’avoir doucement pincée, la peau qui coulisse mal sur les muscles pectoraux et un temps de remplissage de la veine basilaire (veine de l’aile, visible en face inférieure du coude) supérieur à une seconde (voir photo 1 et tableau). Tout animal sauvage en détresse doit être considéré comme déshydraté à au moins 5 %, stade auquel aucun signe clinique n’est encore visible.

La dénutrition s’évalue par la palpation des muscles pectoraux, les oiseaux faisant rapidement appel à leurs réserves protéiques musculaires. Les pectoraux doivent être bien développés, à profil convexe, de chaque côté du bréchet. Plus la lame du bréchet fait saillie et est facilement palpable, plus l’oiseau est dénutri (voir photos 2 et 3).

Le vol est une donné evitale pour l’oiseau sauvage et toute baisse de la capacité à voler compromet son retour à la nature. Il est essentiel d’évaluer l’état du plumage, et notamment des rémiges, les grandes plumes des ailes. Une plume cassée ne repoussera qu’à la mue suivante, handicapant l’oiseau jusqu’à cette échéance, souvent pendant plusieurs mois.

Les ailes et les pattes doivent être soigneusement palpées pour détecter toute fracture ou luxation. Quand un membre est sain et l’autre blessé, leur palpation comparée est conseillée pour détecter des lésions discrètes. Enfin, il ne faut pas hésiter à écarter les plumes qui peuvent cacher les plaies, même importantes.

3 ETABLIR UN PRONOSTIC VITAL ET UN PRONOSTIC DE RELÂCHER

Lors de la prise en charge d’un animal sauvage, le pronostic est plus important que le diagnostic précis de son atteinte. Il s’agit d’établir non seulement le pronostic médical (l’animal a-t-il de bonnes chances de survivre ?), mais également le pronostic de relâcher (l’animal pourra-t-il, une fois rétabli, survivre dans la nature ?). Par exemple, une fracture ouverte de l’aile, souvent ancienne et infectée, est quasi systématiquement synonyme d’euthanasie. En effet, une amputation peut apparaître comme une solution adaptée. Elle interdit cependant ensuite toute perspective de relâcher. Or, les soins aux animaux sauvages ne peuvent être envisagés qu’en vue d’un retour dans la nature, le maintien en captivité d’animaux nés à l’état sauvage n’étant pas éthiquement acceptable et, de plus, formellement interdit par la loi pour la plupart des espèces.

Le praticien doit donc établir rapidement un pronostic et pratiquer, de façon responsable, l’euthanasie des animaux “non sauvables ou non relâchables”. Ainsi, il évite de perdre du temps en soins inutiles et d’imposer à l’animal du stress et des douleurs supplémentaires jusqu’à son transfert au centre de soins, où il sera euthanasié à l’arrivée.

4 RÉCHAUFFER ET RÉHYDRATER

Le rôle du praticien est essentiellement de stabiliser l’oiseau avant son transfert au centre de soins, qui doit avoir lieu le plus rapidement possible (idéalement sous vingt-quatre à quarante-huit heures), dès que l’animal est en état de voyager.

L’oiseau doit être placé dans un endroit calme, sombre et chaud. La température normale d’un oiseau est située entre 39 et 44 °C selon l’espèce. Tout oiseau qui semble froid à la manipulation est en état d’hypothermie et doit rapidement être réchauffé à l’aide d’une bouillotte (résistante aux serres des rapaces !) ou d’une lampe infrarouge.

La réhydratation peut être entamée dès l’arrivée de l’oiseau. Les fluides utilisables sont les mêmes que pour les mammifères (chlorure de sodium, Ringer lactate, glucosé, voir le calcul des quantités à administrer dans l’encadré).

Si l’oiseau est en état, la réhydratation orale est privilégiée : elle est réalisée avec une sonde (de type tubulure de perfusion) introduite jusque dans le jabot ou, idéalement, à l’entrée de l’estomac (voir photo 4). Le volume à administrer est au maximum de 55 ml/kg, plutôt vers 25 à 30 ml/kg si l’oiseau est fortement dénutri.

La voie sous-cutanée peut être utilisée également lors de déshydratation modérée. De grands volumes de liquide (de l’ordre de 10 ml/kg) sont injectés en zone inguinale, en tirant doucement la patte vers l’arrière, l’oiseau maintenu en décubitus dorsal : un pli de peau se forme alors entre le genou et le corps (voir photo 5).

Lors de déshydratation sévère, une fluidothérapie intraveineuse doit être entreprise. La veine métatarsienne médiale, sur la patte (face médiale du tarso-métatarse) peut être utilisée pour poser un cathéter chez les grandes espèces (voir photo 6). Chez les espèces plus petites, la veine jugulaire droite (plus développée que la gauche) ou la veine alaire peuvent être utilisées, mais elles tolèrent mal la pose d’un cathéter (parois fines, facilement sujettes aux hématomes, cathéter difficile à fixer). Il faut alors privilégier des administrations par bolus (10 à 20 ml/kg en cinq à sept minutes), ou choisir la voie intra-osseuse. Une aiguille à injection fait alors office de cathéter. Les seuls os utilisables sont le radius et l’ulna (à privilégier, car ils sont plus gros chez les oiseaux) par leur extrémité distale, et le tibio-tarse par son extrémité proximale. Les autres os (humérus et fémur notamment) sont pneumatisés, c’est-à-dire reliés aux sacs aériens et aux poumons ; les utiliser revient donc à “noyer” l’oiseau.

5 LA RENUTRITION DOIT SUCCÉDER RAPIDEMENT À LA RÉHYDRATATION

Chez les oiseaux très affaiblis, elle n’est en général initiée qu’après vingt-quatre heures de réhydratation ; pour les autres, la nourriture est mise à disposition dès leur arrivée. Il n’est pas évident d’avoir à la clinique les aliments qui conviennent à toutes les espèces. Les aliments industriels pour carnivores domestiques et d’autres simples à trouver (pain dur, par exemple, pour les oiseaux granivores) sont une solution de secours avant le transfert vers un centre de soins. Si l’animal ne s’alimente pas de lui-même, l’administration d’aliments de renutrition peut se faire par gavage, comme pour la réhydratation orale. Les aliments de renutrition pour chiens, chats et furets (type Hill’s a/d©, Royal Canin Recovery® ou Oxbow Carnivore care®) peuvent être utilisés pour les oiseaux carnivores (rapaces) ou insectivores. Les aliments de gavage pour lapins et rongeurs (Oxbow Critical care®) profiteront aux oiseaux herbivores (tous les anatidés tels quecygnes ou canards notamment). Enfin, le Fortol© convient à toutes les espèces.

L’oiseau ainsi stabilisé sera ensuite adressé le plus rapidement possible à un centre de soins habilité. Le vétérinaire est en effet autorisé à réaliser les premiers soins, mais pas à hospitaliser les animaux sauvages, ceux-ci nécessitant des compétences et des infrastructures spécifiques afin d’avoir les meilleures chances de retourner à la nature. En outre, comme l’animal sauvage n’appartient à personne, et surtout pas au découvreur, sa prise en charge par le vétérinaire s’inscrit dans le cadre du réseau bénévole et associatif des centres de sauvegarde. Les soins ne doivent donc pas être facturés.

Calcul de la réhydratation

Besoins d’entretien (BE) : 50 ml/kg/j

Pertes : % déshydratation x poids (en g)

J1 : apporter BE + 50 % des pertes

J2 et J3 : apporter BE + 25 % des pertes

F. P.

Exemple de protocole de prise en charge d’une chouette hulotte de 240 g déshydratée à 6 % :

BE = 50 x 0,240 = 12 ml Pertes = 0,06 x 240 = 14,4 ml

J1 = 12 + 7,2 = 19,2 ml sur 24 heures

• Choix de la voie sous-cutanée :

10 ml/kg/point d’injection = 2,5 ml dans chaque pli inguinal = 5 ml par administration, soit 4 administrations sur les premières 24 heures.

• Choix de la voie orale :

Capacité digestive d’un animal dénutri = 25 ml/kg, soit 6 ml, d’où 3 à 4 gavages sur les premières 24 heures (par exemple : 3 gavages de 6,6 ml et 7 ml).

J2 et J3 = 12 + 3,6 = 15,6 ml sur 24 heures Ne pas oublier de prendre en compte l’apport d’aliment (par exemple : Fortol® = 80 % d’eau).

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