La dobutamine est utilisée avec succès en anesthésie des équidés - La Semaine Vétérinaire n° 1418 du 24/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1418 du 24/09/2010

Anesthésie

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde

Cette molécule constitue un traitement fiable et efficace de l’hypoperfusion tissulaire et de l’hypotension observée dans le cadre de l’anesthésie volatile chez le cheval.

Le développement de techniques chirurgicales de plus en plus élaborées a permis d’élargir l’éventail des procédures réalisables chez le cheval et s’est accompagné de l’essor de l’anesthésie volatile (halothane puis isoflurane), plus malléable en termes de durée que l’anesthésie fixe. Le “confort” lié à l’utilisation de l’anesthésie volatile est toutefois contrebalancé par les effets secondaires des molécules administrées qu’il faut gérer.

L’anesthésie volatile chez le cheval est associée à une dépression cardiovasculaire marquée qui est largement incriminée dans les causes de mort peranesthésique chez les équidés. La diminution du débit cardiaque et la vasodilatation provoquées par ces agents anesthésiques peuvent être responsables d’un arrêt cardiaque sur la table d’opération, d’un collapsus cardiovasculaire péri-opératoire, voire de myopathies et de fractures postopératoires. Le monitoring cardiovasculaire pendant l’anesthésie permet de déterminer la nécessité et le moment opportun d’une intervention thérapeutique. La molécule inotrope positive la plus couramment utilisée pour traiter cette dépression cardiovasculaire chez le cheval est la dobutamine.

La dobutamine est avant tout un agent inotrope

La dobutamine est une catécholamine synthétique qui possède une activité sympathomimétique directe. Il s’agit d’un agoniste des récepteurs adrénergiques β1, β2 et α1, avec une affinité prépondérante pour les récepteurs β1. Cela correspond, au niveau du système cardiovasculaire, à des effets inotrope positif marqué et chronotrope positif faible (récepteurs β1 cardiaques), à une légère vasoconstriction des territoires périphériques (récepteurs α1 périphériques) et à une vasodilatation modérée des muscles (récepteurs β2). Ces effets dépendent de la dose utilisée, avec une action essentiellement inotrope à faible dose, puis l’apparition d’une hausse de la fréquence cardiaque et de la vasoconstriction au fur et à mesure de l’augmentation de la dose.

L’augmentation du débit cardiaque entraîne une meilleure perfusion tissulaire

L’effet β1 entraîne une élévation de la contractilité cardiaque et, par conséquent, du débit cardiaque, ce qui assure une amélioration de la perfusion tissulaire et de la pression artérielle. Si la fréquence cardiaque s’accroît aussi, elle contribue alors en partie à la hausse du débit cardiaque. A dose inotrope, la dobutamine amplifie le débit sanguin rénal, splanchnique, coronaire et musculaire.

La pression artérielle augmentée par la dobutamine est le paramètre cardiovasculaire le plus facilement mesurable, donc le plus utilisé pour évaluer le degré de perfusion tissulaire.

Quant à la pression artérielle systolique (pression d’éjection, PAS), elle est augmentée par inotropisme positif. La valeur de la pression artérielle diastolique (PAD) dépend de l’équilibre entre les effets vasodilatateur (β2) et vasoconstricteur (α1) sur les différents territoires de perfusion, ainsi que de l’existence d’effets d’autres molécules comme les α2-agonistes ou l’acépromazine (action antagoniste α1). La pression diastolique peut donc rester inchangée, être augmentée ou diminuée. La pression artérielle moyenne (PAM) est la résultante des pressions systolique et diastolique. En règle générale, elle s’élève avec la dobutamine. Toutefois, si la pression diastolique baisse trop par rapport à l’augmentation de la pression systolique, le résultat peut être une faible hausse, voire une diminution de la PAM.

Lorsque l’écart se creuse entre la PAS et la PAD, le pouls, qui est le différentiel entre PAS et PAD, est frappé, mais cela ne garantit pas que la PAM se situe dans des valeurs adéquates pour la perfusion tissulaire (supérieure à 60 à 70 mmHg).

L’anticholinergique accroît les risques de tachycardie sinusale et d’arythmie

Au niveau de la fréquence cardiaque, l’effet chronotrope positif de la dobutamine est plus faible chez le cheval adulte que chez le poulain de moins de trois mois et est rapidement tempéré par un tonus parasympathique fort. La fréquence cardiaque change peu, voire perd quelques points. Une tachycardie sinusale plus ou moins accompagnée d’extrasystoles atriales ou ventriculaires peut toutefois survenir lors de surdosage et d’administration antérieure ou concomitante d’un agent anticholinergique comme l’atropine, ainsi qu’en présence d’une hypovolémie, de douleur et de stress.

Sur le rythme cardiaque et le tracé de l’électrocardiogramme (ECG, voir tracés), la dobutamine a un pouvoir arythmogène faible. Des extrasystoles atriales et ventriculaires peuvent apparaître. Lors de bradycardie, il est possible d’observer des blocs du premier et du second degré. L’onde T du tracé ECG change parfois de forme lors de la perfusion de la dobutamine.

D’autres effets sont également observés. La dobutamine ne traverse pas la barrière hémato-méningée et n’a donc pas d’action stimulante directe sur l’activité cérébrale et l’état de conscience. En revanche, lors du traitement d’une hypotension sévère avec cette molécule, l’amélioration de la perfusion cérébrale peut s’accompagner d’un allégement de la profondeur de l’anesthésie. Sont également notées une légère diminution de la concentration plasmatique en potassium sans atteindre l’hypokaliémie, une légère augmentation de l’hématocrite, ainsi qu’une sudation.

Ainsi, la dobutamine constitue un traitement fiable et efficace de l’hypoperfusion tissulaire et de l’hypotension rencontrée dans l’anesthésie volatile des équidés. Comme toute molécule administrée lors de l’anesthésie générale, son effet doit être surveillé et mesuré pour prévenir l’apparition d’effets secondaires.

  • Sources : – A. de Vries et coll. : « Effects of dobutamine on cardiac index and arterial blood pressure in isoflurane-anaesthetiszed horses under clinical conditions », J. Vet. Pharmacol. Therap., 2009, vol. 32, pp. 353-358. – A.E. Wagner : « Focused supportative care : blood pressure and blood flow during equine anesthesia. In : Recent advances in anesthetic management of large animals », ed. Steffey EP. IVIS (www.ivis.org). Document n° A0612.0900.

L’administration de la dobutamine en pratique

• Posologie et voie d’administration : 0,5 à 2 µg/kg/min en perfusion intraveineuse. Il est estimé qu’une pression artérielle moyenne (PAM) inférieure à 70 mmHg chez le cheval anesthésié est le plus souvent insuffisante pour assurer une bonne perfusion musculaire. La perfusion est lancée lorsque la PAM avoisine ce seuil ou passe dessous. Si la pression est beaucoup plus basse que 70 mmHg (50 à 60), la perfusion est débutée avec une dose de 2 µg/kg/min qui, selon l’amélioration de la PAM, est ajustée pour rester dans des valeurs entre 70 et 80 mmHg. Avec une PAM comprise entre 60 et 70 mmHg, il convient de commencer avec une petite dose (0,5 µg/kg/min), puis de l’ajuster à la réponse obtenue.

• Disponibilité et présentation : médicament sorti de la réserve hospitalière, dobutamine Aguettant, Winthrop, Mylan, Panpharma à commander directement au laboratoire, solution à diluer pour perfusion 250 mg/20 ml.

• Modes d’administration : pousse-seringue ou pompe à perfusion pour une administration précise, sinon perfusion goutte à goutte avec un contrôle visuel rapproché.

• Préparation de la solution à perfuser :

– pompe à perfusion avec une solution à 1 mg/ml (voir photo) : 250 mg (soit une ampoule de 20 ml dans une outre de NaCl à 0,9 % ou de soluté glucosé à 5 % de 250 ml), 1 µg/kg/min pour un cheval de 500 kg correspond à 30 ml/h ;

– goutte à goutte (perfuseur de 20 gouttes/ml) avec une solution à 175 µg/ml (soit 43,75 mg = 3,5 ml dans une outre de 250 ml ou 175 mg = 14 ml dans 1 l) : 1 µg/kg/min pour un cheval de 500 kg correspond à environ 1 goutte/s ;

– goutte à goutte (perfuseur de 15 gouttes/ml) avec une solution à 125 µg/ml (soit 31,25 mg = 2,5 ml dans une outre de 250 ml ou 125 mg = 10 ml dans 1 l) : 1 µg/kg/min pour un cheval de 500 kg correspond à environ 1 goutte/s (240 ml/h).

• Conservation : la solution se dégrade progressivement à la lumière et dans les solutions alcalines. L’activité de la solution diluée est jugée correcte pendant deux à trois semaines. Attention à la contamination de la ligne de perfusion si elle est gardée aussi longtemps.

G. T.-J.
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