La surveillance des trichines en Europe, non harmonisée, pourrait être revue - La Semaine Vétérinaire n° 1417 du 17/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1417 du 17/09/2010

Zoonoses alimentaires

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Florence Humbert

Un rapport propose des plans d’échantillonnages à appliquer aux différentes populations animales domestiques et sauvages, et un classement des zones géographiques en trois groupes de risque trichines.

Le rapport remis à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) par l’Agence de recherches en alimentation et environnement (Fera, Royaume-Uni)(1), en collaboration avec les agences et laboratoires de référence européens, devrait, à terme, modifier la réglementation actuelle sur les trichines, afin d’harmoniser et de rendre plus efficace la surveillance de ce parasite répandu (voir encadré ci-dessous), à l’origine d’une zoonose alimentaire.

L’homme s’infecte en consommant des viandes parasitées (larves enkystées dans les muscles), crues ou insuffisamment cuites, principalement de porc, de sanglier ou d’autres gibiers. Après l’ingestion, les larves prolifèrent dans le tube digestif, franchissent la barrière intestinale pour migrer, par voie sanguine, dans tout l’organisme. Elles se fixent dans les muscles et forment des kystes de 0,6 à 0,8 mm de diamètre qui renferment chacun une larve vivante, dont la vie latente dure plusieurs années. Leurs localisations dans le cerveau et les yeux provoquent des encéphalites et une cécité. A partir de la quatrième semaine, un syndrome neurologique peut se développer (vertiges, paraplégie, méningo-encéphalite) lors de fortes contaminations. Le décès est possible durant cette phase aiguë.

La moitié des cas humains sont recensés en Roumanie, Bulgarie et Pologne

La surveillance des cas de trichinellose humaine n’est pas harmonisée en Europe. Certains pays, comme le Danemark et l’Islande, déclarent ne pas avoir de système de surveillance, alors que d’autres distinguent des “cas autochtones” et des “cas importés”. La maladie n’est pas à déclaration obligatoire chez l’homme, et le diagnostic de l’espèce n’est réalisé que dans 10 % des cas. Toutefois, Trichinella spiralis serait la plus incriminée(2).

En Europe, le nombre de cas humains est faible, sauf à l’est. De deux cents à deux cent cinquante cas humains européens annuels, on est passé depuis 2007, à sept cents ou huit cents cas par an, avec l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans les statistiques de l’Europe. La moitié des cas européens sont enregistrés en Roumanie et en Bulgarie. La Pologne est également particulièrement touchée(3).

En France, il est rapporté en moyenne quatre à cinq cas humains autochtones ou importés par an, sur les dix dernières années, toutes viandes et toutes origines géographiques confondues (voir tableau 1). Un cas sur quatre correspond à des voyageurs qui consomment diverses viandes à risque à l’étranger (phacochères, porcs, ours, morses, etc.), alors que trois cas sur quatre sont autochtones et liés à des sangliers non contrôlés par les services vétérinaires(4). Historiquement, en France, il n’est plus rapporté de cas lié à la consommation de viande de porc depuis 1983, et lié à la viande de cheval depuis 1998. Les deux dernières grandes épidémies françaises de 1998 (cent vingt-huit et quatre cent vingt-deux cas humains) étaient dues à la consommation de viande de chevaux importés des pays de l’Est.

Un classement fondé sur des prérequis, puis sur des rapports annuels

Quant à la surveillance actuelle des réservoirs animaux, le règlement européen 2075/2005 stipule que tous les porcs produits dans un Etat membre doivent d’abord être contrôlés pendant dix ans sans aucun résultat positif, avant de pouvoir considérer certains élevages ou zones indemnes, et donc exemptés d’analyse trichines. En raison de cette exigence de dix ans de résultats négatifs, sans prise en compte du mode d’élevage des porcs, ce règlement est inapplicable, sauf dans les rares pays européens où tous les porcs, sans exception, sont élevés en claustration totale (au Danemark et dans les pays scandinaves, voir encadré).

Le rapport remis à l’Efsa propose donc de classer les pays, ou les différentes zones géographiques de pays, en trois groupes de risque (voir tableau 2). Il donne le plan d’échantillonnage à appliquer aux différentes populations animales domestiques et sauvages, selon ce classement qui sera fondé, au départ, sur des prérequis, puis sur un rapport annuel que tout Etat membre devra rendre à la Commission.

Il est toutefois regrettable que ce rapport ne donne aucun total des coûts engagés en regard du total des bénéfices escomptés, ni pour l’application de la réglementation actuelle ni pour celle qui est proposée dans ce rapport. Les calculs coût/bénéfice ne font pas encore partie, en santé vétérinaire comme en santé publique, des données retenues lors de prises de décisions. Le risque “trichine” reste en effet limité : 0,6 cas pour cent mille habitants en Europe, loin derrière d’autres zoonoses d’origine alimentaire comme Campylobacter (quarante-sept cas pour cent mille habitants). Et, même si l’individu contaminé continue de vivre avec le parasite, lorsque le diagnostic et le traitement sont appliqués précocement, la mortalité est nulle et les complications rares.

Des mesures de prévention évidentes s’imposent

Face au risque zoonotique alimentaire que représentent les trichines, différentes méthodes de prévention, à titre individuel et collectif, sont possibles.

La principale serait de renforcer l’information des chasseurs. En France, les chasseurs, dès qu’ils cèdent, même à titre gratuit, une carcasse de sanglier à un tiers, sont tenus de faire rechercher les trichines. Mais les frais de laboratoire restent à leur charge. Même si cette analyse pour la recherche des trichines (100 € approximativement) peut concerner jusqu’à vingt sangliers à la fois, il est impossible, en pratique, que les particuliers ou les chasseurs se concertent pour leurs analyses, et chacun continue de payer, individuellement, 100 € pour chaque sanglier. La prise en charge par l’Etat des analyses concernant les gibiers, les sangliers par exemple, serait indéniablement un plus.

En France, quatre cent cinquante mille sangliers sont abattus par saison de chasse, avec une prévalence de trichines évaluée à 1 % (donc potentiellement quatre mille cinq cents carcasses parasitées peuvent entrer dans la chaîne alimentaire). Or, la proportion de sangliers effectivement analysés est estimée à 10 %, soit quarante-cinq mille, ce qui, reporté à la prévalence, n’est susceptible d’écarter que quatre cent cinquante carcasses parasitées. De plus, le sanglier, qui se mangeait traditionnellement bien cuit, l’est moins aujourd’hui. Or, il est fortement recommandé de le cuire à cœur.

En ce qui concerne les voyageurs, il leur est conseillé de s’abstenir de manger toutes les viandes crues ou peu cuites dans les pays qui ne disposent pas d’abattoirs avec des contrôles vétérinaires organisés. Le risque “trichines” concerne plus particulièrement le chacal en Algérie, les phacochères en Afrique, les ours au Canada, les porcs dans tous les pays de l’Est, mais aussi en Russie, en Chine, en Asie et en Amérique latine.

Les animaux issus d’élevages de plein air (porcs, sangliers d’élevage) devraient faire l’objet d’une analyse libératoire “trichine” systématique avant consommation, tout comme les gibiers chassés (variables selon les pays), en particulier le sanglier en France.

En élevage hors sol, des mesures sanitaires évidentes, comme la dératisation et l’élimination des cadavres de rats dans les locaux d’élevage et de stockage des aliments, ainsi que la maîtrise de la fabrication des aliments pour animaux, à l’abri des rongeurs, constituent des mesures élémentaires. En élevage de porcs, il faut également éviter le cannibalisme par détection et élimination précoce des cadavres. Dans les régions d’endémie, les oiseaux carnivores (corbeaux et oiseaux de proie) peuvent aussi présenter un risque.

Il convient toutefois de préciser qu’en élevage hors sol, l’infestation par les trichines reste rarissime. Cependant, des cas pourraient survenir, liés à la paupérisation et aux difficultés économiques des éleveurs qui n’ont plus les moyens de bien loger et entretenir leurs animaux. Revoir la réglementation concernant les élevages hors sol et les trichines n’apporterait donc aucune garantie supplémentaire, puisque les mesures de prévention sont simples et parfaitement connues, mais impossible à évaluer quantitativement : elles se prêtent donc mal à la réglementation et au contrôle.

Enfin, la surveillance de la faune sauvage, en particulier des renards, connus pour concentrer les parasites musculaires, et des rongeurs, qui peuvent transmettre le parasite dans les élevages, permet d’apprécier le risque humain. En France, la prévalence serait de 40 % chez les renards, au lieu de seulement 1 à 2 % chez les sangliers.

Trichines et trichinellose

Nématodes appartenant au genre Trichinella, dont on recense douze espèces ou génotypes différents (dont quatre présentes en Europe : T. spiralis, T. nativa, T. britovi et T. pseudospiralis), les trichines se perpétuent dans l’environnement en se transmettant d’hôte à hôte, par ingestion de viandes contaminées (voir tableau 3). Elles sont susceptibles d’infester la quasi-totalité des mammifères carnivores et omnivores, y compris certains mammifères marins. Elles sont retrouvées notamment chez le cheval, le sanglier, le porc, mais aussi le lynx, le renard, l’ours, le blaireau, le putois, le chien, le chat, le rat, etc., et l’homme. Chez l’animal, leur présence est en règle générale asymptomatique. Les oiseaux carnivores ou détritivores, ainsi que certains reptiles, peuvent être également infestés.

F. H.

La recherche de trichines en France

En France, les recherches de trichines sont actuellement réalisées selon trois objectifs :

– réglementairement, de façon systématique sur tous les reproducteurs et tous les porcs dès qu’ils ont un accès à l’extérieur (plein air, mais aussi cour, courettes, etc.) et par sondage aléatoire chez un porc sur mille élevés en claustration ;

– les industriels recherchent les trichines sur tous les lots exportés vers la Russie (à la demande du client);

– les chasseurs, dès qu’ils cèdent, même à titre gratuit, une carcasse de sanglier à un tiers, sont tenus de faire rechercher les trichines.

F. H.
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