L’approche troupeau s’applique dans un cas de dermatite digitée chez des vaches laitières - La Semaine Vétérinaire n° 1417 du 17/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1417 du 17/09/2010

Cas clinique

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Lorenza Richard

La recherche et la hiérarchisation des facteurs de risque dans l’élevage permettent de proposer des préconisations adaptées.

En octobre, un éleveur appelle le vétérinaire parce qu’il trouve que ses vaches se déplacent peu. Il lui semble qu’elles produiraient mieux si elles ne restaient pas aussi “figées”. De plus, des comptages cellulaires trop élevés durant l’été ont failli être à l’origine d’un arrêt de la collecte.

Le troupeau est constitué de soixante-dix prim’ holstein, dont la production moyenne est de 8 000 kg par animal. Il reçoit une ration semi-complète. L’éleveur souhaiterait augmenter la production de lait à 9 000 kg et ainsi optimiser la capacité d’accueil de son bâtiment.

Une approche troupeau est décidée pour établir le diagnostic dans l’élevage et proposer les meilleures solutions (voir encadré). Une démarche structurée est applicable pour les boiteries, mais aussi pour un grand nombre de problèmes dans le troupeau. Elle permet l’adhésion de l’éleveur et sa fidélisation.

1. Observation

L’étable est conçue selon un système hollandais : un bâtiment en U, des sols betonnés et des logettes qui entourent un couloir d’alimentation central. Le sol, en béton strié, est raclé toutes les cent cinquante minutes par des rabots automatiques qui poussent le lisier au fond du cul-de-sac, où il tombe à travers des caillebotis dans une fosse extérieure. Les vaches ont accès à une pâture attenante.

A l’examen clinique, les vaches se dérangent à peine au passage du vétérinaire. La peau est terne et les membres sont souillés jusqu’aux paturons. Deux animaux se couchent dans le couloir. Ils sont plus sales que les autres et présentent des tarsites, ce qui indique qu’ils ne se couchent pas dans les logettes. Le score d’état corporel est de 2,5 sur 3. Les aplombs sont hétérogènes, avec une note est de 2 sur 4 sur vaches entravées. La plupart des vaches écartent un peu les pinces, rapprochent les jarrets. Les talons sont affaissés et les onglons courts. Le score de locomotion moyen attribué au troupeau est calculé sur le logiciel Zinpro(1), en comptant le nombre de vaches qui marchent le dos droit, celles qui le voussent pour se mettre en mouvement, celles qui marchent avec le dos voussé sans boiter, celles qui boitent, et celles qui ont un souci grave de déplacement et parfois lèvent un membre. Le score est de 2,6 sur 5 et permet de calculer que l’éleveur perd 8 113 $ par an du fait de ce défaut de déplacement des vaches. Dans la pâture, les vaches sont transfigurées et se déplacent normalement, mais se couchent rapidement pour ruminer.

Six vaches sont choisies par l’éleveur, parmi les plus représentatives du problème, pour un examen des pieds. Une dermatite digitée est observée sur cinq des six animaux. Quelques lésions de fourbure ancienne (limaces, hémorragies de la sole, etc.) sont présentes.

2. Facteurs de risques

Devant ce constat de dermatite digitée, qui semble toucher près des trois quarts des vaches du troupeau, les facteurs de risque de ce problème sont recherchés dans l’exploitation et listés.

• Les sols sont correctement raclés et durs, mais micro-rainurés. Ils ne sont jamais totalement secs, et les vaches marchent dans la vague qui précède le racleur.

• L’ambiance générale est bonne, le bâtiment est correctement aéré.

• La litière des logettes est confortable et propre, constituée de paille-chaux.

• Le nombre de logettes n’est pas adapté, car le bâtiment ne compte que cinquante-quatre logettes pour soixante-dix vaches. Pour l’éleveur, cela ne semble pas être un problème, car il a remarqué qu’une quinzaine de logettes restent constamment vides. Un rapide calcul amène le vétérinaire à conclure qu’une trentaine de vaches restent debout.

• L’observation des vaches met en évidence un autre problème dans les logettes : les vaches semblent gênées par la barre au garrot au moment du coucher et du relever. Cela peut expliquer pourquoi les logettes restent vides, malgré un bon confort de la litière.

• Le parage des animaux est réalisé une à deux fois par an par un pédicure, assez rapidement, et surtout aux membres postérieurs. L’éleveur pare lui-même après le tarissement, trop court apparemment. Les lésions de dermatite digitée observées à ces occasions ne sont pas traitées systématiquement.

• Il n’y a pas d’achat, les génisses sont intégrées au troupeau après vêlage, sans considération de problèmes de dermatite digitée.

• La ration est de type semi-complète, à base d’ensilages de maïs et d’herbe, d’un complément azoté, et un complément de production est distribué manuellement.

Ces facteurs de risque sont ensuite hiérarchisés, selon leur implication dans l’affection (voir tableau).

3. Préconisations

Les préconisations sont convenues selon la hiérarchisation des facteurs de risque détectés dans l’élevage (voir tableau).

4. Suivi

Une amélioration de la peau devrait être observée dans les deux mois. La production pourrait gagner jusqu’à 2 kg par vache dans les trois mois. Le traitement de la dermatite digitée ne sera pleinement efficace qu’après six mois, et l’objectif d’une mammite clinique seulement par mois est fixé, avec un taux de cellules du lait de 200 000 au maximum.

L’analyse des fourrages, l’élevage de génisses et la conduite nutritionnelle des vaches taries restent à investiguer pour atteindre les objectifs fixés.

CONFÉRENCIERS

Yves Debeauvais, praticien (pédicure bovin et nutritionniste) à Seyssel (Haute-Savoie).

Luc Mounier, enseignant de l’unité gestion des élevages à VetAgro Sup.

Article rédigé d’après la présentation du cas clinique « Dermatose digitée chez des vaches laitières élevées en logettes » lors de la troisième journée “Cas cliniques en pratique rurale”, organisée par VetAgro Sup, les GTV Rhône-Alpes, Bourgogne et Auvergne, et Merial, à Marcy-l’Etoile, le 29 avril 2010.

Approche troupeau d’une boiterie en élevage

1. Observation :

Observation clinique (propreté, types de blessures, localisation, etc.) et comportementale (relever et coucher de l’animal, anomalie de position, score de motricité, etc.).

2. Hiérarchisation des facteurs de risque :

Pour la dermatite digitée, le sol, l’ambiance du bâtiment, son hygiène, la densité d’animaux, les parages fonctionnels, les pédiluves, la conduite d’élevage et l’alimentation sont les facteurs de risque à évaluer.

3. Actions correctives et préconisations (traitement, parage, modification de l’alimentation, etc.) pour corriger les facteurs de risque mis en évidence précédemment.

4. Evaluation du plan d’action.

L. R.
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