Le diagnostic de l’acidose subclinique se réalise sur la base de plusieurs indicateurs - La Semaine Vétérinaire n° 1416 du 10/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1416 du 10/09/2010

Affections métaboliques

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Lorenza Richard

Une combinaison de plusieurs méthodes de diagnostic permet de pallier le manque de sensibilité et de spécificité de chacune d’entre elles.

L’acidose subclinique est la maladie métabolique majeure des élevages de ruminants fort producteurs (vaches laitières et jeunes bovins à l’engraissement), en raison de sa prévalence et de ses conséquences économiques. Sa physiopathologie complexe provoque des troubles digestifs, inflammatoires et infectieux, locaux et généraux, à l’origine de symptômes non spécifiques, qui induisent une sous-estimation de la prévalence de cette affection sur le terrain. Actuellement, en pratique, il n’est pas possible de diagnostiquer cette maladie sur un individu particulier. Loïc Commun a présenté(1) les indicateurs d’une acidose dans le troupeau, ainsi que des démarches diagnostiques possibles, avec leurs intérêts et leurs limites lors des journées de la SNGTV. Aucun indicateur n’étant assez spécifique et aucune méthode assez sensible pour mettre en évidence, seul, une acidose subclinique, la solution réside dans la combinaison de plusieurs d’entre eux (voir tableau).

La modification de comportement alimentaire peut être un signe d’appel. En effet, un des premiers signes cliniques constatés, lorsqu’un élevage est atteint d’acidose subclinique, est la diminution de la prise alimentaire et du temps de rumination (de neuf heures par jour en moyenne, en situation normale). Une augmentation de la quantité d’eau bue et de la préférence pour le foin est également constatée, car dans de telles conditions d’acidité, les animaux cherchent à minimiser leur inconfort digestif.

De nombreux troubles ou signes d’appel non spécifiques sont observables

Des troubles ou des affections sont fréquemment associées à l’acidose subclinique. Les produits de dégradation des rations hautement énergétiques augmentent la viscosité du contenu ruminal et provoquent une stase ruminale, qui peut atteindre la caillette et favoriser ses déplacements. L’acidification du contenu du rumen provoque une inflammation de l’épithélium du rumen (ruminite) qui rend cette barrière perméable aux bactéries. Des phénomènes septiques peuvent alors être observés, tels que des abcès du foie ou, plus rarement, des abcès pulmonaires. L’inflammation, d’abord locale, peut provoquer des troubles plus généraux, comme des fourbures. Les propriétés hygroscopiques des acides gras volatils (AGV) dans les intestins sont responsables de diarrhées. Enfin, une chute de production laitière est souvent constatée. Elle est cependant moins caractéristique d’une acidose que la chute du taux butyreux du lait. L’augmentation de propionate dans le rumen provoque une hausse de l’insulinémie qui favorise la lipogenèse, d’où la baisse du taux butyreux, et une augmentation du taux protéique peut y être associée. Lors du contrôle laitier, une inversion de taux constitue toujours un signe d’alerte.

L’examen des bouses permet de noter un aspect crémeux, dû à la présence de protéines microbiennes, de gaz et de mucus intestinal. Une raréfaction des bactéries cellulolytiques se produit lorsque le pH ruminal devient inférieur à 6. Elle provoque une diminution de l’efficacité de la digestion, qui se manifeste par la présence de grains non digérés et de fibres longues (supérieures à 1 cm) dans les fèces.

La fiabilité de la mesure du pH dépend de la technique utilisée

La mesure du pH ruminal est une approche diagnostique. Dans les conditions physiologiques, le pH ruminal oscille entre 6 et 6,8. L’utilisation d’un pHmètre est recommandée pour appréhender sa valeur. La mesure dépend du bon calibrage de l’appareil et de la température de travail. Le calibrage doit être réalisé avant chaque utilisation, dans le même local, chauffé, que celui dans lequel les mesures sont effectuées. La récolte de contenu ruminal par sonde œsophagienne est une technique atraumatique pour prélever du jus de rumen et en apprécier la composition. Toutefois, la localisation du tube dans le rumen n’est pas connue, alors que la valeur du pH peut varier de 0,5 unité, selon cette localisation. De plus, la salive peut contaminer le prélèvement et augmenter le pH. Ainsi, la mesure du pH ruminal obtenue après sondage doit être interprétée avec un peu de recul.

La ruminocentèse est une technique réalisable en pratique(2), mais il faut tenir compte des effets secondaires qu’elle peut provoquer : un hématome, un abcès de la paroi, voire une péritonite. Des chercheurs(3) suggèrent de prélever douze vaches d’une exploitation, selon des conditions précises, selon leur ration alimentaire et leur période de lactation, pour rechercher l’acidose subclinique (voir figure). Le pH ruminal fluctue au cours d’une journée avec une amplitude d’une unité environ. La méthode proposée doit être scrupuleusement suivie pour tirer des conclusions.

La concentration ruminale en histamine augmente

Le dosage des composants du rumen peut être effectué. Lorsque le pH est supérieur à 5,5, les protozoaires fermentent l’amidon en produisant plus de butyrate (acidose butyrique). Pour un pH inférieur à 5,5, la majorité des bactéries cellulolytiques et des protozoaires sont détruits. L’acidose est plutôt propionique (propionate). Toutefois, les proportions relatives des différents AGV varient d’un jour sur l’autre, et leur dosage demeure peu caractéristique.

Par ailleurs, de nombreuses protéines Gram négatif sont lysées lors d’acidose. Les lipopolysaccharides (LPS) qui composent leur paroi sont libérés, et leur concentration augmente dans le rumen. Enfin, une bactérie acido-résistante, Allisonella histaminiformans, est à l’origine d’une augmentation de la concentration ruminale en histamine par transformation de l’histidine. L’histamine et les LPS ont un effet vasoconstricteur qui intervient dans l’apparition des fourbures.

La présence de LPS dans la paroi ruminale et le sang, ainsi que l’inflammation du tube digestif, entraînent une augmentation des marqueurs sanguins de l’inflammation qui peuvent être recherchés, comme l’haptoglobine et l’amyloïdeA sérique (SAA).

De plus, l’organisme consomme sa réserve alcaline pour maintenir un pH stable afin d’éviter l’acidose métabolique. Une diminution de la concentration sanguine en bicarbonates peut également être cherchée. L’élimination des acides a lieu essentiellement par excrétion rénale et provoque un pH urinaire inférieur à 7 (pH normal : 8), mais surtout une augmentation de l’excrétion nette d’acide (Net Acid-Base Excretion ou Nabe). Un prélèvement d’urine peut donc être utilisé dans le diagnostic. Attention toutefois à la durée de stockage de l’urine avant analyse, qui peut donner des valeurs faussement élevées du Nabe.

  • (1) Proceeding des journées des GTV 2009, pp. 1091-1100.

  • (2) R. Guatteo : « La ruminocentèse chez les bovins », le Point vétérinaire, mars 2004, n° 243, pp. 58-59.

  • (3) E.F. Garret, M.N. Pereira, K.V. Nordlund et coll. : « Diagnostic methods for the detection of subacute acidosis in steers », Journal of Animal Science, 1999, vol. 82, n° 6, pp. 1170-1178.

Rappels sur l’acidose subclinique

Les rations riches en concentrés provoquent une libération importante d’acides gras volatils (AGV) lors des fermentations ruminales. Le lactate prédomine en cas d’acidose aiguë, dite acidose lactique. En revanche, lors d’acidose subclinique, les populations de bactéries productrices et utilisatrices de lactate s’équilibrent et acétate, butyrate et propionate sont alors majoritaires. Les mécanismes de régulation comme la mastication (qui augmente la salivation et donc la production de substances tampons) et l’absorption des AGV par les papilles ruminales peuvent être dépassés. Le pH ruminal fluctue alors autour de ses valeurs physiologiques basses, et le rumen est en déséquilibre transitoire.

L. R.

À LIRE DANS Le Point Vétérinaire

• C. Ferrouillet : « Diagnostic de l’acidose subaiguë du rumen », PV, 2004, n° 244, pp. 42-45.

• M. Aubadie-Ladrix : « Prévenir l’acidose dans un contexte à risque », PV, 2007, n° 272, pp. 46-49.

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