Le commissariat à l’énergie atomique s’implique dans la recherche et la maîtrise des ESST

Si, à l’heure actuelle, l’épizootie d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) semble maîtrisée dans toute l’Europe, des risques persistent, relatifs à l’apparition de nouvelles souches (le Base chez les bovins) ou à la transmission interhumaine par transfusion sanguine. Ces inquiétudes motivent la poursuite des recherches sur le prion, aussi bien sur le plan pratique que fondamental. C’est là qu’intervient le commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Fondé en 1946, le centre CEA de Fontenay-aux-Roses avait pour principale vocation le développement de l’activité nucléaire civile. Dans ce centre fut construit le premier réacteur nucléaire français (première pile baptisée “Zoé”). Depuis, il a diversifié ses activités de recherche, au détriment de celles liées à l’énergie nucléaire, progressivement mises à l’arrêt entre 1982 et 1995 et en cours de démantèlement, conséquence de l’urbanisation massive qui s’est développée autour du centre et des problèmes de sécurité qui l’accompagnent. Le centre compte encore certaines activités liées à la technologie (robotique, réalité virtuelle, technologies logicielles), mais il se consacre essentiellement aux sciences du vivant : radiobiologie, maladies émergentes, neurovirologie, toxicologie environnementale, imagerie fonctionnelle, hémato-immunologie, etc. Actuellement, mille quatre cents personnes (salariés, thésards, stagiaires, etc.) lui sont rattachées.

Prions et agents transmissibles non conventionnels sont à l’étude

L’activité autour du prion, initiée au départ par le général Louis Court et le professeur Dominique Dormont, s’est développée surtout pendant la première crise sanitaire liée à l’ESB en 1996. Aujourd’hui, c’est un service (Sepia : service d’étude des prions et des infections atypiques) d’une cinquantaine de personnes (étudiants et stagiaires compris) qui travaillent sur ce sujet. Il est rattaché à l’Institut des maladies émergentes et des thérapies innovantes (IMETI), et sa vocation est de mettre au point et d’évaluer des stratégies de recherche en réponse aux problèmes de santé publique, posés par les prions et les agents pathogènes apparentés ou atypiques. Par ailleurs, le Groupe d’innovation diagnostique et thérapeutique sur les infections à prions (Gidtip) assure la gestion du réseau d’excellence NeuroPrion, coordonné par Jean-Pierre Deslys. Avec cinquante-deux services de recherches partenaires répartis dans vingt pays, ce réseau fédère près de 90 % des principales équipes de recherche qui travaillent sur le sujet en Europe. C’est le plus important réseau scientifique axé sur la thématique du prion, à l’échelle mondiale.

Les recherches effectuées au CEA sur les agents transmissibles non conventionnels (ATNC) ont débuté dans les années 70. Toutefois, ce n’est qu’à partir de 1996 qu’elles prennent une grande importance. Le gouvernement met alors en place un comité d’experts sur les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST), présidé par Dominique Dormont. Un effort de recherche considérable est alors déployé par le CEA afin de répondre aux problèmatiques posées par l’ESB et le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ). Ainsi, le service d’immunologie et de pharmacologie du CEA de Saclay, dirigé par Jacques Grassi, initie la production d’anticorps spécifiques des différentes formes des protéines du prion. Ce travail est complété par la mise au point, au service de neurovirologie, d’un protocole de purification de la PrP pathologique (PrPres). Il permet le développement de dosages immunologiques pour établir un test post-mortem de dépistage systématique de l’ESB chez les bovins. Ce test, produit et commercialisé par la société Bio-Rad France, est actuellement utilisé dans plusieurs pays européens. En France, il est le plus utilisé dans le dépistage systématique effectué sur les carcasses de bovins à l’abattoir. D’autres tests équivalents sont aussi développés pour les petits ruminants.

Les enjeux actuels autour des prions s’orientent vers plusieurs pistes

Les activités actuelles menées au CEA concernent aussi bien la recherche fondamentale, dont l’objectif est d’identifier les mécanismes sur les plans moléculaire et cellulaire de la pathophysiologie des ESST, et la recherche appliquée, en lien direct avec les problématiques auxquelles les acteurs de la santé publique doivent faire face. Contrairement à la forme sporadique ou familiale de la MCJ, le prion responsable du nvMCJ se localise au niveau de l’ensemble du système lymphoïde et, par conséquent, est retrouvé dans la circulation sanguine. Plusieurs cas d’infection de nvMCJ de patients humains transfusés ont déjà été observés. Ces constatations ont motivé la recherche de nouvelles méthodes de décontamination du sang. Parmi celles-ci, la nanofiltration. Des filtres qui permettent de séparer la PrP du reste du plasma sanguin ont été développés par certains laboratoires, et leur efficacité est actuellement testée au CEA.

Un autre axe important de recherche est l’étude des mécanismes pathogéniques de plusieurs souches de prions dont les propriétés et /ou les conséquences sur l’homme sont encore mal connues, comme l’encéphalopathie transmissible du vison, la maladie du dépérissement chronique des cervidés, la souche Base du bovin ou certaines souches atypiques de tremblante. D’autres recherches concernent la mise au point de nouveaux procédés de décontamination des surfaces, plus pratiques à mettre en œuvre que les procédés actuels.