La rétention d’œufs est une dominante pathologique chez les ophidiens en captivité - La Semaine Vétérinaire n° 1416 du 10/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1416 du 10/09/2010

Pathologie de la reproduction

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Julien Goin

Fonctions : praticien à Pornic (Loire-Atlantique), avec le support technique de Stéphane Daquin et Philippe Chaumeau

La sédentarité des serpents semble jouer un rôle majeur, car elle entraîne une amyotrophie et une diminution du tonus musculaire.

Une couleuvre des blés (Pantherophis guttatus) femelle, d’environ dix ans, est présentée pour anorexie et dilatation de la moitié caudale du corps depuis trois mois. Sa taille est de 1,20 m et son poids de 780 g. Elle est élevée en terrarium de 90 x 60 x 35 cm, chauffé par un tapis, en compagnie d’une femelle de trois ans. L’année précédente, elle était avec deux mâles. Il a résulté de leur accouplement une ponte de trente œufs, dont les deux derniers ont fait l’objet d’une rétention et ont été retirés par césarienne (voir photo 1).

L’examen montre une dilatation de la moitié caudale du corps. La palpation révèle un chapelet d’une quinzaine de masses (voir photo 2). L’échographie permet leur caractérisation : taille moyenne de 2 cm, forme ovoïde, échogénicité moyenne, échostructure homogène. Il s’agit d’œufs en cours d’ovogenèse (voir photo 3). La biochimie met en évidence une hypercalcémie à 160 mg/l (valeur usuelle de 100 à 120 mg/l), fréquente dans cette situation. La durée physiologique de l’ovogenèse étant inférieure à celle des symptômes, une rétention d’œufs par blocage de leur développement est diagnostiquée. Une stérilisation chirurgicale est envisagée.

Une cœliotomie est pratiquée sur l’ensemble de la région dilatée

L’induction anesthésique est réalisée par l’injection de propofol (Propoclear®, 10 mg/kg) par cardiocentèse (voir photo 4). L’analgésie est assurée par une injection de méloxicam (Metacam®, 0,2 mg/kg par voie intramusculaire). La région dilatée est aseptisée par un bain de chlorhexidine.

L’animal est placé en décubitus dorsal et recouvert d’un champ opératoire stérile (voir photo 5). Une incision cutanée est réalisée entre les écailles ventrales et la première rangée d’écailles latérales gauche, sur l’ensemble de la région dilatée (voir photo 6). La paroi cœlomique, fine et transparente, est visualisée et incisée sur la même longueur (voir photo 7).

Une ovario-salpingectomie complète est pratiquée afin d’éviter les récidives

L’exploration révèle, dans l’oviducte gauche, une quinzaine d’ovules non fécondés hypertrophiés, bloqués dans leur processus d’ovogenèse. L’oviducte droit est vide. L’ensemble ovaire-oviducte est extériorisé de chaque côté (voir photo 8). Les ovaires se présentent comme deux chapelets de petits follicules jaune clair (voir photo 9). Une ovario-salpingectomie complète est pratiquée afin d’éviter les récidives. A gauche, les vaisseaux hypertrophiés du mesovarium et du mesosalpinx sont ligaturés un à un par des points simples à l’aide de fil résorbable (Monocryl 4-0®, voir photo 10) avant l’exérèse de l’ensemble ovaire-oviducte. A droite, seules deux ligatures sont pratiquées, la première concernant la vascularisation ovarienne, la seconde la partie caudale de l’oviducte. En raison de son extrême finesse, la paroi cœlomique n’est pas suturée. Une suture cutanée est réalisée par trois surjets successifs en U éversant à l’aide de fil irrésorbable (Ethilon 2-0®).

Une antibiothérapie est mise en place pendant deux semaines (enrofloxacine, Baytril®, 10 mg/kg/j par voie intramusculaire). Le réveil a lieu peu après la fin de l’intervention, dans un terrarium d’hospitalisation où l’animal est gardé quarante-huit heures en observation avant d’être rendu à son propriétaire. Une souris préalablement tuée est proposée huit jours après et est acceptée d’emblée. Les sutures sont retirées un mois plus tard.

La sédentarité liée à la captivité semble jouer un rôle majeur

Les serpents femelles possèdent deux ovaires et deux oviductes tubulaires qui débouchent indépendamment au sein d’un cloaque. Quasi inexistante à l’état sauvage, la rétention d’œufs est fréquente en captivité, notamment chez les colubridés (Elaphe sp., Pantherophis sp., Lampropeltis sp.). Les serpents vivipares, comme les boas, peuvent également présenter des dystocies avec rétention de tout ou partie de la portée. Les femelles primipares, avec des antécédents de dystocie ou porteuses de nombreux ovules non fécondés, sont prédisposées.

La sédentarité liée à la captivité semble jouer un rôle majeur dans l’apparition de cette affection, en entraînant amyotrophie et diminution du tonus musculaire. Des conditions de maintenance inadaptées (température inadéquate, absence de lieu de ponte ou de mâle lors de la saison de reproduction), un mauvais état général de la femelle (stress, déshydratation, malnutrition, obésité, impuberté) et des affections intercurrentes (salpingite bactérienne) peuvent également intervenir.

Le diagnostic différentiel avec une ovogenèse physiologique est difficile

En l’absence d’une anamnèse évocatrice (tentatives de ponte infructueuses, ponte incomplète avec rétention partielle des derniers œufs), il est souvent malaisé de différencier une rétention réelle d’une ovogenèse physiologique. En effet, les deux se caractérisent par une dilatation corporelle et une anorexie par compression du tube digestif par les œufs. La connaissance du cycle de reproduction de l’espèce est donc indispensable. Dans le cas présent, la durée des signes cliniques (trois mois), supérieure à la durée physiologique de l’ovogenèse (trente-huit à cinquante-sept jours), a permis d’établir le diagnostic.

Habituellement, les rétentions concernent des œufs complètement formés et prêts à être pondus, à la différence du cas présent qui met en jeu des ovules non fécondés dont l’ovogenèse s’est retrouvée bloquée, l’absence de mâle et donc de fécondation ayant pu participer à ce blocage. En cas de doute, l’imagerie permet de confirmer une rétention. L’échographie est plus sensible que la radiographie, car les œufs des serpents sont peu ou pas calcifiés.

L’ocytocine, injectée rapidement après une rétention partielle, est efficace

Le traitement de la rétention d’œufs est avant tout médical : la femelle est isolée au calme et reçoit des injections d’ocytocine (5 à 30 UI/kg par voie intramusculaire, selon les auteurs). Ce traitement est particulièrement efficace au cours des quarante-huit heures qui suivent une rétention partielle. Lors de rétention chronique, la coquille de l’œuf se recouvre fréquemment de fibrine qui adhère à la paroi de l’oviducte et rend inefficace le traitement. Mieux vaut proscrire la progression manuelle des œufs, sous peine d’entraîner leur rupture. Une ovocentèse percutanée peut, en revanche, permettre de faire diminuer le volume d’un œuf et faciliter son expulsion. Là encore, elle doit être mise en œuvre précocement, car le contenu des œufs a tendance à se solidifier au cours du temps.

En l’absence de réponse à l’ocytocine, la chirurgie est à envisager. L’ovario-salpingectomie bilatérale est privilégiée, afin de prévenir les risques de récidive chez les femelles non reproductrices. La salpingectomie seule est à proscrire en raison du risque de pontes ectopiques d’ovules au sein de la cavité générale. La salpingotomie (césarienne) et l’ovario-salpingectomie unilatérale (lors de rétention unilatérale) sont indiquées chez les reproductrices qui ne présentent pas de lésions associées. Les œufs extériorisés par la chirurgie sont rarement viables. A la différence des mammifères, les dystocies ne sont pas une urgence chez les serpents, qui peuvent les supporter pendant plusieurs mois. Leur prise en charge doit cependant être rapide afin d’éviter l’apparition de complications (rupture d’un œuf ou d’un oviducte, prolapsus cloacal, salpingite bactérienne, stérilité et, à long terme, mort). La séparation des sexes n’est pas une mesure préventive suffisante, car les femelles sont capables d’ovogenèse et de ponte en l’absence de mâle chez de nombreuses espèces.

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