Dan Rosenberg(1) : « Les vétérinaires y ont gagné en responsabilisation »

La Semaine Vétérinaire : Pourquoi une nouvelle réglementation encadre-t-elle l’emploi des anticancéreux en médecine vétérinaire ?

Dan Rosenberg : La genèse de ce processus est essentiellement liée à un événement qui n’a à première vue que peu de lien avec le monde vétérinaire et dépasse largement le cadre des produits anticancéreux. En 2004, le régime de la prescription restreinte des médicaments a été repensé par les pouvoirs publics. Pour faciliter l’accès, dans le cadre de traitements ambulatoires de patients humains, à certains médicaments jusque-là réservés à un usage strictement hospitalier, le ministère de la Santé a créé cinq catégories de prescriptions restreintes. De nombreuses molécules de chimiothérapie, jusqu’alors disponibles en officine, se sont retrouvées classées dans l’une de ces catégories avec, de manière corollaire, aucun accès possible aux vétérinaires. Parallèlement, de nombreux acteurs des chaînes de soins, tant en médecine humaine que vétérinaire, ont tiré la sonnette d’alarme concernant les potentialités cytotoxiques, reprotoxiques et mutagènes de certains principes actifs utilisés en cancérologie. La nécessité de sécuriser la chaîne de soins associée à l’emploi de ces principes actifs, et de limiter l’exposition du public et de l’environnement, s’est rapidement imposée. La situation est donc devenue intenable. D’un côté, cette réflexion sur les risques associés à la manipulation de produits anticancéreux et un accès impossible aux principales molécules employées en médecine vétérinaire. De l’autre, des propriétaires qui réclament des soins pour leurs animaux et les données de la science qui montrent l’intérêt de la chimiothérapie pour traiter les cancers des animaux. Un consensus qui permette de laisser la possibilité aux vétérinaires de pratiquer la chimiothérapie, mais aussi d’encadrer sa mise en place, s’est alors révélé nécessaire.

S. V. : Les bonnes pratiques ne sont-elles pas trop strictes ?

D. R. : Il a été particulièrement difficile de placer le curseur entre trop de libéralisme et trop de rigueur. Certains points sont sans doute discutables, le guide de bonnes pratiques résulte de discussions entre des intervenants qui ont leur propre ressenti vis-à-vis de la chimiothérapie. Des compromis ont donc été faits. Notre but était de défendre la profession en offrant d’elle une image responsable, afin d’éviter de lui voir imposer des règles d’utilisation incompatibles avec la pratique. Au final, les vétérinaires accèdent de nouveau à un large spectre de molécules dans un cadre qui offre plus de sécurité.

• (1) Maître de conférences en médecine interne à l’école d’Alfort, membre du groupe de travail « médicaments anticancéreux vétérinaires » mis en place par le Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires et corédacteur du recueil de fiches techniques pour la mise en œuvre de l’arrêté du 18 juin 2009, relatif aux bonnes pratiques d’emploi des médicaments anticancéreux en médecine vétérinaire.