La loque américaine est une maladie infectieuse et contagieuse du couvain operculé - La Semaine Vétérinaire n° 1414 du 27/08/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1414 du 27/08/2010

Maladie réputée contagieuse de l’abeille

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Nicolas Vidal-Naquet

Au niveau clinique, la maladie se manifeste par une odeur caractéristique, un test dit de l’allumette positif et parfois par la présence d’écailles loqueuses typiques.

La loque américaine (en anglais american foulbrood) est une maladie infectieuse et contagieuse du couvain operculé de l’abeille. Elle a été dénommée ainsi, car les premières recherches la concernant ont été menées dans l’état de New York aux Etats-Unis. Connue depuis l’Antiquité, cette maladie est présente dans le monde entier et engendre des pertes économiques qui peuvent être considérables.

En France, la loque américaine est classée dans les maladies réputées contagieuses (MRC). L’agent causal, découvert par G. F. White en 1904, est une bactérie Gram positif, Paenibacillus larvae (autrefois dénommé Bacillus larvae), qui se présente sous deux formes : la forme végétative, le bacille (qui permet la reproduction de l’agent) et la forme sporulée. Cette forme de P. larvae est dangereuse pour les colonies d’abeilles et pour les productions de la ruche : seules les spores sont en effet capables d’induire la maladie.

Le passage à la forme sporulée a lieu lorsque le bacille a épuisé toutes les ressources nutritives de son milieu de développement et de multiplication, c’est-à-dire les tissus des larves et des nymphes, ou lorsque les conditions du milieu sont défavorables (dessiccation, par exemple).

Le passage de la forme sporulée à la forme végétative s’effectue lorsque les conditions environnementales et nutritionnelles sont favorables, c’est-à-dire dans l’intestin des larves de moins de deux jours.

A l’heure actuelle, quatre souches de P. larvae sont identifiées grâce à l’utilisation de la polymerase chain reaction (PCR). Il est montré en Allemagne que ces dernières ont une virulence différente qui se traduit par une plus grande rapidité de destruction de l’hôte selon la souche considérée.

A la différence de la loque européenne, seul P. larvae est retrouvé dans les larves atteintes de loque américaine. Cela s’explique par le fait que P. larvae produit une substance antibactérienne qui empêche le développement d’autres bactéries pathogènes.

Différents facteurs contribuent au développement de la maladie

Outre la présence du bacille ou de spores, le développement de la loque américaine peut être favorisé par différents facteurs :

– le pillage et la dérive entre les ruches d’un rucher ou de ruchers différents (les butineuses qui, au lieu de rentrer dans leur ruche, rentrent dans une autre) ;

– les souches d’abeilles au comportement hygiénique insuffisant ;

– les pratiques apicoles “à risque”, qui font souvent dire à certains auteurs que la loque américaine doit plutôt être considérée comme « une maladie de l’apiculture ». Ces pratiques à risque sont principalement : la formation d’essaim, les échanges de hausses (parties qui contiennent les cadres destinés à recevoir du miel), l’apport alimentaire de miel ou de pollen, le déplacement des ruches et la division de ruchers, le manque de réactivité de l’apiculteur sur les ruches atteintes et l’absence ou l’insuffisante désinfection du matériel.

D’autres techniques apicoles peuvent aussi être en cause dans l’apparition de la maladie : l’échange de cadres porteurs de loque, l’échange de hausses ou une mauvaise gestion de celles-ci, l’usage du miel comme source de nourrissement,ou encore l’utilisation d’outils et de matériels souillés.

La contamination se produit sur les larves de moins de quarante-huit heures

Les larves des trois castes d’abeilles (reines, ouvrières et mâles) peuvent être touchées. Cependant, il est rare d’observer des larves de reines et de faux-bourdons infectées dans les conditions naturelles. La contamination se produit sur les larves de moins de quarante-huit heures, par voie buccale lors des soins au couvain par des abeilles porteuses de spores.

Quelques-unes suffisent pour infecter une larve (il en faut plus pour contaminer des larves plus âgées). En vingt-quatre à quarante-huit heures, elles trouvent dans le tube digestif de leur hôte les conditions de leur germination. D’abord localisée au tube digestif, l’infection se propage ensuite à l’ensemble des tissus de la larve : c’est le stade de la septicémie qui aboutit à la mort de la larve, qui devient alors filante et visqueuse. Ensuite, l’opercule se perce sous la pression des gaz produits. Les abeilles nettoyeuses interviennent alors, mais elles sont incapables d’enlever tout ce qui est pathologique et vont contaminer d’autres cellules.

Une écaille loqueuse remplie de spores apparaît par la suite. Elle va progressivement se dessécher, un mois ou plus après le début de l’infection. Dans les cellules qui contiennent ces écailles desséchées typiques, dures et de couleur brunâtre, les reines vont pondre de nouveau des œufs.

La mortalité peut toucher également les nymphes. Dans ce cas, est observée dans la cellule la formation de la langue nymphale (une saillie de la tête de la nymphe qui traverse le dessus de la cellule de couvain). C’est l’un des signes les plus caractéristiques de la maladie, bien que généralement peu observé.

Lors d’infection latente, l’évolution de la maladie est généralement inéluctable

Cette maladie se manifeste par une faiblesse de la colonie, plus ou moins dépeuplée d’abeilles. L’activité de la ruche est ralentie. Des abeilles mortes peuvent être retrouvées sur le plancher de la ruche. Les abeilles de colonies fortement infestées présentent fréquemment un comportement irritable et agressif. Dans les cadres atteints, les spores se trouvent en grandes quantités et les antibiotiques ne peuvent avoir une action que sur la forme bacillaire. Ces caractéristiques biologiques sont importantes et doivent être prises en compte dans la lutte contre la loque américaine. L’évolution de la maladie est cependant presque inéluctable lors d’infection latente.

Lorsque les symptômes sont déclarés dans la ruche et si un faible nombre de cellules est touché, une guérison complète sur plusieurs années est possible si rien ne vient affaiblir la colonie par ailleurs (carences alimentaires, varroa, climat, pesticides, etc.). Il peut également être observé une disparition temporaire des signes cliniques avant une rechute. Enfin, dans d’autres cas, la maladie se développe exponentiellement. Les ruches fortement infectées évoluent inéluctablement vers la mort de la colonie. La population adulte n’est pas renouvelée, elle est affaiblie et soumise au pillage, ce qui a pour conséquence une propagation de la maladie aux autres ruches et ruchers.

Le test de l’allumette permet un diagnostic pratiquement de certitude

Dans une ruche suspecte ou lors des visites de printemps et d’automne, il est impératif d’examiner tous les cadres de couvain, afin de pouvoir intervenir précocement. L’ouverture et l’examen des ruches doivent être soigneux et rapides, notamment à l’automne, où le risque de pillage est plus important.

Le premier symptôme qui peut être observé est une activité réduite de la ruche sur le plancher d’envol. Parfois, une odeur se dégage au trou d’envol et/ou à l’ouverture de la ruche atteinte. Cette odeur caractéristique est « une odeur forte d’ammoniac », comme définie par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

Le couvain d’une colonie atteinte est clairsemé, en “mosaïque”, avec beaucoup d’alvéoles vides au sein du couvain (les nourrices ont en effet évacué une grande partie des larves mortes). La présence d’alvéoles dont l’opercule est aplati ou affaissé, de couleur plus terne ou foncée et percé de petits trous, est également constatée.

La viscosité des larves mortes est telle que le test de l’allumette permet un diagnostic pratiquement de certitude : une allumette ou une brindille plantée dans la cellule suspecte, retirée soigneusement, montre un étirement des tissus de la larve, une sorte de masse élastique sur au moins 2 cm. Par ailleurs, la présence d’écailles dans les cellules de couvain, et parfois d’écailles en forme de langue nymphale, est caractéristique.

Les méthodes utilisées pour le diagnostic de laboratoire vont dépendre de la présence ou non de signes cliniques. En cas de présence, des techniques simples de laboratoire sont utilisées pour confirmer la suspicion. Ainsi, l’isolement de l’agent pathogène, la présence de spores résistantes à la chaleur, la coloration de Gram ou le test à la catalase peuvent confirmer la présence de Paenibacillus larvae. L’identification complète des bactéries peut être effectuée par PCR ou par le profil biochimique de la bactérie isolée. L’examen microscopique direct de débris larvaires après coloration entre lame et lamelle peut également être réalisé. Cet examen n’est pas spécifique à 100 %, mais associé aux symptômes, il est possible d’établir le diagnostic.

Lorsque les signes cliniques sont frustes ou que les données sur l’état des cadres de couvain ne sont pas connues, l’identification précise de l’agent pathogène doit obligatoirement être effectuée. Cela peut être réalisé par PCR sur échantillons ou après culture, ou/et par le profil biochimique sur les colonies suspectes. La recherche de spores dans les échantillons de miel s’effectue par chauffage à 50 °C.

La recherche et le dénombrement de spores dans le miel sont considérés par certains auteurs comme ayant une valeur indicative sur l’état d’infestation des colonies productrices. Il peut ainsi aider à prendre les mesures de lutte adéquates dans le rucher concerné.

Plusieurs niveaux de contamination peuvent ainsi être définis (les valeurs dépendent des laboratoires et des techniques utilisées) :

– “classe zéro spores” : la loque américaine n’est pas considérée comme omniprésente ;

– “classe moyenne” : cela souligne une infection latente. La colonie va probablement développer la maladie ;

– “classe forte” : lors de présence de nombreuses spores, le miel est soit issu de colonies malades, soit de colonies ayant reçu un traitement antibiotique qui a traité la maladie (la forme bacillaire), mais qui n’élimine pas les spores. La recherche et le dénombrement des spores peuvent donc être intéressants en présence d’une infection latente sans symptômes, car des mesures de prophylaxie peuvent donc être mises en œuvre afin d’éviter l’apparition de la maladie. La lutte contre la loque américaine se fait essentiellement par des techniques apicoles. L’usage d’antibiotiques est déconseillé, même s’ils sont encore utilisés, notamment aux Etats-Unis, où de nombreuses souches de P. larvae présentent de plus en plus d’antibiorésistance.

Paenibacillus larvae

La forme végétative de Paenibacillus larvae est le bacille. Il se présente sous forme de bâtonnet arrondi, droit ou/et parfois incurvé, avec une taille variable (0,5 µm de large par 1,5 à 6 µm de long), apparaissant seul ou en chaînes filamenteuses. Certaines souches sont mobiles, d’autres fixes.

Quant aux sporanges, in vitro, ils sont souvent clairsemés et ellipsoïdaux, avec des spores centrales et subterminales, qui peuvent faire gonfler les sporanges. Les spores sont souvent retrouvées libres. Elles sont extrêmement thermostables et résistantes aux agents chimiques.

N. V.-N.

Résistance des spores

Les spores sont extrêmement résistantes dans le milieu extérieur, mais aussi aux agents chimiques et physiques de désinfection.

Elles peuvent résister :

– 35 à 40 ans dans le milieu extérieur sous formes d’écailles ;

– plus d’un an dans le miel ;

– à la fermentation et la putréfaction ;

– à la congélation ;

– pendant 8 heures à 100 °C de chaleur sèche ;

– 30 minutes dans du formol à 20 %;

– aux solvants comme le benzène ;

– aux ultraviolets.

En revanche, les spores sont détruites avec de l’eau de Javel à 1,5 %, de la soude caustique à 1,5 %, en 30 minutes à 130 °C de chaleur sèche, par les rayons gamma et enfin au chalumeau(cependant cette dernière méthode n’est pas efficace à 100 %).

En ce qui concerne les cires contaminées par des spores, il faudrait les chauffer pendant 30 minutes à au moins 100 °C, ce qui les rendrait pratiquement inutilisables.

N. V.-N.
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