Cibler le rôle de la faune sauvage permettrait de renforcer la surveillance de la paratuberculose - La Semaine Vétérinaire n° 1414 du 27/08/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1414 du 27/08/2010

Maladies infectieuses

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Michel Bertrou

Les cervidés et les lapins, réservoirs primaires de la maladie, peuvent la transmettre aux ruminants domestiques.

La présence de Mycobacterium avium paratuberculosis (MAP), identifiée chez de nombreuses espèces sauvages (ruminants, lagomorphes, carnivores, petits rongeurs et oiseaux), soulève la question de l’impact de ces foyers sylvatiques sur la paratuberculose dans les élevages de ruminants domestiques. Cet aspect de l’épidémiologie de la maladie a été étudié en Belgique dans le cadre du Réseau de surveillance sanitaire de la faune sauvage(1), dont est responsable notre consœur Annick Linden de la faculté de médecine vétérinaire de Liège. Ce réseau autonome existe depuis 2001 et couvre toute la région wallonne. Il combine surveillance active (animaux présumés sains abattus à la chasse) et passive (animaux trouvés morts).

Les mycobactéries circulent bel et bien au sein des groupes de ruminants sauvages

Pour que la faune sauvage représente un risque réel pour l’élevage, il est nécessaire que la maladie puisse s’y maintenir indépendamment de ruminants domestiques infectés. Il faut aussi que les possibilités de transmission à l’animal domestique soient réelles. Différentes études dans plusieurs pays européens ont montré que les mycobactéries circulaient bel et bien au sein des groupes de ruminants sauvages. Des travaux ont même identifié une prévalence de 30 % chez le cerf élaphe en Espagne et en Italie. Les cervidés qui fréquentent les pâtures peuvent ainsi constituer une source potentielle de contamination des animaux d’élevage. Il est à noter que les signes cliniques de la maladie sont plus précoces chez les cervidés que chez les bovins, et l’évolution plus rapide peut entraîner la mort avant l’âge adulte. L’adénomégalie mésentérique est une lésion fréquemment rencontrée sur les animaux trouvés morts, souvent dans un état de cachexie extrême.

Le lapin sauvage pourrait également jouer un rôle comparable de réservoir primaire vis-à-vis de MAP. Des études dans l’est de l’Ecosse, où la paratuberculose est endémique, ont identifié des taux de lapins infectés allant de 20 % à plus de 60 %. La contamination par ingestion d’herbe souillée par des matières fécales de bovins excréteurs est probable. Néanmoins, différentes voies de transmission entre lagomorphes sont démontrées. Si la voie de transmission horizontale féco-orale semble la plus fréquente, l’isolement de mycobactéries au niveau du placenta, du fœtus et du lait suggère également une voie de transmission verticale. Les animaux restent asymptomatiques vis-à-vis de la maladie, mais présentent des lésions histopathologiques (intestin grêle, ganglions mésentériques et foie) et sont fortement excréteurs(2). Des études expérimentales ont par ailleurs confirmé la transmission interspécifique entre lapins et bovins. Une forte densité de lapins infectés sur une pâture peut ainsi constituer une source supplémentaire de contamination.

D’autres espèces excrètent MAP et, sans être des réservoirs primaires (capables de maintenir la maladie), pourraient jouer un rôle dans sa dissémination. Chez le lièvre, les petits rongeurs et les oiseaux, il s’agirait d’une transmission passive, mais qui pourrait contribuer à contaminer les aliments du bétail. Chez le renard et l’hermine, la mise en évidence de MAP dans les ganglions mésentériques, associée à des lésions histo-pathologiques discrètes, plaide plutôt en faveur d’une infection vraie. Cependant, ces animaux semblent être des culs-de-sac épidémiologiques de la maladie et ils excrètent peu MAP. En Grande-Bretagne, des taux de prévalence supérieurs à 80 % ont néanmoins été relevés chez le renard.

L’implication des acteurs de terrain est fondamentale pour la surveillance passive

Ce rôle de la faune sauvage dans l’épidémiologie de la paratuberculose doit être relativisé par rapport à l’importance de la contamination à l’intérieur du troupeau par un bovin excréteur. En revanche, dans un contexte d’éradication de la maladie ou lorsqu’une ferme indemne est située à proximité d’une ferme infectée, ce facteur n’est pas négligeable. La surveillance active est délicate à mettre en place en faune sauvage, et l’implication des acteurs de terrain (chasseurs, agents forestiers) reste alors fondamentale pour une bonne surveillance passive. En ce qui concerne le contrôle, vu la complexité de la gestion sanitaire de la paratuberculose en élevage, celle du cycle sylvatique ne peut viser qu’à une diminution de la prévalence chez les cervidés. Cela passe par une gestion adéquate de leurs populations (souvent trop denses) avec, idéalement, un abattage des animaux malades excréteurs(3). La mycobactérie pouvant survivre plusieurs mois dans le milieu extérieur(4), la contamination sur les aires de nourrissage, où les animaux se rassemblent, peut également être limitée en favorisant des aires spécifiquement aménagées, annuellement désinfectées et disposant les aliments en hauteur.

  • (1) www.faunesauvage.be.

  • (2) Quatre millions d’unités formant colonie (UFC)/g de fèces.

  • (3) Cet abattage sanitaire est prévu en Belgique par un arrêté gouvernemental.

  • (4) En l’absence de forts écarts de température, auxquels elle est sensible.

CONFÉRENCIÈRE

Annick Linden, professeur au département des maladies infectieuses et parasitaires et au département santé et pathologie de la faune sauvage de la faculté de médecine vétérinaire de Liège, responsable du Réseau de surveillance sanitaire de la faune sauvage.

Article rédigé d’après la conférence « Rôle du réservoir sauvage dans l’épidémiologie de la paratuberculose », présentée lors du colloque sur la paratuberculose des ruminants organisé à l’ENVA le 10 juin 2010.

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