Un collectif de vétérinaires contre la corrida est créé

On ne peut pas invoquer la beauté pour permettre une barbarie physique », a estimé en introduction de son intervention Muriel Marland-Militello, députée UMP des Alpes-Maritimes et vice-présidente du groupe d’étude parlementaire sur la protection des animaux. Elle présentait, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, une proposition de loi visant à abolir la corrida et les combats de coqs.

Cette conférence a aussi permis d’annoncer la constitution officielle du Collectif des vétérinaires opposés à la corrida. Créé par Jean-François Courreau(professeur à l’école d’Alfort), Nathalie Milhas(praticienne en Haute-Garonne) et le psychiatre Jean-Paul Richier, ce collectif rassemble actuellement près de deux cents vétérinaires. Un site Internet est dédié à leur démarche⁽¹⁾.

« L’argument d’une tradition ininterrompue m’apparaît comme un motif plutôt léger, a poursuivi Muriel Marland-Militello. Les réticences des députés à l’inscrire à l’ordre du jour montrent bien que ceux qui refusent cette proposition de loi ont peur qu’elle soit votée si elle passe devant l’Hémicycle. »

La souffrance du taureau, bien réelle, est dénoncée

« La profession vétérinaire ne s’était jamais engagée sur ce terrain. Il était temps qu’elle se prononce massivement contre la corrida », a souligné Jean-François Courreau. Comment défendre la sélection d’un taureau destiné à un combat qui mène à la mort dans un cadre ludique ? » Et d’ajouter : « Les écoles vétérinaires ont intégré un enseignement sur le bien-être animal. Il est inadmissible, insupportable de voir un animal souffrir dans le cadre d’un spectacle. » « L’Homo sapiens est doué d’empathie, alors arrêtons ces tortures », a surenchéri notre consœur Marie-Claude Bomsel.

Francesco Minguell, un confrère espagnol porte-parole de l’Association des vétérinaires pour l’abolition de la tauromachie (Avat), a mis en avant les données scientifiques : « Il est reconnu que les animaux souffrent d’un stress important et d’une douleur extrême. En tant que vétérinaires, nous pensons que le bien-être animal doit passer avant tout. » En Espagne, pays pourtant ancré dans la tradition taurine, les mentalités changent aussi.

« La corrida est une relation homme-animal qui repose sur la domination, la prédation, la violence », a précisé Jean-Paul Richier. Des philosophes, des éthologues, des psychiatres, etc., sont déjà engagés contre cette pratique. « L’implication de vétérinaires est à mon sens une étape déterminante », a-t-il estimé.

Une opacité au niveau de l’argent qui circule dans la corrida en France

« Nous avions déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’argent de la corrida en France, mais cela n’a pas abouti. Nous l’avons redéposé il y a quelque temps », a souligné Geneviève Gaillard, députée SRC des Deux-Sèvres et présidente du groupe d’étude parlementaire sur la protection des animaux. Notre consœur dénonce en effet l’opacité financière autour de cette pratique. « La corrida est une incongruité à notre époque, mais derrière se cache aussi une affaire commerciale juteuse, voilà pourquoi je m’associe à cette initiative », a ajouté Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes.

Le député Jean-Marc Roubaud, élu dans le Gard, pays de la tauromachie, a également rejoint les anticorrida : « J’ai signé dans un département où les traditions taurines sont fortes. Quand on est élu, c’est pour s’engager et non pour penser à sa prochaine élection. Dans un monde violent, ajouter de la violence démocratique, c’est inutile. » Et de conclure : « Pour le moment, nous ne sommes qu’une dizaine de députés à avoir signé, mais cela va obliger chacun à se dévoiler ! »

• (1) www.veterinaires-anticorrida.fr