Les principales causes de mortalité du cheval âgé sont recensées - La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010

Gériatrie équine

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Sophie Paul-Jeanjean

Les dégradations physiologiques du vieillissement touchent les systèmes nerveux, sensoriel et digestif, les glandes à sécrétions hormonales, les tissus osseux et musculaires, le foie, les reins, les poumons et le cœur.

Le vieillissement n’est pas un mécanisme spécifique de la dernière partie de la vie, il relève d’une suite programmée de mécanismes biologiques continus qui se succèdent (le développement, la maturité, la sénescence) de façon naturelle chez tout être vivant.

En moyenne, les chevaux commencent à montrer des signes de vieillissement vers l’âge de dix-huit ou vingt ans. Leur espérance de vie est désormais de vingt-cinq ans. Plusieurs processus de dégradations physiologiques sont responsables du vieillissement. Ces dysfonctionnements touchent en particulier les systèmes nerveux et sensoriels, les glandes à sécrétions hormonales, les tissus osseux et musculaires, le système digestif, le foie, les reins, les poumons et le cœur. Chez le cheval âgé, ce vieillissement se traduit souvent par un état d’amaigrissement prononcé.

Claire Laugier et son équipe ont recensé les principales causes de mortalité chez les chevaux âgés, lors d’une étude menée à partir de cinq cent dix-sept autopsies (voir graphique).

1 AFFECTIONS DIGESTIVES.

L’usure des dents rend la mastication moins efficace, ce qui implique un travail plus conséquent des organes digestifs. Les autres insuffisances digestives chez le cheval âgé sont dues à la baisse de production d’acide gastrique dans l’estomac, à l’hyposécrétion des enzymes digestives, à la perte de tonicité des fibres musculaires lisses intestinales et à la diminution de la surface d’absorption de la muqueuse intestinale.

L’insuffisance rénale chronique est rare, mais touche surtout des chevaux de plus de quinze ans. Le débit et la filtration glomérulaire diminuent, et les produits de dégradation des protéines sont mal éliminés par les reins, l’urémie entraîne la mise en place d’un statut catabolique et la mobilisation des réserves. Les symptômes sont l’anorexie, la léthargie, l’hypercalcémie et l’hypophosphatémie. Une insuffisance rénale chez un cheval âgé n’est pas un phénomène de vieillissement pur, mais plutôt le résultat de traumatismes lésionnels répétés dont les conséquences augmentent avec l’âge.

Avec le vieillissement, le foie est moins fonctionnel et subit des altérations quantitatives cytologiques. L’âge est à l’origine d’une raréfaction des hépatocytes, d’une fibrose du tissu hépatique et d’une surcharge graisseuse : un déficit des fonctions digestives et métaboliques du foie est alors observé. Ces troubles contribuent au syndrome d’amaigrissement chronique du cheval âgé, mais parfois la conséquence est plus grave et se manifeste par une cirrhose hépatique. Le pancréas subit également des altérations structurales.

Le risque de colique et de colique chronique augmente chez le vieux cheval: il est plus sensible aux changements (alimentaires, environnementaux) et au stress. Les causes de ces coliques diffèrent aussi de celles des sujets plus jeunes : les chevaux âgés présentent davantage de lipomes pédonculés au niveau de l’intestin grêle, de foramens épiploïques, de surcharges cæcales et de torsions du gros côlon, d’entérotoxémie. Ces causes nécessitent souvent un traitement chirurgical qui n’est pas toujours accepté par le propriétaire.

Le cheval âgé semble particulièrement sensible au parasitisme, en raison de la diminution de la réponse immunitaire. De plus, une fois retraité, il vit souvent au pré avec d’autres chevaux et est donc davantage exposé aux parasites : les plus répandus et les plus pathogènes chez le cheval âgé sont les grands strongles du genre strongylus, les petits strongles, les ascaris et les anoplocéphales.

Les causes de mortalité associées au tractus digestif (46 %) sont dominées par les typhlocolites infectieuses ou les entérotoxémies, les perforations ou les ruptures cœco-coliques secondaires à une surcharge viscérale, les lésions pariétales de type infarcissement, les torsions ou les déplacements du gros intestin et du cæcum, les affections de l’intestin grêle.

2 AFFECTIONS CARDIO-VASCULAIRES.

Les phénomènes dégénératifs valvulaires constituent les affections cardiaques les plus fréquentes du cheval âgé, notamment mitrales et aortiques. Les lésions observées sont une dégénérescence du collagène et une prolifération du tissu fibro-élastique sur les valvules, responsables de leur épaississement et d’une fermeture inadéquate, ce qui entraîne une insuffisance valvulaire.

L’insuffisance aortique est surtout observée chez les chevaux de plus de dix ans : en général, ils la tolèrent, même quand son grade est élevé, sans présenter de signes cliniques. L’affection évolue progressivement, mais constitue rarement une cause de retraite, de mortalité ou d’euthanasie du cheval. Cependant, l’insuffisance aortique peut évoluer en insuffisance cardiaque congestive.

L’insuffisance mitrale est souvent asymptomatique au départ. Cependant, elle constitue l’insuffisance valvulaire la plus susceptible d’évoluer en insuffisance cardiaque congestive. L’intolérance à l’effort est le premier signe clinique, puis le cheval peut montrer progressivement des signes d’insuffisance cardiaque droite (œdèmes périphériques, distension veineuse, pouls jugulaire). A un stade avancé, des symptômes respiratoires peuvent se manifester (tachypnée, dyspnée, toux, crépitements à l’auscultation). Les chevaux qui souffrent d’insuffisance mitrale ont tendance à présenter des arythmies ventriculaires et une fibrillation auriculaire au repos ou induites par l’exercice.

Les mortalités associées au système cardio-vasculaire incluent les défaillances cardiaques aiguës (phénomènes électriques), les insuffisances cardiaques décompensées, les ruptures vasculaires diverses, des endocardites et des lésions ischémiques de l’endocarde.

3 AFFECTIONS LOCOMOTRICES.

Un cheval âgé peut présenter un ensemble d’altérations fonctionnelles de l’appareil locomoteur: raideurs, ankyloses, amyotrophies, décompensations d’affections dégénératives articulaires. Les cas rencontrés varient, du vieux cheval retraité qui vit au pré à celui qui est encore au travail, voire en compétition.

Le cheval âgé au pré est un surdoué de l’utilisation des mécanismes de compensation : en effet, il a appris à ne pas utiliser ses articulations douloureuses, en optimisant l’ensemble des mécanismes qui lui permettent de vivre le mieux possible. Souvent, les troubles locomoteurs de ces chevaux ne s’expriment pas par des boiteries franches et nettes, mais plutôt par des amaigrissements, des troubles du comportement au sein du troupeau, des difficultés pour se coucher ou même par une incapacité à se relever. Les abcès de pied sont responsables d’une majorité de boiteries chez le cheval au pré. Le panel des affections possibles est large : dorsalgie chronique, arthropathie dégénérative d’une ou plusieurs articulations, tendinites, fourbure chronique, etc. Les fractures des membres, du bassin ou du rachis (notamment des vertèbres cervicales) ont également une incidence plus élevée chez les vieux chevaux. Sur l’appareil locomoteur, les causes de mortalité ou d’euthanasie recensées sont des fractures des membres ou du bassin(l’ostéoporose pourrait être à l’origine de fracture spontanée), des lésions traumatiques du crâne ou de la colonne vertébrale et des fourbures.

4 AFFECTIONS TUMORALES.

L’incidence des tumeurs augmente régulièrement en raison de l’allongement de la durée de vie des chevaux : elles représentent 5,9 % des causes de mortalité chez le cheval âgé. La pathologie tumorale équine est dominée par les tumeurs de la peau et des jonctions cutanéo-muqueuses (carcinomes cutanés épithéliaux, mélanomes et lymphomes cutanés).

Sont également régulièrement observés des adénomes hypophysaires et thyroïdiens, des lipomes et des lymphomes, des néoplasies rénales, hépatiques. Les adénomes hypophysaires sont responsables d’une dysendocrinie fréquente chez le cheval âgé, la maladie de Cushing. Les chevaux présentent en général un hirsutisme marqué, un syndrome polyuro-polydipsie et une remobilisation des graisses.

5 AFFECTIONS RESPIRATOIRES.

L’âge entraîne également des modifications respiratoires : altération des alvéoles pulmonaires et diminution des échanges gazeux, atrophie des cellules respiratoires, viscosité accrue des sécrétions, fonctionnement ciliaire altéré. Ainsi, la capacité respiratoire est globalement diminuée et les défenses moins performantes. De ce fait, les chevaux âgés sont plus sensibles au développement d’atteintes respiratoires : le risque d’infections (bactériennes ou virales) est accru, l’incidence de la pousse augmente.

L’amaigrissement chronique est une affection fréquente chez le cheval âgé : le vieillissement du tractus digestif peut, à lui seul, en être responsable. L’inspection des dents est à réaliser en première intention, avant d’envisager les autres causes de perte de poids chronique. Les affections douloureuses chroniques, ainsi que les néoplasies, sont également à considérer, car elles sont souvent accompagnées d’anorexie et d’amaigrissement chronique.

Comme les causes peuvent être multiples, le diagnostic étiologique est d’autant plus difficile à établir et nécessite une démarche diagnostique rigoureuse.

6 AFFECTIONS GÉNITALES.

Le déclin de la fonction reproductrice commencerait vers l’âge de douze ans. Il est net après quinze ans. La gestion de la reproduction des juments âgées est plus délicate, car elles présentent une baisse des taux de fertilité, de fécondation et de natalité, une activité ovarienne irrégulière, un taux de mortalité embryonnaire précoce élevé, un risque accru d’endométrite, de fibrose utérine et de mauvaise conformation de la vulve, une augmentation du nombre d’avortements et de malformations fœtales, un risque accru de pyomètre et d’urovagin. Les poulains issus de mères âgées, qui ont un colostrum de moins bonne qualité, présentent un risque de morbidité et de mortalité augmenté.

Les principales lésions nécropsiques observées sur le tractus uro-génital sont associées à la gestation, à un avortement et, surtout, au poulinage avec ruptures artérielles ou veineuses, lacérations des parois utérines ou vaginales. Les résultats relatifs à l’appareil génital reflètent l’importance numérique des juments poulinières dans l’effectif étudié.

Ainsi, les causes d’affections sont bien identifiées en gériatrie équine. Elles sont souvent associées au syndrome amaigrissement chronique et, parfois, aux causes de mortalité étudiées dans une population équine de référence.

CONFÉRENCIERS

Claire Laugier (Afssa Dozulé),

Pierre Chuit (Founex, Suisse),

Sophie Paul (Beaucouzé),

Laurent Brogniez (clinique de la Brosse, Yvelines),

Aude Giraudet (école d’Alfort).

Article tiré des conférences présentées lors de l’atelier équin des Journées nationales des GTV, le 27 mai 2010.

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