Le manchot empereur est probablement l’homéotherme le mieux adapté au froid - La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010

Adaptation

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Marion Debin

Il est l’unique espèce d’oiseau capable de se reproduire en Antarctique durant l’hiver austral.

Le manchot empereur (Aptenodytes forsteri) représente la plus grande des dix-sept espèces de manchots recensées. Il se reproduit sur la banquise qui borde le continent antarctique, à plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres de l’eau libre, entre avril (formation des couples) et décembre (mue puis départ des jeunes en mer).

Son cycle de reproduction alterne longues périodes de jeûne et voyages alimentaires

Comme tous les manchots, sa vie est caractérisée par l’alternance de périodes d’alimentation en mer et de jeûne lors de ses séjours terrestres (reproduction et mue).

Après la ponte, en mai, la femelle part se nourrir en mer durant pratiquement deux mois, laissant au mâle le soin d’assurer seul l’essentiel de l’incubation. A son retour, elle prendra en charge l’œuf en fin d’incubation ou le jeune nouvellement né et le mâle partira à son tour s’alimenter, durant un mois. Les deux partenaires alterneront ensuite des voyages alimentaires courts jusqu’à l’émancipation du poussin. Ce cycle implique un jeûne d’une centaine de jours pour le mâle et d’une quarantaine de jours pour la femelle, en plein cœur de l’hiver austral. Durant cette période, les animaux sont soumis à des températures avoisinant – 20 °C et à des vents qui atteignent fréquemment 100 km/h. Plusieurs particularités lui permettent de réduire au maximum les dépenses énergétiques liées à sa thermorégulation (température corporelle maintenue à environ 37 °C en hiver).

Sa physiologie est adaptée à des conditions environnementales extrêmes

Sa grande taille (de 1 m à 1,30 m pour 20 à 40 kg), sa forme ovoïde et ses petites extrémités (pieds, bec, ailerons) diminuent la déperdition de chaleur relative, le rapport surface/volume étant le plus faible des espèces d’oiseaux. Le manchot empereur est capable de faire reposer l’ensemble de son poids sur ses talons, en se tenant en équilibre avec sa queue, ce qui réduit la surface en contact avec la glace.

Son plumage épais, double couche, est imperméable et coupe-vent. Il emprisonne 1 cm d’air, qui intervient pour environ 85 % de son isolation thermique. Une épaisse couche de graisse complète cette isolation, utile notamment dans l’eau froide. La rigidité de ses plumes réduit l’impact du vent sur la déperdition de chaleur et la couleur noire de son plumage (face dorsale) absorbe les rayonnements du soleil.

Une organisation complexe des cavités nasales lui permet de récupérer 80 % de la chaleur dégagée par la respiration. Un système vasculaire d’échange à contre-courant (chaque artère est entourée par plusieurs veines) entraîne le réchauffement du sang veineux provenant des ailerons et des pieds. En été, ce système est court-circuité par une grosse veine de surface. Ces différents procédés lui confèrent une température critique inférieure d’environ – 10 °C. En dessous de cette température, le frisson et le fait de serrer les ailerons contre son corps lui permettent de produire davantage de chaleur(1).

La thermorégulation sociale est indispensable à sa survie

Malgré ces adaptations, un manchot isolé ne pourrait survivre en hiver. Un phénomène de thermorégulation sociale intervient donc en complément. Il s’agit des fameuses “tortues”, ces regroupements de manchots nommés ainsi par référence aux formations militaires romaines. Les empereurs se serrent les uns contre les autres en rentrant leur tête, créant un microclimat et diminuant les surfaces d’échanges de chaleur avec l’extérieur, qui sont alors limitées à la tête, la nuque et les pieds. Ce comportement social permet de réduire la dépense énergétique de 16 %(2). Une étude française s’est intéressée aux caractéristiques de ces “tortues”(3). Chacune peut regrouper plusieurs centaines d’individus et la densité peut atteindre dix manchots au mètre carré. Les tortues peuvent être plus ou moins compactes et ont préférentiellement lieu la nuit. Durant toute la période de reproduction, les mâles passent près de 40 % de leur temps regroupés. Ces tortues durent en moyenne une heure trente à deux heures et les animaux y prennent part plusieurs fois par jour.

A l’intérieur, la température est fréquemment supérieure à 20 °C et peut atteindre 37,5 °C. A de telles températures, les manchots risquent l’hyperthermie. Un mouvement se crée donc entre les animaux situés en périphérie (les plus exposés au froid) et ceux situés au centre, la tortue se déplaçant lentement. Quand la température monte trop, la tortue se disloque et les animaux s’écartent les uns des autres en battant des ailerons.

En revanche, le manchot empereur est mal adapté à des températures élevées, contre lesquelles il ne peut lutter qu’en se couchant dans la neige ou en ébouriffant ses plumes. Etroitement dépendant des conditions de la banquise, il pourrait être directement menacé par toute modification du climat.

  • (1) Pour plus d’informations : Y. Le Maho : « The emperor penguin : a strategy to live and breed in the cold », American Scientist, 1977, vol. 65, pp. 680-693.

  • (2) A. Ancel et coll. : « Energy saving in huddling penguins », Nature, 1997, vol. 385, pp. 304-305.

  • (3) C. Gilbert et coll. : « Huddling behavior in emperor penguins : dynamics of huddling », Physiol. & Behavior, 2006, vol. 88, pp. 479-488.

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