Comment définir quel tribunal est compétent ? - La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010

Clauses d’attribution de compétence juridictionnelle

Gestion

QUESTIONS/RÉPONSES

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

En cas de litige à la suite d’une vente, l’acheteur ou le vendeur peuvent être actionnés en garantie et se retrouver devant un tribunal. Quid de la compétence territoriale ?

Vendre un chien pour se voir par la suite actionné en garantie par l’acheteur et devoir se défendre devant un tribunal situé à des centaines de kilomètres de l’élevage n’est pas le scénario rêvé. Pour parer à cette éventualité, bon nombre de vendeurs font figurer dans leur acte de cession une clause qui indique d’ores et déjà le tribunal géographiquement compétent en cas de litige. Mais ces clauses sont-elles légales ? Avant de répondre à cette question, il convient de se pencher sur le régime légal de la compétence territoriale.

1 QUEL EST LE RÉGIME LÉGAL ?

Il figure dans les articles 42 et 46 du Code de procédure civile qui disposent respectivement : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur » et « Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :

– en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ;

– en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ».

Le régime légal favorise, par conséquent, le tribunal dont dépend le défendeur (dans une action en garantie à la suite d’une vente, il s’agira donc du vendeur), à moins que ce dernier n’ait remis l’animal en un lieu autre que celui de l’élevage. Cette dernière hypothèse se rencontre notamment lors des salons animaliers. Pour éviter cet écueil, le vendeur peut-il stipuler que, dans tous les cas, le tribunal compétent sera celui auquel est rattaché son élevage ?

2 LES RÈGLES LÉGALES SONT-ELLES CONTOURNABLES ?

Un commencement de réponse figure à l’article 48 du Code de procédure civile qui pose que « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ».

L’éleveur doit-il être considéré comme un commerçant ? Une réponse positive signifierait que les clauses dérogatoires au régime légal sont valables lorsque la vente se réalise entre deux éleveurs. Selon le Code de commerce, dans son article L121-1, « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ». Le commerçant se définit ainsi, en droit français, par la nature des actes qu’il fait et non selon un critère formel : est commerçant celui qui accomplit des actes de commerce à titre professionnel et personnel (en son nom et pour son compte).

Aussi, contrairement au droit allemand ou suisse, le droit français ne définit pas le commerçant par l’inscription sur un registre. L’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés n’emporte qu’une présomption simple de la qualité de commerçant. Par conséquent, une personne peut être immatriculée sans avoir la qualité de commerçant ou ne pas être immatriculée et avoir cette qualité.

Quant aux actes de commerce en eux-mêmes, ils sont listés aux articles L110-1 et L110-2 du Code de commerce. Il convient de préciser toutefois que ces listes ne sont pas exhaustives et que les juges n’hésitent pas à créer de nouveaux actes. Dans le domaine concerné, le texte fondamental est l’article L110-1 1° aux termes duquel « la loi répute actes de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre ». Le revendeur est dès lors le commerçant par excellence. L’activité de l’éleveur qui fait naître les animaux sur son élevage et qui les vend ensuite ne correspond pas à cette définition. En revanche, son activité concorde parfaitement avec celle décrite par l’article L311-1 du Code rural, à savoir : « Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle, ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation. »

3 QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES APPLICATIONS ?

L’éleveur naisseur qui vend ultérieurement les animaux n’exerce pas une activité commerciale, mais bel et bien une activité agricole. Par conséquent, il ne saurait légalement faire usage d’une clause d’attribution de compétence territoriale dans son acte de vente.

En revanche, tel ne sera pas le cas de l’animalerie qui achète les animaux pour les revendre : elle se situe bien ici dans l’hypothèse de l’article L110-1 du Code de commerce. Toutefois, si l’animalerie vend, par exemple, un chien à un particulier non commerçant, elle ne pourra pas non plus contourner les règles légales de compétence, la qualité de commerçant étant exigée de toutes les parties pour la validité de la clause. Celui qui, à la fois, fait naître et achète pour revendre doit-il être considéré comme commerçant ou comme agriculteur ? La réponse est commandée par l’étude des proportions de chaque activité. Ainsi, si l’activité commerciale est majoritaire, l’activité globale devient elle-même commerciale par application de la théorie de l’accessoire commercial. Si l’activité commerciale est mineure, l’activité globale reste agricole. Un tel cas a été jugé par la Cour de cassation en chambre criminelle le 11 avril 1996. Il ressort de l’arrêt que « les revenus provenant d’opérations commerciales accessoires peuvent être rattachés aux bénéfices agricoles d’un éleveur dès lors qu’ils ne représentent qu’une faible part de ses revenus ; qu’en ne constatant pas que les achats-ventes de chiens réalisés par Serge X avec M. Z, lui procuraient l’essentiel de ses revenus et étaient donc de nature à remettre en cause le régime des bénéfices agricoles à laquelle son activité d’élevage à Fontenay-Trésigny se trouvait soumise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des exigences de l’article 63 du Code général des impôts ».

4 QUELLES SONT LES SANCTIONS ?

Toute clause attributive de compétence stipulée par un non-commerçant est réputée non écrite. En revanche, le reste de l’attestation de cession qui la contient demeure valable.

Questions fréquentes

• Le dressage des chiens est-il une activité agricole ? Non, il s’agit d’une activité commerciale, comme l’a précisé la Cour de cassation le 21 juillet 1992.

• L’entraînement des chevaux en vue de leur exploitation est-il une activité agricole ? Oui, depuis la loi 2005-157 du 23 février 2005, cette activité est réputée agricole.

• Le juge saisi illégalement en vertu d’une clause conventionnelle sur la compétence territoriale peut-il soulever son incompétence ? Non, sauf si le litige est relatif à l’état des personnes ou si le défendeur ne comparaît pas.

C. P.

PRÉCISIONS

• Vente au sein de la Communauté européenne. Si le droit français interdit les clauses d’attribution de compétence en dehors des commerçants, le droit contractuel international, lui, les accepte. Ce droit est régi par la volonté des parties et il appartient donc à celui qui rédige l’attestation de vente de préciser à la fois, pour un futur litige, le pays compétent et la loi nationale applicable.

• Lieu de livraison effective. Par un arrêt étonnant, la Cour de cassation a, le 18 janvier 2001, élargi la définition de la livraison effective en considérant « qu’au sens de l’article 46 du nouveau Code de procédure civile, le lieu de livraison effective s’entend de celui où la livraison a été ou doit être effectuée ».

C. P.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr