Un ch’ti antibiotique, est-ce bien raisonnable ? - La Semaine Vétérinaire n° 1408 du 04/06/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1408 du 04/06/2010

Lille. Journées nationales des GTV

Actualité

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

L’antibiothérapie de demain impose de prendre du recul par rapport aux pratiques d’aujourd’hui.

Le phénomène d’antibiorésistance des bactéries n’est ni un ami ni un ennemi, c’est un fait. La résistance naturelle est ce qui détermine le spectre d’activité d’un antibactérien. Elle doit être distinguée de la résistance acquise par une bactérie d’abord sensible », a exposé Jacques Acar, professeur émérite de microbiologie et consultant auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), en ouverture des Journées nationales des Groupements techniques vétérinaires. Le thème déroulé cette année, « antibiothérapie : santé animale et santé publique », interpelle tous les praticiens, pas seulement les ruraux réunis à Lille du 26 au 28 mai dernier sur un sujet qui a suscité un engagement fort de la Société nationale des GTV. Il est dommage que le climat du Nord n’ait pas attiré plus de praticiens que de coutume, car le niveau des communications était élevé cette année, et particulièrement d’actualité.

L’intérêt de la Commission européenne pour l’antibiorésistance et son impact en santé humaine laisse présager de futurs impératifs réglementaires qui pourraient venir brider la liberté de prescription chère aux vétérinaires. En France, un Comité national vétérinaire pour un usage raisonné des antibiotiques est mis en place depuis quelques mois. Pourquoi ? Parce que la fréquence de l’antibiorésistance augmente plus rapidement que le développement de nouvelles molécules pour combattre les bactéries. Ce phénomène, connu depuis les années 70, devient désormais critique.« La libération d’antibiotiques dans l’environnement est un moteur évolutif du monde bactérien sans retour », a précisé Jacques Acar. Sans retour, car la résistance acquise provient soit d’une mutation spontanée sur un gène de structure de la bactérie, soit est la conséquence d’une transmission horizontale génétique, donc irréversible. Sont en cause les plasmides, les phages, les transposons, agents efficaces de la dissémination des gènes de résistance. D’ailleurs, Jacques Mainil, professeur à l’université de Liège, qualifie l’antibiorésistance de « maladie génétique contagieuse des bactéries  », car une bactérie initialement sensible (donc “saine”), qui devient résistante, peut alors être considérée comme “malade”, atteinte par un agent contagieux.

L’utilisation raisonnée des antibiotiques, critiques ou non, ne fait que réduire l’expression de cette résistance, elle ne la supprime pas. D’où l’importance, aujourd’hui, de réduire la pression de sélection imposée par les antibactériens. Comment ? D’abord en revoyant les bases : les mécanismes d’action des antibiotiques, ceux de la résistance des bactéries aux antibactériens, la façon dont est évaluée l’efficacité des spécialités dans les dossiers d’AMM, la manière de déterminer un schéma thérapeutique, etc. Tous ces sujets ont été abordés lors des conférences et des ateliers. Matières à réflexion plus que solutions généralisables, les communications présentées ont ouvert des pistes et donné l’occasion de repenser les stratégies de traitement utilisées quotidiennement ou historiquement. La difficulté est alors d’arriver à transmettre aux éleveurs les « bonnes pratiques d’utilisation des antibiotiques »(1), dont Jacqueline Bastien a rappelé les lignes directrices. Des initiatives régionales sont mises en place dans ce sens, notamment dans le Nord par le réseau Vet’El, sous forme de formations des éleveurs par leurs vétérinaires.

Princeps et générique, de faux jumeaux à distinguer

Largement suivie, la communication de Christophe Hugnet sur les médicaments génériques a suscité de nombreuses réflexions. Un générique est composé « du même principe actif à la même concentration que le médicament princeps, mais avec une formulation différente  ». Il est donc à différencier des produits qui partagent le même dossier d’AMM, mais portent un nom différent, et qui sont des copies strictes. Le médicament générique bénéficie de dossiers de mise sur le marché allégés, d’où son intérêt économique. Un générique est toujours évalué par rapport à un princeps. Lorsque « la biodisponibilité après administration à une même dose est suffisamment similaire pour que leurs effets et leur sécurité soient considérés comme similaires », ils sont estimés équivalents. Exit les tests de toxicité ou d’efficacité spécifiques appliqués aux médicaments princeps.

« Similaires ne veut pas dire identiques », a souligné Christophe Hugnet. Seule la bioéquivalence moyenne entre le générique et le princeps doit être montrée, c’est-à-dire que « les deux spécialités comparées doivent avoir une même moyenne pour les paramètres pharmacocinétiques mesurés : la concentration maximale (Cmax), le moment d’atteinte de cette concentration (Tmax), l’aire sous la corbe (AUC) ». Cela n’implique pas que les deux spécialités possèdent la même distribution (ou variance), à partir du moment où les moyennes sont les mêmes. La bioéquivalence individuelle n’est donc pas nécessairement identique, si la moyenne l’est. Des variations sont ainsi observables au niveau individuel, de même que lors de traitements collectifs.

En médecine humaine, certains pays interdisent les substitutions des spécialités à fenêtres thérapeutiques étroites (anti-arythmiques, antiépileptiques ou immunomodulateurs), surtout en cours de traitement, en raison des accidents graves observés à la suite de ces substitutions.

Le retour aux molécules anciennes n’est pas la solution universelle

Le risque d’augmentation de l’antibiorésistance est une autre problématique soulevée par l’utilisation des médicaments génériques et le recours aux spécialités anciennes. « Il est démontré sur des modèles in vivo que l’usage des antibiotiques les plus anciens d’une famille, comme celle des quinolones, est un facteur d’émergence de mutants résistants pour toute la famille, y compris pour les substances les plus récentes. » Mieux vaut donc rester prudent quant à la posologie et à l’emploi de certaines spécialités, surtout lorsque les dossiers d’AMM n’ont pas été réactualisés en tenant compte des fenêtres de sélection des mutants résistants. Attention aussi aux associations d’antibiotiques.

A chacun de prendre du recul sur ses pratiques et d’oser les modifier. Certains font déjà le choix de se passer, autant que possible, des antibactériens, grâce à des alternatives. Stéphane Daval, praticien à Legé (Loire-Atlantique) est affirmatif : dans le traitement des diarrhées,« pas d’antibiotiques, c’est automatique ». Et pour vous ?

  • (1) Guide disponible sur le site de la SNGTV. Prochaine édition à Nantes, du 11 au 13 mai 2011, sur le thème des « visites d’élevage : méthodes, outils, gestes ».

L’association Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF) participait au congrès des GTV pour la première fois depuis la fusion, en 2004, de Vétérinaires sans frontières (VSF) avec le Centre international de coopération pour le développement agricole (Cicda). La création en 2008 du département “élevage, santé animale et santé publique vétérinaire”, dont Hervé Petit a repris la direction en août 2009, marque la volonté de l’association d’intensifier, auprès des petits paysans des pays en développement, son appui à l’élevage. Un engagement qu’elle partage avec les praticiens français en zone rurale, comme en témoigne sa présence aux Journées nationales 2010.

De gauche à droite : Christine Chevalier (chef du service publicité et événements spéciaux, Unicef France), Eliane Reydant (présidente, Unicef France), Claude Joly (représentant de la Maison des vétérinaires et acquéreur de la vache), Didier Gits (chef de gamme ruminants chez Bayer), Nathalie Bocquentin de La Chaise et Amora Doris (artistes peintres), et Justine Henry (étudiante en 2e année à l’ENVT, dont le dessin a été choisi comme modèle pour peindre la vache).

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