L’ostéopathie hypertrophique est toujours secondaire - La Semaine Vétérinaire n° 1408 du 04/06/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1408 du 04/06/2010

Cancérologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Adrien Aertsens*, Bertrand Pucheu**

Fonctions :
*DMV, praticiens au Centre hospitalier Norvet, à La Madeleine (Nord)
**DMV, DESV de chirurgie, praticiens au Centre hospitalier Norvet, à La Madeleine (Nord)

Elle est souvent associée à une lésion pulmonaire, plus rarement à une tumeur abdominale. Une exploration thoracique et abdominale est donc recommandée.

Une chienne berger allemand stérilisée de onze ans est référée pour un œdème aux quatre membres. L’animal n’a aucun antécédent médical, excepté une arthrose coxo-fémorale sévère. Malgré un appétit conservé, il est cachectique et réticent à se déplacer. Ses membres sont œdématiés, chauds et non douloureux à la manipulation. L’extension des hanches est difficile et douloureuse. Le reste de l’examen général est normal.

Le diagnostic différentiel d’un œdème des membres est envisagé (voir encadré). Une hypoprotéinémie, un lymphœdème ou une ostéopathie hypertrophique sont les hypothèses privilégiées.

La radiographie des membres révèle des réactions périostées typiques

Une prise de sang et une analyse urinaire sont réalisées. Une hypo-albuminémie (albumine à 22 g/l, protéine totale à 62 g/l) est constatée. L’analyse urinaire est normale. Comme l’hypoprotéinémie n’est pas significative pour expliquer l’œdème, des radiographies des membres sont effectuées. Elles révèlent une prolifération osseuse périostée spiculée bilatérale, sans lyse corticale, sur tous les os distaux aux articulations de l’épaule et coxo-fémorale (voir photos). L’aspect typique des réactions périostées, l’absence de lyse osseuse, la présence de lésions sur les quatre membres permettent de poser le diagnostic d’ostéopathie hypertrophique. Cette affection est caractérisée par une néoformation périostée extensive sur les os longs, qui débute sur les phalanges, les métacarpes et les métatarses, puis évolue proximalement le long des os, sans atteinte des surfaces articulaires, qui apparaissent normales. La partie distale des membres est donc œdématiée et l’animal est réticent à se déplacer. Une baisse de l’état général est souvent constatée. Le diagnostic de certitude est radiographique. Le bilan sanguin peut révéler une thrombocytose, dont l’origine reste incertaine.

L’ostéopathie hypertrophique est toujours secondaire à une autre affection. Généralement, il s’agit d’une lésion pulmonaire primaire ou secondaire, tumorale ou non. Plus rarement, elle peut être associée à une tumeur abdominale sans envahissement thoracique. Une exploration thoracique et abdominale par radiographie et échographie est donc recommandée, afin de déterminer la cause primaire.

Une lobectomie pulmonaire est réalisée

Les radiographies thoraciques permettent de constater la présence d’une masse ronde unique (97 x 140 mm), au niveau des lobes pulmonaires caudaux. Pourtant, l’animal ne présente aucun symptôme respiratoire. Comme l’échographie abdominale est normale, la réalisation d’une lobectomie pulmonaire est décidée, afin d’éliminer la cause primaire sous-jacente.

Une thoracotomie au niveau du sixième espace intercostal gauche est effectuée. La tumeur est bien circonscrite et son exérèse est réalisée sans difficulté. L’analgésie postopératoire est assurée par l’injection toutes les quatre heures de morphine (0,3 mg/kg par voie intramusculaire) et toutes les six heures de bupivacaïne (0,1 mg/kg) dans les drains de plaie et thoracique. Ces derniers sont retirés respectivement vingt-quatre et quarante-huit heures après l’opération.

La chienne est rendue à ses propriétaires dans les soixante-douze heures qui suivent l’intervention, après un contrôle de la production du drain thoracique, puis son retrait. Rapidement après son réveil, ses états général et algique sont apparus identiques à ceux observés en phase préopératoire. Du méloxicam (Métacam®, à la dose de 0,1 mg/kg, une fois par jour, pendant sept jours), du tramadol (Topalgic®, à raison de 5 mg/mg deux fois par jour, pendant cinq jours) et une couverture antibiotique à base de céfalexine (Rilexine®, 15 mg/kg deux fois par jour, pendant dix jours) sont prescrits.

L’histologie confirme la nature tumorale de la masse : il s’agit d’un adénocarcinome. Les marges d’exérèse sont saines. La chimiothérapie est refusée par les propriétaires.

Un contrôle est effectué quinze jours après l’intervention. L’œdème des membres a diminué, mais les lésions radiographiques sont identiques. L’état général de l’animal est stable et son poids reste inchangé.

Les lésions osseuses régressent en quelques semaines après l’élimination de la cause

Trois mois après l’opération, la chienne est euthanasiée par le vétérinaire traitant en raison d’une dégradation aiguë de son état général. Il n’a donc pas été possible d’effectuer des radiographies de contrôle des membres.

Selon les auteurs, les signes cliniques diminuent dans les deux semaines qui suivent l’élimination de la cause, alors que les proliférations osseuses régressent en quelques semaines (deux à cinq) ou plusieurs mois après l’élimination de la cause, ou après la section du nerf vague ou des nerfs intercostaux. Le pronostic dépend de la nature de la masse.

La physiopathogénie de l’ostéopathie hypertrophique n’est toujours pas élucidée. Trois principales hypothèses sont avancées. La principale justifie les réactions périostées par la vasodilatation, qui augmente le flux sanguin au niveau de la partie distale des membres, consécutivement à un réflexe “neural” induit par l’affection primaire. Pour d’autres, le métabolisme anormal des hormones, ou hormone-like substances, en est la cause. La troisième théorie avance des origines neurogéniques. Le processus initial est caractérisé par un tissu collagéneux fibreux et vascularisé. Finalement, une néoproduction osseuse périostée est identifiée.

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Diagnostic différentiel d’un œdème des membres

L’œdème des membres peut être dû à :

– une hypoalbuminémie (néphropathie, entéropathie, insuffisance hépatique, malnutrition/malabsorption, brûlure, hémorragie);

– une stase veineuse (insuffisance cardiaque congestive, cirrhose, occlusion veineuse centrale due à une thrombose, une néoplasie, ou un granulome);

– un lymphœdème (affection primaire des ganglions ou des vaisseaux lymphatiques ou secondaire à une obstruction liée à un traumatisme, une tumeur);

– une ostéopathie hypertrophique (lésion thoracique ou abdominale);

– une origine médicamenteuse (alphaxolone, paracétamol, salbutamol);

– une cellulite ;

– un traumatisme ;

– une tumeur.

A. A. et B. P.
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