Fabrice Robert manage la transformation des idées en produits

Nutrition, santé animale, immunologie, techniques de laboratoire. Chacun des sept spécialistes du service recherche et développement (R&D) de la firme service CCPA⁽¹⁾ présente un profil particulier. « Notre domaine d’intervention est celui de l’alimentation animale », explique notre confrère Fabrice Robert, responsable du service. « Nous travaillons toutes les thématiques en lien avec ce cœur de métier : la génétique, le logement des animaux, les programmes alimentaires, le caractère nutritionnel et fonctionnel⁽²⁾ des matières premières, l’impact des techniques sur l’environnement. De plus en plus, nous développons les thématiques en lien avec la qualité des produits et la prévention des maladies animales. » Cette équipe pluridisciplinaire répond aux besoins des clients internes et externes à la firme. Les clients internes sont les autres services de l’entreprise, les clients externes essentiellement des fabricants d’aliment du bétail. Deux vétérinaires, un ingénieur meunerie, deux ingénieurs agronomes, un ingénieur agricole, un docteur en physiologie de la nutrition, deux techniciens, une documentaliste et une assistante composent l’équipe. Les sept spécialistes travaillent dans le cadre de groupes projets, en général en binôme, avec un ingénieur spécialisé dans une espèce animale. Tous sont formés à la gestion de projet.

Le projet répond au besoin du client et à l’étude du marché

Le service R&D répond à plusieurs types de demandes : synthèse bibliographique, réajustement de formules nutritionnelles, création d’un produit. Lors de l’émergence d’une idée, « nous faisons le tri entre les vrais et les faux sujets », explique notre confrère. « Le projet doit répondre au besoin du client. Que veut-il ? Quel avantage peut-il en tirer ? Y a-t-il une place sur le marché ? Quelle est la concurrence ? Est-ce que le produit existe déjà ? » Si l’idée présente un intérêt, une première étude est mise en œuvre. Une fiche “commande” est alors rédigée, car « tout ce qui n’est pas écrit n’existe pas ». Elle comprend le nom du projet, le but, le contexte, les résultats bibliographiques, le calendrier, le budget, les articulations avec d’autres projets, les noms du chef de projet et du demandeur. Définir un besoin, des objectifs, un coût, la faisabilité et le pilotage des projets représente 20 % du temps de l’équipe. « Notre travail sur la mise au point du screening rapide du stress oxydatif des animaux a débuté en avril 2006, à la suite de la demande d’un produit pour stimuler l’immunité des animaux. La première année, nous avons défini les besoins nutritionnels spécifiques des animaux dans les phases de stress et d’inflammation », explique Fabrice Robert. La demande avait émergé au cours de l’année 2004.

De la problématique à l’élaboration du projet

Après la validation de cette première étape, la problématique acquiert le statut de « projet » via la rédaction d’une fiche qui répond aux ques­tions : Quoi ? Comment ? Quand ? Les objectifs, l’équipe, les membres des réseaux associés, les expérimentations à mener, le budget, les livrables et le calendrier doivent y être définis. Il peut également être fait appel à des prestataires. « Ainsi, l’équipe commerciale sait dans combien de temps elle aura un produit disponible, ce qui lui permet d’organiser son plan d’action en conséquence », souligne notre confrère. Fabrice Robert confie alors le dossier à un chef de projet, lequel aura en charge son pilotage et, en particulier, l’arbitrage du calendrier. Ce pilotage comprend des réunions trimestrielles avec les clients et la rédaction de comptes rendus détaillés sur ce qui est fait, reporté, ou par exemple intéressant pour les autres espèces. Un projet peut durer de quelques semaines à plusieurs années. La mise au point et la validation des vingt-six paramètres qui permettent de mesurer le stress oxydatif ont nécessité trois années de travail. Le produit est maintenant proposé en routine par le laboratoire Deltavit.

Un mode d’organisation adapté au travail en équipe

Au cours de l’élaboration du projet, l’équipe se détache de l’organisation hiérarchique de l’entreprise. Une fois le travail terminé, elle est dissoute. Selon Henry Minzberg⁽³⁾, professeur de management à l’université McGill de Montréal, cette forme d’organisation est particulièrement adaptée à la création en équipe et permet de rassembler des informations de nature et d’origine différentes. La coordination s’opère par ajustement mutuel au moyen d’une communication informelle. Ce n’est pas l’autorité qui compte, mais la connaissance.

Le service R&D dispose de plusieurs outils et moyens : un centre de documentation, un réseau de partenaires (Afssa, Inra, ITCF, chambres d’agriculture, etc.), un laboratoire (Deltavit), un atelier pilote pour tester la stabilité et l’homogénéité des mélanges, un réseau d’élevages de références, un laboratoire pharmaceutique et une station de recherche appliquée en monogastriques. Le budget attribué à la recherche s’élève à 1 100 000 €, soit 2,5 % du chiffre d’affaires de la coopérative, laquelle compte cent trente-deux personnes en France.

• (1) CCPA : Conseils et compétences en productions animales.

• (2) La fonctionnalité d’une matière première traite des effets d’une matière première par rapport à une autre. Par exemple, l’impact sur l’incidence des diarrhées du remplacement du blé par de l’orge.

• (3) Sciences humaines, hors série n° 20, mars/avril 1998, p. 16.