Le pouvoir pathogène des coccidies est lié à l’espèce et au degré d’infestation - La Semaine Vétérinaire n° 1407 du 28/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1407 du 28/05/2010

Filière cunicole

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Samuel Boucher

Certaines coccidies sont apathogènes, d’autres provoquent deux types de coccidioses : la coccidiose hépatique et la coccidiose intestinale (pour la majorité des espèces).

Les coccidioses du lapin sont dues à des protozoaires intracellulaires du genre Eimeria. A ce jour, onze espèces d’Eimeria du lapin sont identifiées et isolées par le laboratoire de pathologie cunicole de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Tours. Plusieurs critères de diagnose sont utilisés pour la caractérisation des espèces : la morphologie de l’oocyste (leur taille, leur forme, l’aspect du micropyle et la présence ou non d’un corps résiduel oocystal), la période prépatente (temps de développement endogène du parasite allant de l’ingestion des oocystes à l’excrétion d’autres parasites similaires), le temps de sporulation à une température donnée, le taux de multiplication, les lésions induites selon leur nature et leur localisation. Les oocystes des Eimeria comportent quatre sporocystes renfermant chacun deux sporozoïtes, ce qui les différencie du genre Isospora.

Actuellement, les espèces les plus fréquemment rencontrées dans les élevages rationnels sont E. magna, E. media et E. perforans. Dans les élevages fermiers ou sur le lapin de garenne, E. flavescens et E. intestinalis sont aussi souvent retrouvées.

Les Eimeria sont des parasites monoxènes. Leur cycle biologique (voir schéma) comprend une phase de multiplication chez l’animal et une phase de maturation et de dissémination dans le milieu extérieur. L’animal se contamine en ingérant des oocystes sporulés présents dans le milieu extérieur.

Les coccidioses intestinales induisent une sévère hypokaliémie

Certaines coccidies, comme les E. coecicola, sont apathogènes. Les autres provoquent deux types de coccidioses : la coccidiose hépatique, dont l’espèce responsable, E. stiedai, se développe dans les canaux biliaires du foie, et les coccidioses intestinales, provoquées par une ou plusieurs des autres espèces qui se développent dans les différentes parties de l’intestin. Les lapins adultes sont porteurs sains. Le lapereau ne devient sensible à la coccidiose que trois à quatre semaines après la naissance. Il n’y a pas de transmission materno-fœtale de l’immunité. Plusieurs espèces de coccidies peuvent parasiter un même lapin. L’ensemble des symptômes décrits dépendent de l’espèce d’Eimeria considérée, du degré d’infestation de l’animal, de son état sanitaire, et ils sont parfois aggravés par le développement de bactéries pathogènes opportunistes. Les Eimeria du lapin peuvent être classées selon leur pouvoir pathogène et le fait qu’elles entraînent de la mortalité, des diarrhées et/ou des baisses de gain moyen quotidien (voir tableau).

Si, schématiquement, chez le veau ou chez l’enfant, la diarrhée est caractérisée par une perte d’eau et de sodium, une déshydratation extracellulaire et une acidose métabolique, la diarrhée chez le lapin est atypique. Elle se traduit par une diminution de l’excrétion fécale, une absence de modification de la distribution de l’eau dans l’organisme (seule la peau se trouve fortement déshydratée) et aucune variation du pH n’est observée. La modification la plus marquée au niveau du plasma sanguin est une sévère hypokaliémie qui résulte d’une perte de potassium dans les fèces. Au cours des épisodes diarrhéiques, une augmentation du temps de rétention des ingesta dans l’intestin, associée à une augmentation de la flore colibacillaire et à une alcalinisation du pH intestinal, est également constatée.

Les lésions macroscopiques apparaissent dans l’intestin au niveau du site préférentiel de développement de l’espèce d’Eimeria considérée. La partie de l’intestin infestée est œdémateuse et blanchâtre, et la segmentation est nettement visible. Sur le terrain, les aspects lésionnels décrits sont rarement rencontrés. Les doses infectantes sont probablement plus faibles et étalées dans le temps, comparées aux infections qui ont été mises en évidence lors de reproduction expérimentale sur lapins exempts d’organismes pathogènes spécifiés (EOPS). En outre, les surinfections bactériennes rendent le diagnostic difficile.

L’identification est possible au bout de deux à quatre jours

Pour poser le diagnostic de coccidiose, il est utile de faire un étalement frais, car il met en évidence la simple présence d’ookystes. Il faut ensuite faire une numération, indispensable pour établir un pronostic et juger de l’utilité d’un traitement. Habituellement, chez le lapin, le taux d’infestation de cinq mille ookystes par gramme de fèces prélevés directement dans l’intestin est considéré comme un seuil suffisant pour entraîner une maladie. Ce seuil est uniquement indicatif, car l’excrétion n’est pas constante au cours d’un cycle. Il est ensuite nécessaire de faire sporuler les coccidies artificiellement pour les identifier et savoir si l’espèce est pathogène ou non.

Pour cela, il faut recueillir, dans un premier temps, du contenu caecal ou des crottes humidifiées, afin d’obtenir une substance pâteuse. Une couche mince est étalée dans une boîte de pétri percée de trous d’aération. Ce contenu est mélangé à du sulfate de magnésium à saturation (de la poudre commerciale de sulfate de magnésium est dissoute dans de l’eau jusqu’à ce que le produit ne se dissolve plus) homogénéisé et placé à 25 °C. L’identification est possible au bout de deux à quatre jours. La lecture des sporulations se fait tous les deux jours, jusqu’à ce que toutes les coccidies aient sporulé, pour déterminer les espèces et leur pathogénicité. La fréquence relative de chaque espèce est évaluée sur cent ou deux cents oocystes.

Seules la chaleur et la dessiccation peuvent détruire efficacement les oocystes

La coccidiose, comme de nombreuses autres maladies du lapin, est souvent la conséquence d’agressions non spécifiques associées, telles que le bruit, le stress, le transport, etc. Ces agressions favorisent l’épuisement des capacités de réaction de l’organisme, ce qui crée ainsi un terrain propice au développement des coccidies. La lutte contre le parasite nécessite donc, tout d’abord, une bonne hygiène et des conditions d’élevage contrôlées (microbisme, bruit, alimentation, ventilation, température et taux d’humidité, rationnement). Une lutte directe contre le parasite, grâce à l’utilisation d’anticoccidiens, est souvent nécessaire.

La grande résistance des oocystes dans le milieu extérieur et leur extraordinaire résistance aux agents chimiques les rendent omniprésents. Cela ne permet pas toujours de s’affranchir d’un coccidiostatique dans l’aliment distribué aux lapins. Seules la chaleur et la dessiccation peuvent détruire efficacement les oocystes dans le milieu extérieur.

Les anticoccidiens sont souvent incorporés, de façon préventive, sous forme d’additifs dans les aliments complets. La robénidine (additif Cycostat®), qui a longtemps été la seule autorisée, est efficace et bien tolérée par le lapin. Malheureusement, son usage intensif en Europe depuis 1980 a conduit à l’apparition de chimio-résistances, notamment avec E. media, E perforans et E. magna. Les ionophores, utilisés en aviculture, sont toxiques chez le lapin, hormis la salinomycine (additif Saccox®) qui, administrée à 20 ppm dans l’aliment, est bien tolérée et efficace. En revanche, elle n’est autorisée que chez les lapins en croissance. La dose toxique de 50 ppm est par ailleurs assez proche de la dose traitante. Les médicaments curatifs efficaces et avec une indication « contre la coccidiose des lapins », selon leur AMM, sont à base de sulfamides (sulfadiméthoxine surtout). Comme additif, le diclazuril (Clinacox® 0,5 % Premix) est aussi indiqué chez le lapin. Enfin, parmi les prémélanges médicamenteux, le décoquinate (Deccox®) peut également être prescrit “hors AMM” dans les aliments médicamenteux, mais dans le cadre de la cascade, en l’absence d’autre alternative autorisée et avec un délai d’attente de vingt-huit jours.

Ainsi, les prémixeurs conseillent-ils aujourd’hui, avec l’espoir d’un retour de la chimiosensiblité de la robénidine, de pratiquer l’alternance des molécules anticoccidiennes dans les plans de prophylaxie, comme cela se fait pour les volailles. Par ailleurs l’une des caractéristiques des Eimeria est leur forte immunogénicité. Une infestation primaire protège contre une réinfestation par la même espèce. La vaccination avec des souches de virulence atténuée a été mise au point chez le lapin et des essais préliminaires de vaccination sur le terrain ont donné des résultats prometteurs. Toutefois, les connaissances qui concernent la réponse immune chez le lapin sont particulièrement modestes. Aucun vaccin n’est actuellement commercialisé.

  • Cet article a été rédigé à l’occasion de la journée dédiée au diagnostic des coccidioses, organisée à l’université vétérinaire de Gand en Belgique par la société Alpharma le 1er octobre dernier. Dominique Licois (jeune retraité de l’Inra de Nouzilly) a pu organiser l’un des derniers travaux pratiques de sa carrière de chercheur. Ce fut l’occasion de rappeler quelques-unes des connaissances sur la maladie et de proposer une nouvelle approche de la chimioprévention.

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