Quand la génétique fait avancer l’ophtalmologie - La Semaine Vétérinaire n° 1405 du 14/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1405 du 14/05/2010

Tests ADN

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Marie Abitbol*, Philippe Pilorge**

Fonctions :
*maître de conférences en génétique à l’ENV d’Alfort.
**praticien à Rennes, secrétaire de la Société française d’études et de recherches en ophtalmologie vétérinaire (Sferov).

2009 a vu la commercialisation d’un test pour la luxation primaire du cristallin et la publication d’une étude sur la cataracte héréditaire du berger australien.

Lorsque les tests ADN de dépistage ont commencé à apparaître, il y a une dizaine d’années, les vétérinaires ont ressenti une certaine inquiétude. En effet, peu de praticiens possédaient des connaissances en génétique moléculaire. De plus, le nombre de nouveaux tests commercialisés chaque année augmentait rapidement. Depuis, la profession a su développer des outils adaptés, comme l’enseignement(1) de cette nouvelle branche de la génétique ou l’édition d’ouvrages et d’articles spécialisés(2). Dans le même temps, l’apparition de nouveaux tests s’est fortement ralentie. En outre, la complexité de leur interprétation rend le recours aux professionnels que sont les vétérinaires de plus en plus indispensable.

Actuellement, l’ophtalmologie est la discipline qui bénéficie du plus grand nombre de tests(3). Pour cette spécialité, l’année 2009 aura été marquée par la commercialisation d’un test pour une nouvelle affection (la luxation primaire du cristallin), la publication d’une étude sur la cataracte héréditaire du berger australien, et la confirmation que les tests génétiques nécessitent une validation dans différentes populations d’une même race pour offrir une bonne fiabilité.

Une mutation pour la luxation primaire du cristallin est identifiée

La luxation primaire du cristallin est une affection bien connue, qui engendre souvent de la douleur et une cécité. L’âge d’apparition le plus précoce se situe vers dix-huit à vingt-quatre mois. Plusieurs races sont particulièrement touchées, notamment les terriers et apparentés. Les chercheurs du laboratoire britannique Animal Health Trust affirment avoir trouvé une mutation liée à la présence de cette affection chez sept races canines (jack russell terrier, jagd terrier, bull terrier miniature, parson russell terrier, sealyham terrier, terrier tibétain, volpino italien) et une publication toute récente (voir bibliographie 1) précise cette mutation pour trois de ces races. Bien que le mode de transmission annoncé soit de type autosomique récessif, il présente toutefois quelques particularités. En effet, selon ce mécanisme, les individus qui ne portent qu’une copie de la mutation (dits porteurs ou hétérozygotes) n’expriment pas la maladie. Or, pour cette affection, un petit nombre d’individus hétérozygotes malades sont observés. De plus, alors que tous les homozygotes mutés devraient présenter la maladie, quelques-uns parmi eux restent sains. Il faudra attendre de tester un grand nombre de chiens pour confirmer cette particularité.

Pour le moment, il est admis que les porteurs d’une seule copie présentent un risque faible de développer une luxation et que les homozygotes mutés présentent un risque élevé d’être atteints. Un test est ainsi proposé depuis l’an dernier, pour la première fois pour ce type d’affection, mais, à ce jour, aucune publication scientifique ne précise cette découverte.

La cataracte héréditaire du berger australien répond à un mécanisme de codominance

Concernant la cataracte chez le berger australien, un test est commercialisé depuis un an environ. Une récente publication vient en préciser les caractéristiques (voir bibliographie 2).

Bien que le gène et la mutation aient été découverts en 2006 (voir bibliographie 3), le mode de transmission est rapidement apparu complexe à comprendre. Les auteurs de l’étude expliquent ce phénomène par un mécanisme de codominance : la présence d’une copie de la mutation entraînerait une augmentation du risque de développer une cataracte, par comparaison avec un chien non porteur de la mutation, alors que la présence de deux copies générerait un risque élevé de développer une cataracte sévère.

En résumé, selon l’état actuel des connaissances, la présence de la mutation semble constituer un facteur de risque (x 17) de présenter une cataracte bilatérale. A l’état hétérozygote, la cataracte serait plutôt sous-capsulaire polaire postérieure, peu évolutive, donc peu invalidante. A l’état homozygote, la cataracte serait nucléaire et progressive, donc plus grave. Toutefois, la présence éventuelle de mutations additionnelles reste encore à explorer.

Des validations à grande échelle sont nécessaires

En outre, au cours de l’année 2009, deux illustrations ont montré que lorsqu’un nouveau test ADN est commercialisé, il convient de le valider chez plusieurs populations de la race concernée, donc dans plusieurs zones géographiques. En effet, un nombre significatif (15 % environ) de labradors français qui présentaient tous les signes cliniques de l’atrophie progressive de la rétine a été comptabilisé, alors qu’ils ne portaient pas la mutation connue chez cette race (voir bibliographie 4). Il existe ainsi au moins une deuxième forme de cette affection chez le labrador, en France tout du moins.

De même, un test a été commercialisé en 2008 pour la cataracte héréditaire du bouledogue français. Or, chez de nombreux individus français atteints, la mutation n’a pas été retrouvée. Cela laisse présager l’existence d’une autre forme de cataracte héréditaire dans cette race. Il convient désormais de préciser davantage les critères cliniques de ces affections, afin de travailler à l’aide de ces nouveaux tests et d’en comprendre les différences subtiles(3).

  • (1) La génétique moléculaire est désormais enseignée dans les quatre écoles vétérinaires et une consultation spécialisée est organisée depuis 2005 à Alfort.

  • (2) Notamment le Recueil d’actualités sur les tests ADN (édition annuelle Sferov) et l’ouvrage de G. Chaudieu, Affections héréditaires oculaires chez le chien (éditions Point vétérinaire, 2004).

  • (3) Cet article ne tient pas compte des tests d’identification, de prédiction des couleurs de robes ni de caractérisation des races. Le tableau complet des tests génétiques disponibles chez le chien est consultable sur le site WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’articles”.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 – H.F. Farias : « An ADAMTS17 splice donor site mutation in dogs with primary lens luxation », Inv. Opht. Vis. Sci., avril 2010.
  • 2 – C.S. Mellersh : « Mutation in HSF4 is associated with hereditary cataract in the australian shepherd », Vet. Opht., 2009, vol. 12, n° 6, pp. 372-378.
  • 3 – C.S. Mellersh : « Identification of mutations in HSF4 in dogs of three breeds with hereditary cataracts », Vet. Opht., 2006, vol. 9, n° 5, pp. 369-378.
  • 4 – B. Zangerl : « Identical mutation in a novel retinal gene cause progressive rodcone degenaration in dogs and retinitis pigmentosa in humans », Genomics, 2006.
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