Le choix des antibiotiques utilisés s’inscrit dans le cadre du développement durable - La Semaine Vétérinaire n° 1399 du 02/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1399 du 02/04/2010

Laboratoires d’analyses. Deuxièmes rencontres de l’AFLABV

Actualité

Auteur(s) : Nathalie Devos

« Céphalosporines de 3e génération et fluoroquinolones : seulement en cas de nécessité réelle », indique l’Afssa.

Le consensus semble maintenant bien admis. L’administration à long terme d’un antibiotique est liée à l’émergence et à la diffusion de l’antibiorésistance. C’est ce qu’ont confirmé médecins et vétérinaires lors des deuxièmes rencontres de l’Association française des laboratoires d’analyses de biologie vétérinaire (AFLABV)(1), le 23 mars dernier à Paris. Vincent Jarlier, président de l’Observatoire national de l’épidémiologie de la résistance bactérienne aux antibiotiques (Onerba) et médecin à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, a cité quelques exemples en médecine humaine, comme la résistance de Streptococcus pneumoniae aux -lactamines, qui est passée d’un niveau quasi nul à près de la moitié des souches de 1984 à 1998, ou encore la hausse du nombre d’infections par des entérobactéries BLSE(2) dans les hôpitaux français depuis 2002. Celles dues aux Escherichia coli BLSE ont ainsi augmenté d’un facteur 8 entre 2002 et 2008. En 2009, le taux de ces bactéries résistantes aux céphalosporines de 3e génération était supérieur à 5 %.

Des certitudes, mais encore beaucoup d’interrogations !

Notre consœur Claire Chauvin (Afssa de Ploufragan) confirme le phénomène en productions animales. « Même s’il n’y a pas un état des lieux précis dans ce type de production, des études expérimentales, des observations en élevage et les plans de surveillance en abattoir confirment le lien entre l’usage des antibiotiques et l’émergence de résistance. » Elle souligne que le type de production (densité et durée d’élevage), la dose et la fréquence des traitements influent sur l’émergence de résistances. Toutefois,desinterrogations persistent. « La prévalence de l’antibiorésistance face à un antibiotique en élevage est-elle linéaire, sigmoïde ou à effet seuil au cours du temps ? Faut-il, pour y faire face, alterner les antimicrobiens d’une bande à une autre ? Privilégier dans certains cas les traitements individuels par rapport aux collectifs ? Faut-il réaliser systématiquement des antibiogrammes, sachant qu’ils peuvent avoir un effet pervers en orientant le traitement vers les molécules les plus performantes qui sont souvent les plus récentes ? » Il faut aussi s’interroger sur la possibilité que la séparation entre prescription et délivrance, comme c’est le cas dans certains pays du nord de l’Europe, puisse ounonchanger la donne en termes de choix d’antibiotique.

« Il est essentiel de comparer les données épidémiologiques humaines et animales »

Cette interrogation est partagée par notre confrère Pascal Sanders (Afssa de Fougères). Il ajoute que la dissémination de l’antibiorésistance autour des productions animales est possible via le contact direct, l’alimentation, mais aussi l’environnement. Dans les boues d’épuration, l’activité antibiotique continue, ce qui crée une pression de sélection pour les bactéries présentes dans l’environnement. « Cependant, il ne s’agit pas de jeter la pierre aux productions animales : nous partageons plus de flore avec un chien ou un chat qu’avec un poulet ! », insiste-t-il. Ainsi, il estime que l’animal de compagnie, également réservoir de souches résistantes, devrait faire l’objet de plus de surveillance. En outre, il ne s’agit pas que médecins et vétérinaires se renvoient la “faute”, mais coopèrent, sachant que parmi toutes les familles d’antibiotiques disponibles, neuf leur sont communes. Il faut donc les gérer intelligemment, ensemble, souligne Pascal Sanders. Un bon sens que partage Vincent Jarlier, médecin. « Il est essentiel de comparer les données épidémiologiques et d’étudier les mécanismes de résistance des germes observés en médecine humaine et chez les animaux : s’agit-il des mêmes gènes de résistance, des mêmes intégrons pour une même espèce bactérienne ? Les résistances observées en santé animale et en santé humaine me semblent davantage liées à une coévolution qu’à une conséquence directe de l’usage des antibiotiques dans les élevages. »

Pas de « vrais nouveaux » antibiotiques dans les dix ans à venir

Vincent Jarlier indique par ailleurs « qu’il n’y aura pas de mise sur le marché de “vrais nouveaux” antibiotiques dans les dix ans à venir ». Il avance plusieurs raisons : la fusion de laboratoires pharmaceutiques qui désamorce l’effet de concurrence, la moindre rentabilité des antibiotiques, administrés sur un court délai, par rapport à d’autres médicaments souvent utilisés à vie pour les maladies chroniques. Il souligne aussi que la mise sur le marché d’un “vrai nouvel” antibiotique s’inscrit dans le cadre du développement durable (il est gardé “en réserve” au cas où l’arsenal antibiotique actuel deviendrait dans certains cas inefficace). Dans cette optique, « il est primordial de ne prescrire des céphalosporines de 3e génération et des fluoroquinolones qu’en cas de nécessité réelle, afin de maintenir notre arsenal thérapeutique le plus longtemps possible », ajoute Pascal Sanders (la consommation vétérinaire des fluoroquinolones a été multipliée par deux en dix ans).

« En médecine humaine, les campagnes de sensibilisation menées pour prévenir l’apparition de souches résistantes sont importantes, remarque également Vincent Jarlier. Celle qui a été lancée en 2001, “Les antibiotiques, c’est pas automatique”, a porté ses fruits. »(3) En France, elle a abouti à une réduction moyenne d’environ 25 % de la prescription et de la consommation humaine d’antibiotiques (surtout chez les enfants de zéro à six ans et leurs parents) durant la période 2001-2006. Parallèlement, pendant le même temps, une diminution de la résistance des S. pneumoniae a été observée. En santé animale, la problématique est plus difficile à appréhender !

  • (1) Son président est Jean Dudouyt et son trésorier Serge Vélu.

  • (2) Les -lactamases à spectre élargi, ou BLSE, sont des enzymes produites par les bacilles à Gram négatif hydrolysant les céphalosporines de 3e génération (C3G) et l’aztréonam.

  • (3) E. Sabuncu et coll. : « Significant reduction of antibiotic use in the community after a nationwide campaign in France, 2002-2007 », Plos Medicine, juin 2009.

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