« La France mène un combat d’arrière-garde » - La Semaine Vétérinaire n° 1399 du 02/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1399 du 02/04/2010

Directive “services”. Une clinique Merry Vets à Toulouse

Actualité

Auteur(s) : Marc Pouiol

Pour la première fois en France, un vétérinaire exerce sous l’enseigne d’une société anglaise. Itinéraire d’un praticien qui milite pour faire l’Europe des vétérinaires.

Merry Vets, le must pour votre companion. » Une enseigne et un slogan à consonance anglaise s’affichent sur la façade de la clinique installée, depuis novembre 2009, dans un quartier de l’ouest toulousain, par Michel Gourmelon (T 85). Une enseigne qui intrigue la profession car, pour la première fois en France, un vétérinaire travaille dans le cadre d’une société anglaise, alors que la directive “services” n’est pas encore transposée en droit français.

Une société londonienne, des locaux toulousains

Que se cache-t-il donc derrière la façade bleue de cette structure vétérinaire conçue comme une boutique ? Un lieu plutôt accueillant où attend un vétérinaire bien français. œil malicieux et allure décontractée, le praticien ne le nie pas : il s’agit bien des locaux d’une société anglaise qu’il a créée lui-même outre-Manche. « J’exerce dans le respect de la législation française, en tant que libéral, comme tous mes confrères. Simplement, je loue les locaux à la société Merry Vets, comme le font beaucoup de praticiens dans le cadre d’une SCI, par exemple. » Un statut que Michel Gourmelon aimerait faire évoluer, persuadé que la France s’empresse de faire traîner l’application de réglementations d’ores et déjà opposables partout dans l’Union européenne, selon lui. « J’aurais voulu pouvoir devenir, à Toulouse, salarié de ma propre société, montée à Londres. Mais cela n’est pas encore possible. Et je ne comprends pas pourquoi, car nous y viendrons, c’est inéluctable. »

Une expérience et un choc en terre britannique

Pourquoi ce vétérinaire, qui exerçait dans la banlieue toulousaine jusqu’en 2008, est-il parti en terre britannique découvrir d’autres horizons pour la pratique vétérinaire ? « Arrivé à la cinquantaine, je me suis dit que ce serait bien de bouger et d’aller voir ailleurs. Je suis parti en Angleterre par hasard. J’avais mis mon CV sur Internet, sans projet bien défini. Une chaîne de cliniques du pays de Galles m’a contacté et j’ai commencé à me rendre sur place, par périodes. »

Entre-temps, Michel Gourmelon revenait exercer à Toulouse. Mais le contexte britannique l’a rapidement séduit. « J’ai eu un choc en découvrant la manière d’exercer et de gérer les cliniques là-bas. Cette structure, ouverte à différents capitaux, avait plusieurs satellites, dont certains gérés par des non-vétérinaires. Entre la gestion et les soins, la séparation était claire et ne posait aucun problème. Le responsable médical restait le vétérinaire, qui disposait d’une assurance nominative personnelle. Son indépendance et sa liberté étaient respectées. »

En France, « on préfère nier ou déguiser l’aspect commercial de notre profession »

A la suite de cette expérience, Michel Gourmelon travaille dans différentes structures, chez des libéraux et au sein de chaînes plus ou moins grandes. En 2009, un groupe important lui propose de prendre la responsabilité d’une clinique londonienne, où il exerce pendant un an.

« Il y a de la place pour tout le monde. Les réticences françaises pour un autre type d’offre de soins sont d’ordre culturel. On préfère nier ou déguiser l’aspect commercial de notre profession qui existe pourtant. L’arrivée de nouveaux actionnaires ou la possibilité de communiquer ne sont pas des obstacles à une bonne pratique. Au contraire. L’important, c’est la qualité du service. Considérons nos cabinets comme des entreprises et nous pourrons faire évoluer l’ensemble de la profession. Ne menons pas des combats d’arrière-garde, de toute façon cette évolution est en marche. »

Fin 2009, le vétérinaire voyageur lance la société Merry Vets qui fait de la prestation de services pour le groupe anglais Best Friends. Puis Michel Gourmelon ressent l’appel du pays et se dit qu’il n’y a désormais plus d’obstacles à s’installer dans un autre état européen. Alors il met en place une filiale de sa société à Toulouse, dont il pense devenir salarié. C’est le premier cas de ce type sur le territoire français. Ce ne sera pas si simple. « Je me suis heurté à un blocage du Conseil de l’Ordre, qui a fait pression pour empêcher une centrale de me livrer. Et cela en toute illégalité, sans même posséder les statuts de la société. J’ai alors décidé, en attendant une évolution du droit, d’exercer de façon libérale et de devenir locataire de la société Merry Vets, dont je suis également actionnaire. » Il est en effet interdit aux salariés d’effectuer eux-mêmes des commandes de médicaments auprès des centrales, ce qu’a confirmé l’arrêt Riaucourt du 24 janvier 2007.

Perplexité et interrogations du côté de l’Ordre et du syndicat

Laurent Sauvagnac, président du conseil ordinal de Midi-Pyrénées, dément une quelconque intervention ou pression. « Les centrales sont responsables de ce qu’elles font et l’Ordre n’a rien à voir là-dedans. En revanche, nous attendons en effet toujours les documents concernant le statut précis de cette société. Quant à la directive “services”, l’Ordre ne peut pas inventer sa transcription dans le cadre français. Elle inquiète beaucoup de monde, mais il n’y a pas lieu d’être effrayé. Elle comporte des points intéressants et chaque pays pourra apporter ses adaptations. Pour l’heure, il est difficile de commenter un texte qui n’existe pas encore. »

De son côté, le président du SVEL local, Maurice Amalric, n’est pas non plus inquiet outre mesure, mais se dit perplexe. « La vraie question est de savoir qui pourra investir et à quelle hauteur. A moins de 50 %, cela ne changera rien. Au-delà, le problème du pouvoir de décision se posera. D’autant que les investisseurs voudront développer le marketing. »

Un second site ouvrira en avril dans une commune voisine

Depuis janvier dernier, Michel Gourmelon exerce normalement et entretient de bonnes relations avec ses confrères. Début avril, Merry Vets louera des locaux à un autre vétérinaire, dans la commune voisine de Tournefeuille. Un second site ouvrira alors à l’enseigne de la société anglaise. « Je voudrais contribuer à faire évoluer le système, explique le vétérinaire qui a transmis une requête au ministère. Ce qui se fait en Angleterre va se généraliser. Il faudrait mettre en place un code de conduite européen et une instance de type ordinal, mais qui n’interviendrait pas sur toutes les questions liées à l’aspect commercial. Il est temps d’aller de l’avant et de faire l’Europe. »

Le Conseil de l’Ordre sur ses gardes

Contacté par La Semaine Vétérinaire, le président de l’Ordre, Christian Rondeau, aborde cette affaire avec circonspection. Il rappelle que tant que la transposition du texte européen n’est pas complète, seul le droit actuel s’applique. « Nous ferons toute la lumière dans ce dossier. La réalité de sa situation juridique reste aujourd’hui à démontrer, tant sur le plan déontologique que judiciaire. »

Du côté de la transposition justement, les propositions d’évolution du Code de déontologie faites par l’Ordre et transmises à la DGAL puis à la Commission européenne sont en phase d’évaluation mutuelle entre les Etats de l’Union. « Quoi qu’il arrive, prévient Christian Rondeau, il ne faut pas attendre de modifications législatives ou réglementaires avant la fin du second semestre. » En attendant, la pression monte.

Nicolas Fontenelle
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