La médecine ethno-vétérinaire suscite l’intérêt de la communauté scientifique - La Semaine Vétérinaire n° 1398 du 26/03/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1398 du 26/03/2010

Traditions africaines

Éclairage

INTERNATIONAL

Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois

Les plantes médicinales sont une ressource clé pour la plupart des éleveurs des pays en voie de développement.

Dans les zones rurales, une grande partie de la population dépend des remèdes traditionnels pour soigner les hommes comme le bétail, en raison notamment du manque d’infrastructures et du coût des médicaments importés. « Si les plantes médicinales sont peu utilisées pour les animaux aux Etats-Unis, à l’exception de quelques soins alternatifs, elles sont largement employées en première intention dans les pays en voie de développement, souligne notre consœur Ronette Gehring, de l’université du Kansas. Les plantes locales sont ce à quoi les gens ont accès. »

A travers le monde, les sociétés qui possèdent une longue tradition d’élevage ont développé un savoir en matière de zootechnie et de médecine traditionnelle. La médecine ethno-vétérinaire est définie comme « le savoir des populations locales concernant la santé et la production animales ». Elle repose sur des connaissances empiriques nées de l’association étroite entre les hommes, les animaux et leur environnement. Il s’agit d’un ensemble de remèdes, d’origine végétale pour la plupart, de pratiques de gestion, mais aussi de méthodes chirurgicales rudimentaires, pour le traitement des plaies et des fractures, et de formes de vaccination.

Alors que la médecine moderne classe les affections selon leur origine et repose sur l’identification d’agents pathogènes, la médecine vétérinaire traditionnelle distingue surtout des symptômes et des observations épidémiologiques. L’affection est en outre fréquemment attribuée à une cause surnaturelle ou magique, ce qui a souvent conduit les scientifiques à rejeter ces connaissances.Cependant, elles sont fondées sur une expérience multi-générationnelle, qui a permis la progression solide des connaissances par essai-erreur et une observation attentive.

Combiner médecine vétérinaire, anthropologie et conservation

L’étude détaillée des médicaments et des techniques traditionnelles est indispensable pour identifier celles qui ont une valeur thérapeutique réelle. A l’heure actuelle, une attention croissante est portée aux connaissances ethno-vétérinaires et aux pratiques vétérinaires locales. Elle s’explique notamment par une tendance à la disparition des traditions, qui rend urgent le recueil de connaissances transmises presque toujours oralement. Le deuxième argument est celui d’une utilisation potentielle à large échelle, permettant une production nationale de plantes médicinales à un coût bien inférieur à celui des produits importés. En outre, la découverte de molécules efficaces offre des perspectives pour une exploitation commerciale internationale, après l’isolation et la modification chimique des composés pour accroître leur valeur médicinale et réduire les effets toxiques.

Seule une faible proportion de ces plantes médicinales a été analysée pour leur activité biologique ou leurs effets toxiques. Le recueil des informations ethno-vétérinaires nécessite des compétences à la fois en médecine vétérinaire et en anthropologie. Un vaste travail d’enquête auprès des éleveurs ou des guérisseurs traditionnels permet de compiler des données sur le nom commun local, la partie de la plante utilisée, le mode de préparation et d’administration et la valeur médicinale. C’est là que les connaissances anthropologiques entrent en jeu, afin de ne pas se tromper de cible, au risque de recueillir une information incomplète. Ainsi, dans les communautés où il existe une division du travail, les hommes qui surveillent les troupeaux ont une bonne connaissance des pratiques d’élevage et des facteurs environnementaux qui favorisent certaines maladies. Les femmes, quant à elles, peuvent acquérir une connaissance fine des aspects pathologiques ou de la prévalence d’une affection subclinique lorsqu’elles sont en charge de la préparation de la viande. Les guérisseurs peuvent être plus réticents à divulguer des connaissances fondées sur le secret.

Des centaines de remèdes traditionnels en Afrique du Sud

Un groupe de chercheurs de l’université du Kansas a présenté récemment ses recherches sur l’utilisation des plantes locales en santé animale en Afrique du Sud. La richesse de cette région sur les plans culturel et botanique en fait un environnement idéal pour étudier les plantes utilisées en médecine ethno-vétérinaire.Une base de données spatiales a été mise en place grâce au travail conjoint de vétérinaires et d’anthropologues pour comprendre les aspects cliniques et linguistiques, et d’écologues pour les aspects relatifs à la conservation de ces plantes médicinales. Cette collaboration a permis de recenser cent soixante-dix-sept plantes, fournissant cinq cent six remèdes. Au total, quatre-vingt-un symptômes (parasitisme intestinal, plaies, diarrhée, dystocie, etc.) trouvent une réponse parmi ces remèdes.

Une stratégie durable pour le contrôle des maladies

Selon notre confrère David Sherman, la médecine ethno-vétérinaire a une place à prendre dans la mise en place des programmes communautaires de santé animale, en particulier dans les zones rurales. L’adhésion des communautés locales se heurte souvent à une dépendance vis-à-vis des réseaux de distribution de médicaments d’origine étrangère. Les problèmes logistiques aboutissent régulièrement à un approvisionnement aléatoire, qui met à mal la crédibilité du programme. Lorsque les traitements sont indisponibles ou trop onéreux, ces programmes ne proposent aucune solution alternative aux éleveurs.

Les experts techniques et l’aide financière extérieure ont souvent introduit de nouvelles technologies au détriment des pratiques traditionnelles. Elles ont souvent dû être abandonnées par manque d’expertise technique disponible localement, en raison d’un coût trop élevé, de l’indisponibilité des produits nécessaires ou encore du refus ou de l’incapacité des éleveurs locaux à payer. Les bains antitiques pour l’immersion du bétail en Afrique en sont l’un des meilleurs exemples.

« Dans ce contexte, la médecine ethno-vétérinaire doit être considérée comme une alternative valable à la médecine moderne, selon David Sherman. Les efforts pour le développement de services vétérinaires moins coûteux doivent se concentrer sur la richesse floristique et culturelle locale. En offrant une solution moins chère et facilement accessible, l’utilisation des connaissances ethno-vétérinaires, après une validation scientifique, serait un moyen d’accroître la productivité du bétail, en instaurant un moyen de contrôle durable des maladies courantes, notamment parasitaires, qui entraînent des pertes de production. »

La valorisation de ces remèdes traditionnels doit s’accompagner d’un souci de préservation de la flore. La diversité des plantes médicinales clés est menacée par l’urbanisation, la déforestation et la surexploitation. Certaines pratiques de récolte sont destructrices pour la plante et ne permettent pas une exploitation durable. Il est indispensable d’identifier des stratégies de conservation des espèces exploitées. Des recherches sont nécessaires pour sauvegarder les ressources biologiques et culturelles qui contribuent à la santé et au bien-être des animaux et des hommes.

SOURCES

• www.k-state.edu

• R. Gehring et coll. : « A spatial database of ethnoveterinary medicinal plant use in and around the greater Limpopo transfrontier conservation area », conférence présentée lors du symposium sur les questions africaines de l’université du Kansas, du 30/3 au 1er/4/2009.

• D.M. Sherman : « Tending animals in the global village : a guide to international veterinary medicine », Blackwell Publishing, 2002.

• www.metafro.be/prelude : banque de données Prélude.

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