Le traitement d’un abcès dentaire chez le lapin est de préférence chirurgical - La Semaine Vétérinaire n° 1397 du 19/03/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1397 du 19/03/2010

Dentisterie

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Pascaline Pey

Un traitement conservateur peut être proposé, mais il est risqué et source de rechute. La plupart du temps, il aboutit finalement à une intervention chirurgicale.

La principale cause de problèmes dentaires chez les animaux dont les dents ont une croissance continue est une alimentation inappropriée. Chez le lapin, les abcès dentaires peuvent aussi être dus à une perforation de la muqueuse. Elle survient à la suite d’une excroissance dentaire (assez fréquente, mais relativement facile à traiter, car l’extension n’est généralement pas catastrophique), d’une maladie dentaire périodontique (due à la présence de petits corps étrangers coincés autour d’une couronne dentaire trop longue), endodontique (le plus souvent causée par une coupe excessive des dents ou par un quelconque traumatisme) ou, plus rarement, en raison d’une plaie externe.

Le siège exact de l’infection est souvent difficile à identifier

A l’inspection, il est aisé de constater un élargissement de l’os mandibulaire, une exophtalmie ou des décharges nasales. L’abcès peut provenir d’une dent incisive ou de la dent de joue. Il est souvent difficile d’identifier le siège exact de l’infection. A l’ouverture de la bouche, des croissances dentaires excessives, des fractures, des caries, des résorptions, des collections liquidiennes, des dents mobiles, etc., peuvent être visualisées. Pour poursuivre l’exploration, il est possible de réaliser des examens radiographiques (vues latérales, obliques, dorso-ventrales et intra-orales). La radiographie permet l’identification de la lésion et son extension, donc d’établir un pronostic. Il convient de rechercher des zones de radiotransparence bordant les racines dentaires au sein de l’os alvéolaire, ainsi qu’un aspect hétérogène des dents, l’absence de dents, la présence de gaz au sein du gonflement tissulaire (présence de bactéries gazogènes). Un examen tomodensitométrique est également réalisable : il offre une visualisation optimale en trois dimensions du siège de l’infection et dans différentes fenêtres. Son coût élevé écarte malheureusement cette technique de choix des prescriptions de routine, pour la réserver au propriétaire motivé.

La dent pathologique étant la cause de l’abcès, il est impératif de l’extraire

Le traitement chirurgical consiste en l’extraction de la dent pathologique. Les principes de base sont les mêmes que pour les autres espèces : réalisation de radiographies préopératoires, nettoyage de la bouche, utilisation d’instruments stériles, faire preuve de patience et ne pas recourir systématiquement à la force.

Il est important d’effectuer une mise en culture bactériologique et un bactériogramme à partir de la dent et de la paroi de l’abcès. Les abcès dentaires du lapin contiennent des bactéries périodontales (Fusobacterium nucleatum, Prevotella spp., Peptostreptococcus micros, Actinomyces israelii, etc.). En revanche, Pasteurella multocida n’est pas isolé dans les abcès dentaires. Tous ces germes ont une sensibilité de 100 % à la clindamycine et de 96 % à la pénicilline et au ceftriaxone. En revanche, ils ne répondent au sulfamide-triméthoprime que dans 7 % des cas, et à la ciprofloxacine dans 54 % des cas. Les antibiotiques doivent être utilisés en parallèle au traitement chirurgical. Seuls, ils garantissent la plupart du temps un échec thérapeutique (pénétration difficile dans les tissus dentaires et spectre bactérien parfois inadapté). Il est dangereux de les utiliserà l’aveugle (sélection de bactéries anaérobies). Toutefois, un traitement conservateur peut être proposé, mais il est risqué et source de rechute (voir encadré).

Un traitement antibiotique local est parfois nécessaire

Les abcès de la face sont complexes à traiter chirurgicalement. En effet, il est souvent impossible de retirer la totalité de la paroi de l’abcès. Il faut donc associer un traitement adjuvant local. Les perles en polyméthacrylate de méthyl (PMMA) peuvent alors être employées. Elles permettent le relargage continu et lent d’antibiotiques localement. Il est possible d’effectuer soi-même la “mixture” antibiotique. Il suffit pour cela de mélanger l’antibiotique avec une poudre copolymérique avant d’ajouter le liquide monomérique. Puis le mélange est placé dans une seringue et est étalé sur une aire stérile. Il peut ensuite être coupé en plusieurs morceaux pour le placer sur la zone à traiter. Par exemple, de la céfazoline (2 g/20 g) pourra être mélangée à de la poudre de ceftiofur (2 g/20 g). Dans la littérature, les perles en PMMA sont décrites comme particulièrement efficaces avec les céphalosporines et la clindamycine. En revanche, les résultats sont décevants pour le chloramphénicol. Septopal®(1), la forme commercialisée, emploie de la gentamycine.

Une solution alternative de traitement adjuvant est le Duracoll®(1). Il s’agit de plaques de collagène bovin mélangé à de la gentamycine. L’avantage majeur est qu’il est facile à travailler et à appliquer. En revanche, son coût est élevé (environ 100 € pour une plaque). De plus, la gentamycine ne correspond pas toujours au spectre. Doxyrobe® gel, qui n’est plus commercialisé en Europe, contient de la doxycycline et est rapporté comme efficace.

Les drains imbibés de dextrose ou de miel peuvent aussi être employés, mais n’ont démontré leur efficacité que dans la gestion des abcès de petite taille, par exemple ceux dus à une lacération de la muqueuse buccale par des dents trop affûtées. L’hydroxyde de calcium est noté comme efficace. En revanche, il entraîne des nécroses qui s’étendent aux tissus voisins. Il est donc déconseillé de l’utiliser à cette fin.

Ne pas oublier l’analgésie et la prévention de l’iléus

La mise en place d’une analgésie est obligatoire pour un bon déroulement de la phase postopératoire. Le lapin doit pouvoir s’alimenter correctement par la suite. L’anorexie est prohibée (perturbation de la flore intestinale qui entraîne un iléus fonctionnel). Les analgésiques à utiliser sont le méloxicam (0,2 à 0,3 mg/kg/j, per os), la buprénorphine (0,01 à 0,05 mg/kg, par voie sous-cutanée ou intraveineuse, deux à quatre fois par jour) et le butorphanol (0,1 à 0,5 mg/kg par voie sous-cutanée ou intraveineuse, toutes les deux à quatre heures). Des molécules qui favorisent la motricité gastro-intestinale sont également recommandées : cisapride (0,5 mg/kg per os, une à trois fois par jour), métoclopramide (0,5 mg/kg toutes les huit heures, par voie sous-cutanée).

  • (1) Pharmacopée humaine.

CONFÉRENCIÈRE

Leen Verhaert, diplomate de l’European Veterinary Dental College, praticienne à Hove, consultante à l’université de Gand (Belgique).

Article rédigé d’après la conférence « Dental abcess in rabbits : medical or surgical treatment ? », présentée au congrès Fecava 2009, à Lille.

Traitement conservateur

Le protocole “bicilline” ne doit être appliqué qu’en cas de refus de la chirurgie.

La préparation contient 150 000 unités de benzathine pénicilline G et de pénicilline G procaïne, soit 300 000 unités par millilitre :

– 0,25 ml (75 000 unités) injectés par voie sous-cutanée une fois par jour si le lapin pèse moins de 2,5 kg ;

– 0,5 ml (150 000 unités) par voie sous-cutanée une fois par jour si le lapin pèse plus de 2,5 kg.

Après huit semaines de traitement, une injection est réalisée tous les trois jours durant quatre autres semaines.

Attention, la pénicilline génère des effets secondaires indésirables bien connus (dysenterie à Clostridium). Il convient de l’utiliser avec précaution chez les animaux qui présentent des troubles intestinaux chroniques. Il faut également toujours prévenir le propriétaire des risques encourus. Le traitement conservateur ne doit être effectué qu’en dernier recours, si le propriétaire refuse l’intervention chirurgicale.

P. P.
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