L’insémination artificielle féline est désormais possible - La Semaine Vétérinaire n° 1395 du 05/03/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1395 du 05/03/2010

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Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Emmanuel Fontaine*, Alain Fontbonne**

Fonctions :
*Centre d’études en reproduction des carnivores (Cerca), école vétérinaire d’Alfort.
**Centre d’études en reproduction des carnivores (Cerca), école vétérinaire d’Alfort.

Une technique simple qui permet de cathétériser le col de l’utérus vient d’être décrite, ouvrant la porte de l’insémination artificielle féline aux cliniques vétérinaires.

Pratiquer des inséminations artificielles chez la chatte. Cette idée peut surprendre de prime abord, surtout au vu des stratégies actuelles qui visent plutôt à limiter la population féline. L’essor du chat de race est pourtant bien réel et les professionnels sont demandeurs d’outils qui leur permettraient de diversifier leur travail de sélection. Aussi, depuis le début des années 2000, les travaux relatifs à la reproduction assistée dans l’espèce féline fleurissent. Ce qui semblait relever de l’utopie il y a peu s’affirme aujourd’hui comme une pratique bien réelle, propre à se développer dans les cliniques… La réussite d’un tel protocole nécessite cependant de satisfaire trois conditions : savoir récolter et utiliser la semence du mâle, savoir où et comment la déposer dans le tractus génital femelle et savoir quand réaliser la procédure.

Récolter la semence chez le mâle : une procédure désormais accessible

Le prélèvement de la semence chez le chat peut paraître ardu. En effet, si la récolte par masturbation est bien décrite dans le cas d’animaux entraînés, elle semble difficilement réalisable dans le contexte purement clinique d’une structure vétérinaire, en raison du stress potentiel induit. Des alternatives fiables existent, qui permettent de garantir la répétabilité et la fiabilité de l’opération.

L’électroéjaculation est aujourd’hui la technique de choix. Les voies nerveuses de l’éjaculation sont alors stimulées à l’aide d’impulsions électriques délivrées par une sonde, introduite sur environ 8 cm dans le rectum de l’animal (voir photo 1). La procédure, fondée sur trois séries de stimulations, se réalise sous anesthésie (le choix se porte généralement sur un protocole fixe associant kétamine et médétomidine). Un cathéter inséré dans la partie proximale de l’urètre, relié à un tube en plastique, permet de récupérer la semence entre chaque série. L’éjaculat complet, comprenant le sperme et les sécrétions des glandes accessoires comme la prostate, est ainsi récupéré, d’où un volume généralement compris entre 0,1 et 0,3 ml.

Partant du fait que l’éjaculation est un mécanisme à médiation α-adrénergique, une équipe italienne a montré que le prélèvement est également possible en utilisant de la médétomidine à la posologie de 140 µg/kg par voie sous-cutanée (Zambelli et coll., 2006). Il n’y a pas une réelle éjaculation, mais il en résulte un flux passif dans les voies génitales qui permet, à l’aide d’un cathéter urinaire introduit sur 8 cm dans l’urètre, de récupérer la semence (voir photo 2). En revanche, le volume récolté est particulièrement faible, de l’ordre de 10 µl, car dépourvu de la fraction correspondant aux glandes accessoires. La semence doit alors être impérativement diluée pour pouvoir prétendre à une utilisation correcte (0,2 à 0,3 ml). Du NaCl à 0,9 % à 37 °C peut être utilisé à cet effet, puisque son osmolarité n’affecte pas les caractéristiques de la semence.

Une méthode d’insémination intra-utérine est décrite

Pour obtenir 80 % de chattes gestantes en déposant la semence directement dans le vagin des animaux, procédure la plus facile et réalisable sans anesthésie avec une simple sonde urinaire (voir photo 3), l’éjaculat devrait contenir au moins 80 millions de spermatozoïdes. Le problème est que l’éjaculat moyen d’un chat n’en contient que 8 à 10 millions… Des résultats comparables peuvent cependant être obtenus, mais à une condition : les déposer directement dans l’utérus.

L’anatomie du vagin de la chatte a longtemps constitué un souci. Si sa partie caudale approche les 10 mm de diamètre, sa partie craniale avoisine 1 mm et reste inaccessible pour la majorité des techniques d’insémination utilisées en routine chez les autres espèces… L’insémination par voie chirurgicale (voir photo 4) est donc longtemps restée la solution de choix, la semence étant déposée après une laparotomie dans les cornes utérines. Le caractère invasif de cette méthode a constitué un frein au développement de cette pratique.

Plusieurs équipes se sont donc penchées sur des procédés d’insémination intra-utérine visant, comme chez la chienne notamment, à cathétériser le col de l’utérus. Une nouvelle fois, les travaux de l’équipe italienne du professeur Zambelli ont posé les bases du renouveau. Ils ont utilisé un cathéter urinaire pour chat sur lequel était montée une aiguille métallique à bout arrondi (similaire à celles employées en ophtalmologie) de façon à en rigidifier l’extrémité pour favoriser le cathétérisme utérin. Après avoir anesthésié l’animal, l’opérateur pouvait, par palpation transrectale, localiser le col de l’utérus et guider la sonde pour cathétériser le col utérin (Zambelli et Cunto, 2005). Cette technique intéressante n’était cependant pas facile à reproduire en pratique. Ainsi, alors qu’ils rapportaient 80 % de succès chez des chattes en anœstrus, seulement 22 % des femelles en œstrus étaient cathétérisées avec succès…

Nous avons récemment proposé d’améliorer cette technique par l’utilisation d’une sonde urinaire rigide pour chat (Fontaine et coll., 2009). D’une longueur de 18 cm et d’un diamètre externe de 1 mm, sa rigidité permet une manipulation aisée dans le tractus génital tout en autorisant le passage du col de l’utérus (voir photo 5). Reprenant la technique décrite par Zambelli, nous sommes parvenus à passer dans l’utérus chez 75 % des chattes en œstrus. La sonde étant aisément palpable et manipulable, et le col de l’utérus facilement identifiable par voie transrectale, cette méthode se révèle facile à maîtriser. Elle ouvre aujourd’hui les portes de l’insémination artificielle à toutes les cliniques vétérinaires.

Les bases du suivi de chaleurs chez la chatte sont à améliorer

S’il est possible de suivre les chaleurs et de déterminer de façon précise le moment de la mise à la reproduction chez la chienne, qui présente une ovulation spontanée, plusieurs questions restent en suspens chez la chatte, à ovulation provoquée. Néanmoins, les données de la littérature posent les premières bases concernant la réalisation pratique d’un tel suivi.

De nombreux auteurs recommandent de provoquer l’ovulation trois jours après le début des chaleurs. De plus, des échographies ovariennes réalisées chez des abyssins ont récemment confirmé (au moins chez cette race) que la taille maximale des follicules ovariens (environ 0,3 cm de diamètre) est atteinte dans ce laps de temps (Malandain et coll., 2006). Des variations interraciales (comme celles connues chez la chienne) existent vraisemblablement : les follicules sont peut-être plus développés chez une femelle maine coon, ou de plus petite taille chez des races miniatures comme le singapura. Des travaux complémentaires sont donc nécessaires pour optimiser cette approche, mais l’échographie (notamment grâce à la démocratisation des sondes linéaires de 10 à 12 MHz) se présente comme un outil de choix pour la réalisation d’un tel suivi.

Le coït induit l’ovulation chez la chatte en entraînant, via des récepteurs vaginaux, un pic de LH au niveau hypophysaire. L’utilisation de gonadotrophines à action majoritairement LH-like comme l’hCG (75 à 100 UI, par voie intramusculaire) a longtemps constitué la solution de choix, l’ovulation se produisant dans les vingt-cinq à trente heures suivant l’injection. Ces molécules ont cependant des effets secondaires connus, liés principalement à leur demi-vie particulièrement longue, susceptible de perturber l’environnement endocrinien, donc compromettre la gestation. D’autres approches sont aujourd’hui envisagées. Celles qui se rapprochent le plus de ce qui se passe lors de saillies naturelles ont notre préférence. L’ovulation peut ainsi être obtenue par stimulation vaginale chez la chatte en chaleurs, à l’aide d’un écouvillon vaginal ou d’un coton-tige. Cinq stimulations à une demi-heure d’intervalle (à chaque fois jusqu’à obtention de la réaction postcoïtale spécifique de l’espèce féline) permettent généralement d’obtenir l’ovulation vingt-quatre heures plus tard en moyenne. Quel que soit le protocole choisi, l’insémination sera réalisée vingt-quatre à trente heures après cette induction. Notre expérience montre qu’il est par la suite impératif de contrôler que la chatte a bien ovulé, ce qui est confirmé par une valeur de progestéronémie sanguine supérieure à 5 ng/ml une semaine après la stimulation. En effet, des défauts d’ovulation peuvent être rencontrés chez certaines chattes et constituer une cause d’échec du protocole de reproduction assistée.

Si les données concernant le timing de l’ovulation et de l’insémination nécessitent d’être précisées, les bases (la récolte de la semence et l’insémination intra-utérine) sont désormais posées. Il est aujourd’hui facile d’acquérir un électro-éjaculateur et les échographes sont de plus en plus répandus. Tous les éléments sont donc rassemblés pour que ce nouvel outil se développe dans les clientèles. La demande est bien réelle et l’avènement de techniques comme la réfrigération et la congélation de semence, sur laquelle travaillent plusieurs équipes, pourrait bien la décupler…

BIBLIOGRAPHIE

  • • E. Fontaine, F. Vannier, A. Gerardin, E. Leblond, A. Fontbonne : « Adaptation of a new technique for transcervical insemination in the queen », proceedings du 6e symposium annuel de l’EVSSAR, Pologne, 2009.
  • • E. Malandain, D. Rault, E. Froment, S. Baudon, D. Begon et S. Chastant-Maillard : « Croissance folliculaire et ovulation chez la chatte », Bull. Acad. Vet. de France, 2006, vol. 159, n° 2, pp. 113-120.
  • • D. Zambelli et M. Cunto : « Transcervical artificial insemination in the cat », Theriogenology, 2005, vol. 64, n° 3, pp. 698-705.
  • • D. Zambelli, F. Prati, B. Merlo et M. Cunto : « Collection of semen by urethral catheterization after pharmacologically induced spermatozoa releasing in the domestic cat », 5th biannual congress of European Society for Small Animal Reproduction (EVSSAR), Budapest, avril 2006.
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