Du lieu de résidence d’un chien ne dépend pas celui du tribunal compétent - La Semaine Vétérinaire n° 1392 du 12/02/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1392 du 12/02/2010

Compétence territoriale

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Celine Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

Une ordonnance de référé du tribunal d’instance de Fontainebleau du 30 novembre 2009 rappelle que les notions de garde, de visite ou de lieu de résidence, applicables à l’enfant, ne se transposent pas au chien.

Les faits de l’espèce

Mme G a assigné Mme A devant le tribunal d’instance de Fontainebleau afin que lui soit attribuée la détention d’un chien de race golden retriever qu’elle affirme détenir « en copropriété » avec Mme A. En raison de longues périodes de garde de l’animal depuis qu’il est âgé de huit semaines, Mme G a formulé plusieurs demandes devant le tribunal :

– condamner Mme A à restituer le chien, sa résidence étant fixée à son domicile depuis son plus jeune âge ;

– ordonner à Mme A l’acceptation d’un contrat de copropriété fixant par écrit les modalités d’exercice des droits et obligations des parties, ce contrat étant déjà rédigé et proposé au magistrat dans le dossier de Mme G.

La réplique de Mme A est intéressante, car elle ne se fonde pas principalement sur le fond du dossier, mais sur la procédure. En effet, tout en affirmant qu’aucune copropriété n’existe entre elle et Mme G sur le chien, elle met en avant l’argument procédural suivant : Mme G n’a pas saisi territorialement le bon tribunal. Le procès doit donc être déporté sur Clermont-Ferrand, lieu de sa propre résidence.

Deux types de compétence

Il existe deux sortes de compétence en procédure civile : matérielle et territoriale. Celui qui se lance dans une procédure judiciaire doit préalablement déterminer, en application des règles édictées par le Code de procédure civile, quel type de tribunal saisir, puis en quel lieu. Savoir qu’il faut saisir un tribunal d’instance ne suffit pas. Ils sont en effet près de trois cents en France métropolitaine !

En l’espèce, si les parties ne s’opposaient pas sur la compétence du tribunal d’instance, elles n’étaient pas d’accord sur le lieu géographique. Mme G, de la région de Fontainebleau, avait ainsi saisi son propre tribunal et Mme A affirmait, en tant que défendeur au procès, que celui-ci devait avoir lieu dans le tribunal dépendant de sa résidence, c’est-à-dire Clermont-Ferrand.

Soulever l’incompétence ne suffit pas

La partie qui affirme au tribunal qu’il est incompétent ne saurait s’en tenir à soulever cette simple exception de procédure. Aux termes de l’article 75 du Code de procédure civile, la loi impose en effet : « S’il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée. »

Dans l’affaire étudiée ici, se contenter d’affirmer que le tribunal d’instance de Fontainebleau n’était pas compétent n’aurait pas suffi. Mme A avait de ce fait l’obligation de préciser que la juridiction compétente était le tribunal d’instance de Clermont-Ferrand. A défaut, sa demande aurait été jugée irrecevable.

L’exception d’incompétence est toujours soulevée par la partie en défense à l’action. Le contraire n’est pas accepté. Un demandeur n’est donc pas recevable à contester la compétence territoriale de la juridiction qu’il a lui-même saisie (arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 7 décembre 2000).

Incompétence et fond du dossier

Aux termes de l’article 76 du Code de procédure civile, « le juge peut, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond ».

En tout état de cause, la question de la compétence doit être réglée avant que le fond du dossier ne soit abordé. La règle est compréhensible et, sauf exception, il est donc logique de considérer que le tribunal qui se déclare incompétent n’a pas à effectuer le travail du tribunal qui tranchera le litige.

Dans le cas où l’exception d’incompétence soulevée n’est pas fondée ou est déclarée irrecevable, le tribunal initialement saisi doit donc se pencher sur le fond de l’affaire. La partie qui soulève l’incompétence se limite généralement, comme c’est son droit le plus absolu, à conclure sur le côté procédural du dossier sans aborder le fond du litige. Dans une telle hypothèse, et sur le fondement de l’article 76 du Code de procédure civile, le tribunal est alors dans l’obligation de reporter le dossier à une audience postérieure pour permettre aux parties de conclure sur le fond.

Dans le cas d’espèce, la question de la compétence était particulièrement délicate et plaçait le tribunal dans la situation exceptionnelle, décrite par l’article 77 du Code de procédure civile. Ce dernier édicte que « lorsqu’il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d’une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes ».

Dans cette affaire, le tribunal a été confronté à ce problème.

Ainsi, rappelons que si l’article 42 du Code de procédure civile indique que « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur », l’article 46 du même code permet au demandeur de saisir « outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ».

En l’espèce, Mme A affirmait qu’elle avait remis le chien à titre temporaire à Mme G et qu’aucun transfert de propriété n’était intervenu. Pour Mme A, l’affaire ne se situait donc pas en matière contractuelle et la règle de l’article 42 devait s’appliquer. A l’appui de son argumentation, elle citait la jurisprudence selon laquelle « le demandeur n’est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l’article 46 alinéa 2 lorsque l’existence même du contrat se trouve déniée » (cour d’appel de Rennes, 3 mai 1977).

Pour Mme G, le dossier devait s’analyser différemment : le chien lui avait été cédé pour moitié en indivision et il y avait bien eu contrat, même si celui-ci n’était pas écrit. Sur le fondement de l’article 46, elle affirmait donc avoir valablement saisi la juridiction de Fontainebleau, car le chien lui avait été livré sur ce lieu et, de plus, il s’agissait de la résidence de l’animal (adresse figurant sur la carte d’identification).

Décision du tribunal

« Attendu que Mme G, laquelle invoque au soutien de la compétence de la juridiction de proximité de Fontainebleau les dispositions de l’article 46 alinéa 2 du Code de procédure civile, sollicite la condamnation de Mme A à la restitution du chien et demande qu’il soit ordonné à Mme A l’acception d’un contrat de copropriété fixant par écrit les modalités d’exercice des droits et obligations de chacune ;

– attendu cependant qu’il résulte des explications des parties que celles-ci s’opposent sur la nature même de leurs relations et plus précisément sur l’existence d’un contrat, Mme G se prévalant d’un contrat de copropriété ou d’une indivision, Mme A contestant l’existence d’un tel contrat ;

– attendu qu’au-delà du fait que la demanderesse n’explicite nullement à quel titre elle pourrait se prévaloir d’une livraison ou de l’exécution d’une prestation de service sur le ressort de la juridiction de Fontainebleau, il convient dans ces conditions, de considérer que les dispositions de l’article 46 du Code de procédure civile ne sauraient trouver à s’appliquer et ne sauraient être invoquées par Mme G ;

– attendu qu’en tant que de besoin, il convient de préciser que l’argument tiré de la résidence du chien est en l’espèce inopérant ;

– attendu que dans ces conditions, il convient de faire application de l’article 42 du Code de procédure civile ;

– attendu qu’en conséquence, il convient de déclarer la juridiction de proximité de Fontainebleau incompétente au profit de la juridiction de proximité de Clermont-Ferrand. »

Le tribunal a donc suivi la jurisprudence ancienne fondée sur la contestation de l’existence du contrat et ainsi jugé l’impossibilité d’appliquer les dispositions de l’article 46 du Code de procédure civile.

Concernant plus particulièrement les animaux de compagnie, le jugement est particulièrement intéressant, car il rappelle que les textes sur l’enfance ne peuvent pas s’appliquer par extension aux animaux. Il est ainsi inopportun de parler de résidence pour un chien. Déjà dans un arrêt du 11 janvier 1983, la cour d’appel de Paris avait jugé que les notions de visite et de garde sont totalement étrangères aux animaux.

Le fond du dossier sera donc jugé à Clermont-Ferrand. Affaire à suivre…

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