La cytologie et la bactériologie sont des outils précieux - La Semaine Vétérinaire n° 1391 du 05/02/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1391 du 05/02/2010

Pathologie respiratoire féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Masson

Leur interprétation demande une bonne connaissance des populations cellulaires et bactériennes chez le chat sain, afin de ne pas conclure trop hâtivement.

Les affections respiratoires félines peuvent se révéler de véritables défis pour le praticien. Un trio de choc – composé d’Alexandra Briend-Marchal, de Juan Hernandez et de Christine Médaille – a brillamment réussi à “chat-rmer” une salle comble sur ce sujet à Arcachon, en mai dernier.

Le recueil des commémoratifs est important. Juan Hernandez l’a illustré à partir de quelques exemples de chats tousseurs. Chez un main coon qui souffrait de constipation chronique, l’ingestion d’huile de paraffine a provoqué une bronchopneumonie par inhalation. Un chat européen atteint de convulsions a été soigné à l’aide de bromure de potassium. La toux est un effet secondaire produit par le traitement dans cette espèce (Javma, octobre 2002). Il en est de même lors de dirofilariose, cette affection générant de la toux chez le chat. Notre confrère a en outre insisté sur la fréquence de l’asthme chez les siamois, notamment les jeunes.

La nature de la dyspnée oriente vers la localisation de la lésion

Selon le motif de consultation (toux, dyspnée ou les deux), le praticien peut privilégier certaines hypothèses (voir tableau en page 35). Mais un examen clinique général est indispensable : il permettra, par exemple, de mettre en évidence une tumeur digitée ou cutanée, évocatrice d’un carcinome pulmonaire. La nature de la dyspnée est également une source intéressante d’informations. Silencieuse, elle évoque une atteinte intrathoracique pulmonaire (surtout en présence de toux), pleurale, médiastinale ou pariétale. Lors de respiration difficile et bruyante,? il convient de rechercher une obstruction, des cavités nasales jusqu’à la trachée en passant par le larynx.

L’auscultation cardiaque peut ne révéler aucune anomalie (fréquence cardiaque normale ou diminuée et pas de souffle audible), même en cas d’origine cardiaque. A l’auscultation pulmonaire, les crépitements plaident en faveur d’un œdème aigu du poumon, mais surtout d’un asthme félin, surtout si les bruits augmentent après le déclenchement de la toux. Des sifflements sont audibles lors d’obstruction des voies bronchiques. En cas de bronchopneumonie ou de fibrose, l’auscultation est moins caractéristique (crépitements et sifflements). Un jetage nasal purulent bilatéral est parfois observé lors de bronchopneumonie.

La radiographie est incontournable dès qu’une affection thoracique est suspectée. En présence d’images d’épanchement pleural ou de hernie, l’échographie est un examen de choix pour confirmer ou visualiser l’origine de l’affection. L’exploration échographique peut être intéressante face à un carcinome pulmonaire, afin de guider la réalisation d’une ponction ou de biopsies.

Réaliser un examen cytologique sur tout liquide d’épanchement

Devant un épanchement pleural, le premier geste diagnostique est la ponction du liquide. Après l’analyse macroscopique et les mesures de la densité et du taux de protéines, il convient de réaliser un examen cytologique sur tout liquide d’épanchement. Les transsudats sont peu ou modérément cellulaires (polynucléraires neutrophiles, macrophages, cellules mésothéliales). Une hémorragie profonde du tractus respiratoire est consécutive à une tumeur, un traumatisme ou un possible trouble de l’hémostase. Lors de saignement chronique, les hématies s’enrichissent d’une population de cellules inflammatoires composées de polynucléaires neutrophiles et de macrophages érythrophages qui présentent des cristaux d’hématoïdine.

Les exsudats sont riches en cellules, principalement inflammatoires. Lors d’affections purulentes, l’examen cytologique révèle de nombreux polynucléaires dégénérés. Au sein des exsudats inflammatoires non purulents, les polynucléaires conservent leur morphologie.

Les épanchements à dominante lymphocytaire, fréquents chez le chat, sont observés lors de cardiopathies, de compressions ou de ruptures des voies lymphatiques, en cas de réactions à un processus infectieux ou à une tumeur non lymphoïde.

Face à un pyothorax, le clinicien doit non seulement demander une culture aérobie et anaérobie, mais aussi réaliser une cytologie au moment de la ponction. La bactériologie est longue, car les germes présents sont souvent débilités. Une coloration de Gram permet alors d’obtenir des indications. En attendant les résultats, une antibiothérapie par voie parentérale de longue durée est prescrite : les molécules à privilégier sont les fluoroquinolones, associées à la clindamycine ou au métronidazole. En outre, le lavage de la cavité pleurale est un geste indispensable : les pronostics d’une antibiothérapie associée soit à une simple ponction, soit à un drainage sont respectivement de 20 % et 80 % chez le chat. Contrairement à l’espèce canine, la thoracotomie est déconseillée chez les félins (moins de 80 % de guérison).

L’endoscopie est recommandée en cas de suspicion clinique d’obstruction pharyngée, laryngée ou trachéale, ou lors de toute affection tussigène chronique pour laquelle la radiographie montre une atteinte bronchopulmonaire diffuse ou focale compatible avec une bronchite chronique, une infection ou un corps étranger. Devant une masse laryngée, il est important de ponctionner en vue d’une cytologie : il s’agit le plus souvent d’un lymphome « qui réagit bien et rapidement à la chimiothérapie », a précisé notre confrère.

Arrêter le traitement antibiotique quelques jours avant un lavage broncho-alvéolaire

Réalisé à l’aveugle ou lors de l’examen bronchoscopique, le lavage broncho-alvéolaire est riche en renseignements. En raison du risque de bronchospasme associé à sa réalisation, il nécessite un apport en oxygène, un oxymètre et un bronchodilatateur à action rapide (salbutamol ou terbutaline), ainsi qu’une sonde naso-œsophagienne. Il convient d’ajouter un peu d’eau stérile jusqu’à l’obtention d’un liquide mousseux et trouble qui signe la présence de surfactant. L’échantillon fera ensuite l’objet d’une cytologie et d’une bactériologie.

Tout comme la thoracocentèse – un geste diagnostique qui peut aussi se révéler salvateur lors de détresse respiratoire –, le lavage broncho-alvéolaire permet d’orienter, voire d’établir le diagnostic grâce à l’analyse physicochimique, cytologique et bactériologique des prélèvements.

Mieux vaut éviter l’écouvillon (risque d’insuffisance de germes) et préférer des Portagerm®. Afin d’éviter les faux négatifs, il est également important d’arrêter tout traitement antibiotique quelques jours avant la réalisation du lavage et la mise en culture. Les populations bactériennes inférieures à 1 000 UFC/ml doivent être considérées chez le chat comme des faux négatifs.

Lors de lavage broncho-alvéolaire, les cellules sont rapidement dégradées. Ainsi, tout comme avec le liquide céphalorachidien, il est important de conserver les prélèvements au froid jusqu’au moment de l’envoi express par la poste. L’aspect macroscopique du prélèvement doit être noté.

En raison de la faible cellularité, une centrifugation sera réalisée avant l’étalement sur la lame et le séchage à l’air libre, sans fixateur ni lamelle.

L’examen microscopique s’effectue tout d’abord à un faible grossissement (x 100) afin de juger de la cellularité, notée de manière semi-quantitative, et de rechercher des parasites (Aelurostrongylus) et les amas cellulaires. Les grossissements x 500 et x 1 000 permettent ensuite d’observer les proportions cellulaires et leurs caractéristiques.

Connaître l’aspect d’un lavage broncho-alvéolaire normal est nécessaire

Certaines populations cellulaires dominent lors de lavage broncho-alvéolaire chez le chat sain :

– les cellules épithéliales prismatiques ciliées : coloration faiblement basophile avec un noyau bien rond et légèrement excentré ;

– les cellules épithéliales cuboïdes, de forme moins allongée, avec un noyau central sans nucléole et une zone plus rosée dans le cytoplasme ;

– les macrophages alvéolaires, au cytoplasme souvent grisâtre et avec parfois des vacuoles de phagocytose ; ce sont les cellules les plus nombreuses dans le lavage broncho-alvéolaire physiologique.

Il est également possible d’observer des éosinophiles, des lymphocytes matures et des polynucléaires neutrophiles,? voire des cellules trachéales ciliées qui ont un noyau excentré, un cytoplasme allongé et une queue de comète. Il convient de ne pas prendre pour un parasite respiratoire la spirale de Cushman, un agrégat rosé en forme de tortillon qui correspond à une accumulation de mucus dans les bronches.

Lors de contamination oropharyngée du prélèvement, des cellules oropharyngées de grande taille sont observées, avec un noyau central condensé et un cytoplasme abondant, clair et souvent anguleux en raison de la kératinisation. Une bactérie spécifique peut aussi être présente, Simonsiella sp, qui ressemble à un bacille de grande taille.

L’interprétation du lavage est délicate lors de mycobactériose

Lors de bronchite chronique (toux qui dure depuis plus de deux mois), la cellularité est augmentée, notamment la population des macrophages activés (vacuolisés) et jeunes (plus foncés). En milieu enfumé ou urbain, il est possible de voir des dépôts noirâtres dans le cytoplasme, qui correspondent à de possibles polluants inhalés.

Il est possible de conclure à une bronchite éosinophilique lorsque les polynucléaires éosinophiliques, remplis de petites granulations orangées, typiquement en bâtonnets chez le chat, représentent plus de la moitié des cellules du lavage broncho-alvéolaire.? Il convient alors de suspecter une hypersensibilité, un parasitisme ou un complexe éosinophilique.

La bronchite vermineuse (Aelurostrongylus abstrusus) est rare chez le chat. Dans ce cas, le fond du frottis est inflammatoire, voire hémorragique. La pneumonie mycosique est rare et doit faire penser à une immunodépression concomitante.

Lors de pneumonie bactérienne, le fond du frottis est nécrotique et riche en cellules : des cellules épithéliales dégradées sont observées, ainsi que de nombreux polynucléaires plus ou moins dégénérés et des macrophages alvéolaires activés.

L’interprétation est délicate lors de mycobactériose : les mycobactéries ne prennent pas la coloration de May-Grünwald Giemsa. Le cytoplasme du macrophage est modifié, avec une image en négatif. Une coloration de Ziehl modifiée est alors indispensable pour visualiser les bacilles acido-alcoolo-résistants (mycobactéries).

Le carcinome bronchogénique est plus fréquent chez le chien que chez le chat. Le fond du frottis est inflammatoire et plus ou moins hémorragique. Les cellules épithéliales sont groupées en amas et présentent des atypies nucléaires marquées, avec un cytoplasme basophile.

Selon Alexandra Briend-Marchal, « la cytologie seule est rarement diagnostique et l’interprétation des lavages broncho-alvéolaires modifiés nécessite une bonne connaissance de l’aspect normal chez le chat sain ».

L’analyse bactériologique vient compléter celles du lavage broncho-alvéolaire et des liquides d’épanchements pleuraux. Les infections des voies aériennes inférieures sont souvent secondaires ou associées à une affection virale, parasitaire, allergique, par le développement de bactéries opportunistes présentes dans la flore normale ou de bactéries pathogènes facultatives.

La doxycycline est l’antibiotique de choix lors d’infections profondes

Christine Médaille a insisté sur des germes particuliers rencontrés chez le chat lors d’infections des voies aériennes inférieures.

Bordetella bronchiseptica est un coccobacille Gram négatif qui touche plusieurs espèces et est reconnu comme pathogène primaire depuis peu chez le chat.? Peu résistante en milieu extérieur, cette bactérie a une action pro-inflammatoire. Des facteurs environnementaux aggravants sont mis en évidence (surpopulation, jeune âge, stress, contact avec un chien malade). L’excrétion peut durer jusqu’à dix-neuf semaines. Cette bactérie est résistante à la lincomycine et à la clindamycine et, dans un cas sur deux, à la céfalexine. En revanche, elle est généralement sensible à la gentamicine, à l’association amoxicilline/acide clavulanique, aux quinolones, mais surtout à la doxycycline qui est l’antibiotique de choix.

Les mycoplasmes ont un tropisme respiratoire chez le chat.? Ces germes sont difficiles à mettre en évidence et à cultiver. Le diagnostic par polymerase chain reaction (PCR) est possible, mais pas pour l’espèce féline.

Le groupe EF4 est celui des germes de la bouche, souvent rencontrés dans les plaies par morsure et apparentés aux pasteurelles (Neisseria animaloris/zoodegmatis), mais des cas de dissémination pulmonaire ou extrapulmonaire (gingivite, sinusite) sont décrits. Les seuls symptômes observés sont alors une leucopénie et des micro-abcès pulmonaires.

Du point de vue thérapeutique, la mono-antibiothérapie est à privilégier, sauf en cas de pyothorax. Lors de mise en évidence de Bordetella, de Pasteurella et de mycoplasmes, l’origine de l’infection est vraisemblablement primaire et doit alors être traitée à l’aide de doxycycline ou avec l’association amoxicilline/acide clavulanique. Autrement, il convient de suspecter une infection secondaire. En outre, « il ne faut pas oublier l’existence d’une flore bronchique transitoire », a précisé Christine Médaille.

Les antibiotiques à privilégier lors d’infection secondaire sont l’ampicilline, les tétracyclines, l’érythromycine et les sulfamides potentialisés. Lors de suspicion d’infection par le groupe EF4, il est nécessaire d’ensemencer pour obtenir l’antibiogramme et, dans l’intervalle, prescrire de la doxycycline.

Ainsi, la cytologie et la bactériologie apportent de nombreux renseignements lors d’affections respiratoires chez le chat. Néanmoins, leur interprétation demande une bonne connaissance des populations cellulaires et bactériennes chez l’animal sain, afin de ne pas conclure trop hâtivement.

Bactéries saprophytes des voies respiratoires inférieures du chat

Par ordre de fréquence :

• Streptococcus

• Staphylococcus

• Corynebacterium

• Micrococcus

• Pasteurella multocida

• Escherichia coli

• Proteus

• Klebsiella

• Enterobacter

• Bordetella bronchiseptica

• Moraxella

• Mycoplasma

CONFÉRENCIERS

Christine Médaille, laboratoire Vébiotel à Arcueil (Val-de-Marne).

Alexandra Briend-Marchal, laboratoire Vébiotel à Arcueil (Val-de-Marne).

Juan Hernandez, diplomate Acvim, praticien au CHV Frégis à Arcueil (val-de-Marne).

Article tiré de la conférence « Dis, minou, pourquoi tu tousses ? » présentée lors du congrès du Chat à Arcachon, en mai 2009.

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