Les différences entre les ânes et les chevaux sont importantes

Plus de globules blancs, moins de globules rouges, une valeur du volume globulaire moyen plus importante : « Les normes hématologiques des ânes diffèrent des normes équines », a exposé notre confrère Pierre-Hugues Pitel (laboratoire Frank Duncombe) lors de la dernière Journée vétérinaire normande. Confronté à des difficultés récurrentes d’interprétation faute d’intervalles de référence clairement établis et d’études complètes, le laboratoire départemental d’analyses de Caen s’est associé à l’école de Nantes, l’UMR 957 Inra-ENVA⁽¹⁾ et le Sabaud⁽²⁾ pour définir, avec les analyseurs utilisés en routine, les paramètres hémato-biochimiques spécifiques de l’espèce asine.

Les paramètres spécifiques du foie sont augmentés chez l’âne

Vingt-quatre ânes de race normande et cinquante-neuf de race cotentin, cliniquement sains, ont été recrutés dans les départements du Calvados et de l’Orne. Ces vingt-six mâles et cinquante-sept femelles étaient âgés d’un mois à vingt-cinq ans. Après un examen clinique et le recueil de commémoratifs, tous les ânes ont été prélevés à la veine jugulaire par un seul et même préleveur. Une attention particulière a été apportée lors de l’examen et des prélèvements, afin de limiter le stress et l’agitation des animaux. Dans cette étude, les femelles constituent l’intégralité des animaux adultes et sont, de ce fait, surreprésentées.

Les dosages biochimiques indiquent une augmentation des paramètres spécifiques du foie, soit la phosphatase alcaline (PAL), l’aspartate aminotransférase (Asat), la γ glutamyltransférase (CGT) et la créatinine phosphokinase (CK) (^{voir tableau 1}). « Ces anomalies hépatiques interpellent. Sont-elles liées à la pléthore des ânes de compagnie évoquée par les praticiens ? Le parasitisme hépatique joue-t-il un rôle, avec une influence de la grande douve ou des syndromes de larva migrans ? », s’est interrogé notre confrère en comparant ces résultats avec les études brésiliennes, américaines, anglaises, espagnoles, etc. En outre, il a rappelé l’importance de relier les résultats au type d’appareil utilisé, car « la température des analyseurs a une influence sur la mesure des enzymes hépatiques et musculaires. En biologie équine, historiquement, nous travaillons à 30 °C. La plupart des analyseurs d’humaine ou de cliniques travaillent à 37 °C, d’où des valeurs plus faibles que celles obtenues au cabinet ou dans un laboratoire humain ».

Le taux de polynucléaires éosinophiles est important

Comparativement aux populations asines étudiées dans d’autres pays (^{voir tableau 2 en page 40}), une augmentation des globules blancs, avec 12 000/mm³, est notée. Toutefois, ces valeurs ne diffèrent pas significativement de celles mesurées par le laboratoire chez des juments bas-normandes.

Avec 6 millions de globules/mm³, le taux d’hématies est inférieur à celui des équidés. En outre, le volume globulaire moyen (VGM) est plus important (^{voir tableau 3 en page 40}). Une lignée rouge plus basse, des hématies plus grosses sont observées chez les chevaux dans les cas d’anémies régénératives. « Cependant, cette hypothèse de turn over plus rapide des globules rouges dans l’espèce asine ne semble pas corrélée avec l’observation d’un taux de bilirubine beaucoup plus bas », a indiqué l’intervenant. La population de polynucléaires neutrophiles est quasiment identique à celle mesurée chez les chevaux. En revanche, avec 8 % en moyenne mesurés chez les ânes normands, la population de polynucléaires éosinophiles diffère des autres études asines et des normes équines. Un rapport avec le niveau d’infestation parasitaire des ânes est envisagé. Y aurait-il un lien avec des réactions allergiques (cas des problèmes dermatologiques) ou des maladies éosinophiliques ? « Cela semble peu probable, car ces affections sont de nature individuelle et, dans le cas présent, les observations portent sur une centaine d’individus », a précisé Pierre-Hugues Pitel. L’ensemble des résultats hématologiques et biochimiques ont été obtenus dans les mêmes conditions et sur les mêmes machines que celles utilisées pour les dosages équins.

Un effet “âge” et un effet “race” sont démontrés

Si l’influence de l’âge des chevaux sur les normes hématologiques et biochimiques est connue, cette étude a montré, pour la première fois, l’existence d’une différence liée à l’âge chez les ânes (^{voir tableau 4}). Cet effet “âge” est significatif pour tous les paramètres hématologiques mesurés, à l’exception du rapport érythro-leucocytaire.

Trois classes d’âge sont déterminées selon la demande de la filière : les ânons, les jeunes de vingt-huit à trente-six mois et les adultes de plus de quatre ans. La classe d’âge de vingt-huit à trente-six mois correspond à l’âge de la castration. Pour cette dernière, aucune anomalie du nombre de plaquettes, du temps de Quick et du fibrinogène n’a été mise en évidence. « Donc, s’il existe des anomalies de la coagulation et de l’hémophilie, elles ne concernent pas ces voies de la coagulation », a indiqué l’intervenant, pour qui des anomalies anatomiques expliqueraient les saignements persistants observés lors des opérations de castration.

Un effet “race” est également démontré sur les paramètres hémato-biochimiques (^{voir tableau 5}). La surreprésentation des femelles (100 % de l’effectif des adultes) n’a pas permis de travailler sur l’effet “sexe”.

• (1) Unité mixte de recherche 957 Institut national de la recherche agronomique-ENV d’Alfort.

• (2) L’association de sauvegarde des baudets du Poitou.