La vaccination contre le charbon garde sa place dans le contexte épidémiologique moderne - La Semaine Vétérinaire n° 1390 du 29/01/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1390 du 29/01/2010

Fièvre charbonneuse

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Eric Dromigny

Elle comporte toutefois plusieurs limites (vaccin vivant, stock limité, etc.) et ne peut plus désormais être considérée comme une panacée.

La vaccination est apparue très tôt, avec les travaux de Pasteur et de ses collaborateurs, comme le premier moyen de lutte contre le charbon animal doté d’une certaine efficacité, alors que la situation du cheptel français était qualifiée de catastrophique, en particulier en matière de fièvre charbonneuse des ruminants. Les chercheurs n’avaient d’ailleurs aucune difficulté à disposer de souches de Bacillus anthracis fraîchement récoltées, le plus souvent sous la forme de sang de moutons touchés par la maladie. La culture de Bacillus anthracis ainsi obtenue était maintenue à une température de 42 °C à 43 °C, ce qui permettait de l’atténuer en lui faisant perdre à la fois son plasmide pX01 et sa capacité à produire une toxine.

Aujourd’hui, la vaccination doit être replacée dans le contexte moderne, car elle comporte plusieurs limites et ne peut plus être considérée comme une panacée.

Le vaccin étant vivant, il faut faire attention à l’antibiothérapie

Il s’agit d’un vaccin vivant fabriqué à partir de la souche 34F2 Sterne (pX01+/pX02-, Carbovac®, Merial). A ce titre, une antibiothérapie instaurée chez l’animal annule les effets du vaccin en empêchant la mise en place de l’immunité. La vaccination ne sera donc pratiquée que huit jours après un traitement antibiotique, voire quinze jours lors d’utilisation d’antibiotiques à forme retard. La mise en œuvre de la protection vaccinale nécessite dix à quinze jours. L’antibiothérapie est donc préférée pour les animaux malades, alors que les individus sains peuvent être vaccinés d’emblée (bovins et ovins). Cela signifie aussi que la vaccination sera réalisée, si possible, deux semaines avant la mise au pâturage.

La durée d’incubation maximale retenue par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) est de vingt jours. Une fièvre charbonneuse peut donc apparaître après la vaccination et laisser croire à un charbon lié à celle-ci, alors que les animaux étaient déjà en incubation quand ils ont reçu le vaccin. Cette éventualité impose de surveiller les animaux vaccinés et de les traiter par antibiothérapie en cas de réaction fébrile.

En raison d’un stock limité, la vaccination est réservée aux foyers uniques ou circonscrits

Le stock actuel de doses vaccinales ne dépasse pas cinquante mille unités en France, ce qui peut constituer une seconde limite.

L’approche zonale, avec une vaccination dans une région, ne peut pas s’envisager d’emblée sans une coordination des pouvoirs publics, notamment la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et sa mission des urgences sanitaires, qui définit les vaccinations de priorité en cas de pénurie possible.

Les foyers uniques ou isolés font l’objet d’un arrêté préfectoral portant déclaration d’infection (APDI, voir encadré en page 34), où la vaccination des bovins et des ovins ne concerne d’emblée que les animaux sains du cheptel. Cet arrêté est pris lors de confirmation d’une suspicion et suit l’arrêté préfectoral de mise sous surveillance (APMS). Lors de foyers multiples dans plusieurs communes, qui y restent manifestement circonscrits, la vaccination est réalisée dans les cheptels de ces localités. Il s’agit de la principale mesure préventive, en plus de la gestion des foyers(1).

Dans les autres cas, c’est-à-dire dès l’observation d’une progression manifeste (dite “en tache d’huile”), une zone d’extension maximale est estimée à partir de l’historique du charbon dans la région et des mesures de lutte offensives y sont prises. Le charbon animal n’est toutefois pas considéré comme une maladie extensive et les risques de propagation sont réduits.

Cependant, certaines situations incitent à la prudence. Ainsi, l’épisode survenu dans le Doubs en 2008 était probablement dû à une résurgence multifocale des spores de Bacillus anthracis, liée aux pluies importantes et aux travaux forestiers. Le cheptel de plusieurs communes sans foyers a donc aussi été vacciné, autour des localités où se situaient les foyers, soit au total douze mille bovins et trois cent trente ovins répartis dans quinze municipalités(1).

Des mesures fondamentales ou complémentaires nécessaires

Outre les APMS et APDI, la vaccination doit s’accompagner de mesures de nettoyage et de désinfection (voir en page 34).

Des dispositions complémentaires sont prises dans les zones atteintes : interdiction de la chasse et des travaux de terrassement ou forestiers, surveillance de la mortalité des animaux sauvages et interdiction de sortie des cheptels pendant vingt jours, à compter de la date d’observation des premiers symptômes du premier animal malade. Les animaux issus du cheptel infecté qui en sont sortis dans une période de vingt jours avant le début des symptômes chez le premier cas détecté du foyer sont mis sous surveillance (APMS) pendant vingt jours après leur départ du troupeau.

L’ATU concerne bovins et ovins, mais la cascade peut s’appliquer aux équidés et caprins

Le vaccin disposait autrefois d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), abandonnée par le fournisseur en raison de la lourdeur et du coût des contrôles, en ce qui concerne tant le vaccin que les conditions de son importation depuis l’Uruguay, où il est fabriqué. Cependant, le 25 mars 2008, l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) a émis un avis favorable pour la délivrance de l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) qui en permet l’emploi.

Celle-ci ne vise que les bovins et les ovins. Une primovaccination est réalisée avec 2 ml (bovins) ou 1 ml (jeunes bovins et ovins) par voie sous-cutanée. Des rappels annuels sont nécessaires. Le vaccin peut provoquer un œdème diffus au point d’injection, qui disparaît en deux à quatre semaines. Par ailleurs, il n’est pas doté d’une ATU pour les autres herbivores sensibles, équidés et caprins. Au titre de l’article L. 5143-4 du Code de la santé publique, son utilisation peut toutefois s’envisager selon le principe de la cascade. Cette dérogation ne doit pas être systématique, comme le recommande l’ANMV. Au contraire, il faut tenir compte d’une certaine incertitude quant à l’efficacité et à l’innocuité de ce vaccin chez ces deux espèces, qui devra être rapportée, par le vétérinaire et l’éleveur, au bénéfice attendu.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1374 du 2/10/2009, pp. 46-48.

POUR EN SAVOIR PLUS

• Note de service : DGAL/SDSPA/N2010-8010

• Afssa : « Avis relatif aux risques, pour la santé humaine, liés à la consommation de viandes et de produits carnés issus d’animaux ayant pu être en contact indirectement avec le bacille de la fièvre charbonneuse, Bacillus anthracis », saisine n° 2008-SA-0393, disponible à l’adresse www.afssa.fr/Documents/MIC2008sa0393.pdf

• Assemblée nationale, question n° 21431 (anonyme), disponible à l’adresse http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-21431QE.htm

• J.-P. Ganière et coll. : « Maladies réputées contagieuses et maladies à déclaration obligatoire des ruminants », 2005, à l’adresse http://cours.vet-alfort.fr/ fichier/-jpganiere/r_cours_255/MRC-rum-2004pdf

• P.C.B. Turnbull : Anthrax in humans and animals, 2008, 4e édition, OIE, Emerging and other communicable diseases, surveillance and control. Disponible à l’adresse www.who.int/entity/csr/resources/publications/anthrax_webs.pdf

Arrêté portant déclaration d’infection

L’arrêté préfectoral portant déclaration d’infection (APDI) prévoit :

– l’interdiction de précipiter la mort des animaux malades par effusion de sang ;

– la surveillance au moins deux fois par jour des animaux d’espèces sensibles par leur détenteur ;

– l’isolement et le traitement antibiotique des animaux malades (hyperthermie) avec une information du vétérinaire sanitaire ;

– la vaccination (bovins et ovins sains), sauf pour les animaux traités (attendre huit jours après la fin du traitement antibiotique et quinze jours pour les formes retard);

– l’interdiction d’entrée et de sortie d’animaux (autres élevages ou à destination d’un abattoir);

– une dérogation préfectorale éventuelle, avec un envoi direct et sans rupture de charge à l’abattoir, après l’expiration du délai d’attente (traitement antibiotique), l’abattage en fin de chaîne, l’inspection ante mortem et post-mortem approfondie, le nettoyage et la désinfection ;

– la réalisation d’une enquête épidémiologique (sources possibles de Bacillus anthracis, antécédents de fièvre charbonneuse, travaux de terrassement, accès à des points d’eau, mouvements d’animaux, exposition d’autres exploitations ou de personnes à partir du foyer détecté et extension à la faune sauvage);

– l’isolement des cadavres d’animaux, leur collecte spécifique par l’équarrisseur et l’épandage de chaux sur leurs emplacements ;

– le nettoyage et la désinfection des bâtiments, des véhicules de transport, de tout matériel et objet ayant été en contact avec des animaux malades, de tout dispositif de collecte ou de stockage d’effluents (et leur contenu);

– la destruction du lait des animaux fébriles, la pasteurisation du lait collecté dans les deux jours précédant la mise sous surveillance, et celui des autres animaux jusqu’à quinze jours après la levée de l’APDI ou quinze jours après la dernière vaccination des animaux en lactation ;

– l’analyse des produits laitiers fabriqués à partir du lait collecté dans les deux jours précédant la mise sous surveillance (à définir en collaboration avec la DGAL et sa mission des urgences sanitaires);

– la destruction des produits laitiers ou le traitement thermique (135 °C pendant une à deux secondes à pression atmosphérique) en cas de résultats défavorables.

E. D.
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