Soyez heureux, c’est bon pour la santé

L’optimisme est un mécanisme de défense inconscient contre la dépression. Il est plus constitutionnel que réactionnel. Or le regard posé sur le monde peut changer notre état de santé. Il ne s’agit pas de faire l’apologie de l’optimisme, mais de montrer quels sont ses avantages et ses inconvénients. Les optimistes sont plus créatifs, séduisants et séducteurs que les pessimistes, enfermés dans le cercle vicieux de leurs croyances. Ils sont aussi plus dépensiers et vivent plus longtemps. Pour leur part, les pessimistes sont davantage victimes de cancers et de maladies cardiovasculaires. Les optimistes, eux, réagissent mieux au stress. Le risque qu’ils présentent une dépression est quatre fois moins élevé que chez les pessimistes. Ils ont un sang plus fluide et produisent moins de caillots.

Une étude⁽¹⁾ a mesuré les “humeurs” de divers groupes professionnels. Les médecins sont deux fois plus pessimistes et deux fois plus obsessionnels que la population générale. Les avocats, eux, sont deux fois plus optimistes, tout comme les chefs d’entreprises qui sont également trois fois plus obsessionnels. Les industriels sont trois fois plus optimistes. Les journalistes sont deux fois plus optimistes et deux fois plus cyclothymiques ; les architectes trois fois plus cyclothymiques. Un peu moins toutefois que les artistes, qui le sont quatre fois plus. Il reste à savoir si ces caractéristiques sont déterminées par la profession ou si les individus choisissent leur métier selon leurs humeurs.

L’optimisme a également son revers de la médaille

Si l’optimisme induit de nombreux avantages, il existe également des mauvais côtés. Généralement, les optimistes prennent trop de risques dans leurs activités tant professionnelles que privées. En effet, ils se sentent naturellement protégés. Par exemple, en matière d’accidents du travail, leur perception est souvent erronée. Ils pensent que le danger s’adresse davantage aux autres qu’à eux-mêmes. Cette illusion du contrôle permanent leur fait parfois oublier les dangers de l’alcool au volant. En outre, ce sont de grands acheteurs, car ils sont persuadés que les objets qu’ils acquièrent amélioreront leur existence.

Un optimiste qui en fait trop peut être atteint d’hypomanie (forme atténuée de la manie). Ce type de personne vit dans une agitation permanente et fait preuve d’une créativité désordonnée. Il en fait trop, est trop en phase avec le milieu extérieur. Chaque nouveau venu peut devenir rapidement son ami. Au début, il séduit, mais à terme, il agace ou fatigue les autres.

Bien entendu, le niveau d’optimisme et de pessimisme n’est pas constant. Diverses situations peuvent changer le cours des choses. Ainsi, un stress réduit l’optimisme. En revanche, il s’élève chez une femme enceinte. C’est ce que montre le Life Orientation Test-Revised (LOTR), qui mesure l’optimisme dans la perception des situations quotidiennes. Il est aussi possible d’évaluer l’indice d’optimisme dans chaque pays. C’est ce qu’a fait le psychologue Ronald Fisher. Les plus optimistes (c’est-à-dire ceux dont les populations sont les plus optimistes) sont le Brésil et le Ghana, suivis par la Norvège. L’Allemagne dépasse de dix points la France.

Plusieurs thérapies sont fondées sur l’optimisme

Les thérapies cognitives permettent de lutter contre le pessimisme. Elles consistent à identifier les schémas qui y conduisent, comme la répétition de phrases du type « je ne mérite pas que l’on m’aime ». L’un des moyens employés est la technique de la pondération. Le thérapeute expose les avantages et les inconvénients du pessimisme et suggère progressivement des changements. Le pessimiste les note sur un papier et prononce à haute voix une nouvelle règle, moins contraignante, qu’il va tenter de substituer à son schéma habituel. Une autre technique consiste à affronter plutôt qu’à éviter. En effet, ce que nous essayons d’éviter nous envahit. Les pessimistes détestent ne pas maîtriser une situation. Ils craignent l’incertitude et fuient tout ce qui peut s’y apparenter. Le principe consiste donc à faire l’inventaire des situations incertaines et à les affronter. Le pessimiste explique ce qu’il redoute le plus et le thérapeute tempère.

La recherche de l’optimisme, sans ses excès, n’a de sens que si elle est librement consentie. Comme le disait Voltaire, « j’ai décidé d’être heureux, parce que c’est bon pour la santé ».

• (1) Kareen Akistal : « Tempérament profiles in physicians, lawyers, managers, industrialists, architecs, journalists and artists : study in psychiatric outpatient », Journal of affective disorders, 2005, n° 85, pp. 201-206.