L’adénocarcinome de l’intestin grêle peut concerner le jéjunum - La Semaine Vétérinaire n° 1384 du 11/12/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1384 du 11/12/2009

Gastro-entérologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Aurélie Levieuge

Fonctions : praticienne dans le secteur de Toulon (Var)

Les tumeurs de l’intestin grêle ne représentent que 2 % des phénomènes néoplasiques chez le chien. Les plus représentées sont le lymphosarcome et l’adénocarcinome.

Un westie âgé de sept ans, d’un poids de 9 kg, est présenté en consultation pour des vomissements qui évoluent depuis trois semaines. Il est correctement vacciné et vermifugé. Lors des premiers symptômes, un traitement comprenant du métoclopramide et du phosphate d’aluminium lui est prescrit. Un bilan sanguin montre alors une leucocytose par neutrophilie (GNN = 24,5 x 109/mm3). Trois semaines après le début des symptômes, l’animal vomit toujours et est abattu. Ses muqueuses sont roses et il n’est pas déshydraté. L’auscultation cardio-respiratoire, la palpation abdominale et la température rectale sont normales. Le propriétaire rapporte des vomissements liés aux repas, dans l’heure qui suit la prise alimentaire. L’animal vomit l’eau quand il en boit en grande quantité. Les vomissements correspondent au bol alimentaire (ils ne sont pas fécaloïdes et ne contiennent pas de sang). L’interrogatoire permet de conclure à de véritables vomissements (et non à des régurgitations).

Les hypothèses diagnostiques émises à ce stade regroupent toutes les causes des vomissements chroniques liés aux repas : occlusion œsophagienne, gastrique ou intestinale (corps étranger, tumeur, sténose, rétention gastrique), inflammation digestive (gastrite, ulcère gastro-intestinal, parasitisme, hépatite, infection), trouble fonctionnel de la motricité gastrique, hernie hiatale, mégaœsophage, cause extradigestive (trouble métabolique comme l’hypocorticisme, tumeur abdominale, insuffisance rénale chronique, pancréatite).

L’analyse hématologique fait apparaître une thrombocytose (680 000/mm3, norme de 200 000 à 500 000/mm3) et une réticulose (5 %, norme de 0 à 1,5 %). Une anisocytose est observée sur le frottis. La neutrophilie notée trois semaines plus tôt n’est plus mise en évidence.

La biochimie sanguine révèle une augmentation des phosphatases alcalines (PAL : 311 UI, norme de 2 à 91 UI) et des alanines amino-transférases (ALAT : 2 204 UI, norme de 11 à 69 UI). L’augmentation des PAL est en faveur d’une cholestase. Celle des ALAT traduit une cytolyse récente qui pourrait être due aux vomissements, à une inflammation abdominale (pancréatite par exemple) ou éventuellement à une tumeur hépatique.

Les radiographies avec produit de contraste mettent en évidence un arrêt du transit

Les radiographies abdominales sans préparation ne montrent aucune anomalie. Le repas baryté (sulfate de baryum, Micropaque®, 5 ml/kg) permet de constater un arrêt du transit : après trente minutes (voir photo 1), le produit de contraste est toujours dans l’estomac ; après une heure (voir photo 2), il atteint à peine le duodénum et une dilatation segmentaire d’une anse intestinale est observée en région ventrale, compatible avec un iléus mécanique. Ces mêmes anomalies sont notées après trois heures (voir photo 3). Après huit heures (voir photos 4 et 5), la baryte est encore présente dans l’intestin grêle.

L’échographie abdominale (voir photos 6 et 7) révèle une anomalie pariétale d’une anse jéjunale (de type inflammatoire ou tumoral) qui entraîne une pseudo-invagination, ainsi qu’une hypertrophie des nœuds lymphatiques jéjunaux.

La laparotomie met en évidence un anneau fibreux situé sur le jéjunum. Une résection-anastomose jéjuno-jéjunale est réalisée. La pièce est envoyée au laboratoire pour une analyse histologique. Elle montre un important remaniement de la paroi jéjunale de nature mixte tumorale et inflammatoire chronique (voir photo 8).

La conclusion de l’analyse histologique est en faveur d’un adénocarcinome tubulo-alvéolaire à différenciation muqueuse, associé à de violents remaniements inflammatoires chroniques évolutifs et suppurés. Aucun traitement adjuvant n’est mis en œuvre. Vingt-cinq mois plus tard, l’animal se porte bien.

Les adénocarcinomes digestifs concernent généralement le duodénum ou le côlon

Les tumeurs du tractus digestif sont relativement rares. Elles ne représentent que 1 à 5,5 % des néoplasies du chien et du chat. Par ailleurs, 70 % des tumeurs digestives sont situées dans la cavité buccale. Ces tumeurs digestives concernent surtout les animaux adultes d’âge moyen, autour de dix ans.

Les tumeurs de l’intestin grêle ne représentent que 2 % des phénomènes néoplasiques chez le chien. Les tumeurs les plus représentées sont le lymphosarcome et l’adénocarcinome. Ce cas est d’autant plus original que les adénocarcinomes digestifs du chien concernent le plus souvent le duodénum ou le côlon. Ils touchent aussi deux à sept fois plus les mâles que les femelles. Les races berger allemand et colley seraient en outre plus représentées.

L’échographie est l’examen complémentaire de choix

Les signes cliniques varient selon la localisation de la tumeur, mais sont généralement frustes. Ils consistent en une diarrhée avec ou sans hématochézie ou méléna, et des vomissements avec ou sans hématémèse. D’une manière générale, l’expression clinique est proche de celle des maladies digestives inflammatoires ou obstructives. La plupart des adénocarcinomes de l’intestin grêle sont des constrictions annulaires qui entraînent d’abord une sténose, puis un syndrome occlusif quand la maladie est avancée.

La radiographie sans préparation est souvent décevante. Au mieux, elle peut mettre en évidence un iléus mécanique si une différence de diamètre des anses intestinales est observée.

Le transit baryté permet parfois de localiser la lésion lors de visualisation d’images par soustraction, sur deux clichés orthogonaux.

C’est à l’échographie qu’ont lieu la reconnaissance d’une lésion fréquemment pariétale, irrégulière et évocatrice de tumeur et l’évaluation de la taille et de l’aspect des nœuds lymphatiques. Ces derniers montrent des métastases dans plus de 70 % des cas.

La localisation de l’adénocarcinome et son accessibilité rendent l’examen endoscopique aléatoire, même s’il permet parfois la réalisation de biopsies diagnostiques.

La chimiothérapie adjuvante n’a pas démontré son efficacité

Le traitement est chirurgical. La longueur moyenne de l’intestin atteint par un adénocarcinome est de 4 cm, ce qui correspond à la taille de la tumeur retirée dans le cas décrit. Idéalement, il est nécessaire de respecter des marges d’exérèse de 5 cm et de réaliser un curage du mésentère en regard. La chimiothérapie adjuvante n’a pas démontré son efficacité.

Les adénocarcinomes intestinaux ont une forte agressivité locale et sont hautement métastatiques. L’essaimage se fait par voie lymphatique aux nœuds régionaux et jusqu’au foie. Des métastases en semailles peuvent aussi être observées lorsque le carcinome est infiltrant et envahit la séreuse digestive.

D’une manière générale, le pronostic est réservé, car 70 à 80 % des bilans d’extension sont positifs au moment du diagnostic et les marges d’exérèse de 5 cm recommandées ne sont pas toujours facilement réalisables. La survie varie de plusieurs mois à quelques années.

BIBLIOGRAPHIE

  • • P. Lecoindre : « Tumeurs du tube digestif des carnivores domestique », Encyclopédie vétérinaire, Gastro-entérologie, éditions scientifiques et médicales Elsevier.
  • • F. Dargent : « Particularité de la cancérologie animale, étude rétrospective de 50 cas de pathologie tumorale digestive spontanée du chien », Acta endoscopica, 1999, n° 29, pp. 585-591.
  • • S. Marks : « Update on canine and feline gastrointestinal neoplasia », proceedings du congrès 2001 de la World Small Animal Veterinary Association, Vancouver.
  • • N. Leibman, V.S. Larson, G.K. Ogilvie : « Oncologic diseases of the digestive system », in Handbook of small animal gastroenterology, Ed Philadelphia : Saunders Compagny. 2e édition, 2003, pp. 370-415.
  • • A.K. Patnaik, A.I. Hurvitz, G.F. Johnson : « Canine intestinal adenocarcinoma and carcinoid », Vet. Pathol., n° 17, 1980, pp. 149-163.

À LIRE DANS Le Point Vétérinaire

• Yannick Ruel : « Examens d’imagerie en gastro-entérologie », PV n° 293, mars 2009.

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