La douleur de la castration des porcelets devra être prise en charge

Parmi tous les gestes réalisés en routine au cours de la première semaine de vie des porcelets, la castration est le plus douloureux. C’est au cours de cette opération que sont enregistrées les vocalises avec les plus hautes fréquences sonores, reconnues comme l’un des meilleurs indicateurs de la douleur. « La castration est douloureuse quel que soit l’âge à laquelle elle est pratiquée », a indiqué notre confrère Guilhem Poudevigne, durant l’atelier porcin organisé dans le cadre les Journées nationales des Groupements techniques vétérinaires (GTV), le 15 mai dernier. Lors de son intervention consacrée aux soins des porcelets, il a présenté l’impact physiologique, comportemental, sanitaire et zootechnique de la castration. Cette dernière est justifiée par les odeurs sexuelles de la viande de porcs mâles entiers. Mais elle est de plus en plus remise en cause, face à la douleur des animaux, à l’augmentation des risques d’infection, au temps de travail nécessaire, à la dégradation des performances de croissance et de la qualité des carcasses.

Le déchirement des tissus, particulièrement douloureux, est à éviter

Bien que la douleur ne soit d’une grande intensité que durant les quelques heures qui suivent la castration, elle persiste pendant plusieurs jours. « Le déchirement des tissus est particulièrement douloureux et doit être évité », a précisé notre confrère, qui recommande d’utiliser un petit support (voir photo) qui permet une contention confortable pour l’animal et l’opérateur, et de pratiquer la castration en dehors de la maternité, car « cela stresse inutilement les truies et les porcelets ».

Guilhem Poudevigne a par ailleurs rappelé les mesures élémentaires de biosécurité associées à la castration : « Le lavage des mains, l’utilisation d’une aiguille et d’une lame de bistouri par portée, et la castration des porcelets des cases “à diarrhée” en dernier. Concernant la désinfection locale avant l’intervention, il faudrait utiliser des produits actifs rapidement, comme l’alcool. Après l’opération, la teinture d’iode ne doit pas être employée. Cela pique les animaux qui frottent les plaies de castration. » Lors des manipulations des porcelets, notre confrère conseille de les prendre sous le ventre, car ils sont alors moins stressés. La réglementation autorise le personnel d’élevage à castrer les porcelets sans traitement de la douleur jusqu’à l’âge de sept jours⁽¹⁾. Toutefois, la gestion de la douleur a fait l’objet de nombreuses études. Avant sept jours, l’anesthésie générale n’est pas recommandée. Les mécanismes de maintien de l’homéostasie des porcelets, particulièrement sensibles à l’hypothermie, et le rythme des tétées sont perturbés par l’anesthésie, d’où une hausse du taux de mortalité. De plus, l’administration d’anesthésiques généraux par les éleveurs est interdite. Par ailleurs, l’efficacité de l’anesthésie locale, réalisée avec l’injection intratesticulaire de lidocaïne, a été démontrée. Toutefois, en France, aucune spécialité ne dispose d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour l’espèce porcine, d’où la prescription dans le cadre de la cascade.

Les alternatives à la castration classique existent

Le 17 septembre dernier, les rencontres de l’Institut du porc (Ifip), organisées dans le cadre du Space, avaient pour thème « la castration, nouvelle problématique, nouveaux enjeux pour la filière porcine ». Valérie Courboulay, ingénieur à l’Ifip, a présenté les alternatives à la castration chirurgicale classique. Il s’agit de la castration chirurgicale avec une prise en charge de la douleur, de l’immunocastration, de la production de porcs mâles entiers et de la production de femelles via le sexage de la semence. Selon une étude menée par l’Ifip, l’injection intratesticulaire de lidocaïne dix minutes avant la castration est efficace sur la douleur lors de l’intervention, mais a des effets limités sur la douleur postopératoire. Sa pratique augmente le temps de travail de 40 à 50 %. Une autre recherche de l’Ifip a évalué l’effet de l’injection intratesticulaire de kétoprofène vingt minutes avant la castration. Ce protocole a des effets limités sur la douleur lors de la castration, mais est efficace sur la douleur postopératoire. Dans ce cas, le temps de travail s’accroît de 20 à 30 %.

Les porcelets norvégiens sont castrés sous anesthésie, et les autorités de ce pays envisagent son interdiction. L’immunocastration et la production de mâles entiers sont les alternatives qui ont la faveur des Suisses. Aux Pays-Bas, les chaînes de distribution, ainsi que l’enseigne MacDonald, se sont engagées à ne plus vendre de viande de porcs castrés sans prise en charge de la douleur. La production de mâles entiers est privilégiée par le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Espagne. Cette alternative est également envisagée en Norvège et aux Pays-Bas.

• (1) Directive européenne 2001/93/EC et arrêté du 16/1/2003 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs.