La chirurgie est indiquée dans certains cas de rétention d’œufs chez les tortues - La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009

Pathologie de la reproduction

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Julien Goin

Fonctions : praticien à Pornic (Loire-Atlantique).

A la différence des mammifères, les dystocies ne sont pas une urgence chez les tortues. Leur prise en charge doit cependant être rapide afin d’éviter les complications.

Une tortue léopard (Stigmochelys pardalis) femelle, âgée de douze ans, est référée pour une rétention d’œufs depuis trois mois, associée à une léthargie et à une anorexie depuis trois semaines. Sa taille est de 50 cm et son poids de 6,4 kg. Des injections répétées d’ocytocine et de calcium sont restées sans effet. La tortue est élevée dans un chalet de jardin chauffé et éclairé à l’année par des lampes UVA-UVB-IR, avec un accès à un enclos extérieur à la belle saison, en compagnie d’un mâle de même gabarit avec lequel l’accouplement a fourni plusieurs pontes fertiles les années précédentes.

L’examen clinique révèle une léthargie, ainsi qu’un ramollissement et une ostéodystrophie en pyramides de la carapace (voir photo 1). La radiographie montre la présence de treize œufs, dont un en position cloacale, dont la taille, la forme et la calcification sont normales (photo 2). Un bilan biochimique (uricémie, glycémie, protéinémie, ionogramme, analyse hépatique, rapport phospho-calcique) met en évidence une hypocalcémie à 80 mg/l (valeur usuelle : 100 à 120 mg/l). En raison de l’échec des traitements précédents, la chirurgie est envisagée.

Une plastrotomie est réalisée à l’aide d’une scie circulaire à dents

L’induction de l’anesthésie est réalisée par l’injection intraveineuse de propofol (Rapinovet®, 10 mg/kg) dans le plexus veineux sous-nuchal (photo 3). L’entretien est assuré par l’inhalation d’isoflurane à 2 % après une intubation par une sonde de 3 mm de diamètre.

L’animal est positionné en décubitus dorsal et le plastron est préparé chirurgicalement (photo 4). Une plastrotomie est effectuée à l’aide d’une scie circulaire à dents (Dremel®, 31,8 mm de diamètre), adaptée sur une perceuse chirurgicale. La découpe est pratiquée selon un angle de 45° et suit un rectangle limité cranialement par le cœur et caudalement par la ceinture pelvienne. Une irrigation au sérum physiologique est assurée simultanément afin d’éviter l’échauffement des ostéodermes et d’éliminer les poussières qui s’accumulent dans le champ opératoire (photo 5). Après l’ostéotomie, les attaches musculaires sont dilacérées au ciseau rond et le volet osseux est retiré (photo 6). La paroi cœlomique, qui contient deux veines abdominales médianes parallèles, est alors visualisée (photo 7). Une incision médiane est réalisée entre elles pour donner accès à la cavité générale.

Une cystotomie permet le retrait de cinq œufs ectopiques

L’exploration révèle la présence de quatre œufs dans chaque oviducte, de cinq œufs ectopiques (quatre vésicaux, un cloacal) et d’une rétention préovulatoire bilatérale (ovaires engorgés par des follicules à différents stades de maturation). Une ovario-salpingectomie bilatérale est entreprise. L’ensemble ovaire-oviducte est extériorisé délicatement (photo 8) et les nombreux vaisseaux sanguins du mesovarium sont ligaturés par des points simples avant l’exérèse (photo 9). Une courte incision est ensuite réalisée sur la portion restante de l’oviducte droit. Le chirurgien introduit un doigt dans la lumière de l’organe jusqu’au cloaque et repousse l’œuf qui s’y trouve dans la vessie. Une cystotomie permet le retrait des cinq œufs ectopiques (photo 10). La vessie est refermée par un surjet de Lambert doublé d’un surjet simple. La paroi cœlomique est suturée par un surjet simple résorbable. Le volet osseux est remis en place et stabilisé par dix cerclages (photo 11). Une résine (Syntofer®) est appliquée au pinceau sur l’ensemble, puis recouverte d’une fibre de verre (photo 12) avant une seconde couche de résine.

Une sonde de gavage est fixée sur la face latérale du cou par deux points simples, après une œsophagostomie. Un cathéter bleu est placé à la veine jugulaire gauche après une dissection cutanée. L’animal est hospitalisé dans un terrarium chauffé.

Le traitement postopératoire mis en place pendant deux semaines comprend une calcithérapie (gluconate de calcium, Theracalcium®, à la dose de 100 mg/kg par voie intraveineuse lente jusqu’à la restauration d’une calcémie de 120 mg/l), une antibiothérapie (enrofloxacine, Baytril®, à raison de 5 mg/kg par voie intraveineuse) et une fluidothérapie (soluté mixte NaCl 0,9 %-glucose 5 %, à la dose de 20 ml/kg/j). L’animal est alimenté via la sonde pendant un mois (Oxbow Critical Care®, 30 ml trois fois par jour) au terme duquel la prise alimentaire reprend spontanément.

Le traitement est médical dans un premier temps, à base d’ocytocine

Les tortues femelles possèdent deux ovaires et deux oviductes tubulaires qui débouchent indépendamment au sein d’un cloaque. La rétention d’œufs (ou rétention postovulatoire) est fréquente en captivité. Elle peut être obstructive ou non obstructive. Dans le premier cas, la cause est un obstacle à la ponte : œuf de taille ou de forme anormale, déformation pelvienne, sténose salpingienne, masse abdominale (fécalome, calcul vésical, œuf ectopique, etc.). Dans le second, les causes sont diverses : conditions de maintenance inadaptées, absence de site de ponte, amyotrophie liée à la sédentarité, mauvais état général, hypocalcémie, salpingite bactérienne, etc. L’origine est fréquemment multiple et difficile à cerner. En outre, le tableau clinique est souvent fruste, avec une agitation intense, puis de l’anorexie et de l’apathie. En l’absence d’une anamnèse évocatrice (par exemple, des tentatives de ponte infructueuses), il est souvent malaisé de différencier une rétention vraie d’une ovogenèse physiologique. La radiographie est alors incontournable, car elle permet à la fois le diagnostic, l’évaluation de la structure des œufs et la recherche d’une cause obstructive.

Le traitement de la rétention d’œufs est avant tout médical : la femelle est isolée au calme et reçoit des injections d’ocytocine (1 à 2 UI/kg par voie intramusculaire), une molécule efficace chez les tortues. En cas d’absence de réponse ou lors de rétention obstructive, la chirurgie est à envisager. L’ovario-salpingectomie est privilégiée, afin de prévenir les risques de récidive. La salpingectomie seule est à proscrire en raison du risque de pontes ectopiques d’ovaires au sein de la cavité générale. La salpingotomie (césarienne) sera réservée aux reproductrices de valeur qui ne présentent pas de lésions associées. Les œufs ainsi extériorisés sont rarement viables. L’hémostase est un temps opératoire crucial en regard de l’importante vascularisation du mesovarium.

A la différence des mammifères, les dystocies ne sont pas une urgence chez les tortues. Leur prise en charge doit cependant être rapide, afin d’éviter l’apparition de complications (rupture d’un œuf ou d’un oviducte, prolapsus cloacal, œufs ectopiques vésicaux, dyspnée par compression pulmonaire, stérilité et, à long terme, mort).

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr