L’homme qui aimait les chevaux - La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009

Georges Buvat, vétérinaire initiateur du service SOS Poulain en 1985

Éclairage

PORTRAIT

Auteur(s) : Serge Trouillet

Depuis près de vingt-cinq ans, Georges Buvat, aujourd’hui retraité, met en relation des poulains orphelins avec des juments adoptives.

A Cosne-d’Allier, plaisante petite bourgade bourbonnaise, Georges Buvat (A 50) habite une maison cossue, dans un quartier résidentiel. A presque quatre-vingt-quatre ans, il a conservé les allures du notable qu’il a toujours été. Maintien assuré, tenue soignée, démarche énergique, phrasé limpide : il en impose. Son secret ? Le travail. Il n’a presque jamais pris de vacances. Il a pris sa retraite le 1er janvier 1992, à presque soixante-six ans. Mais il a assuré des remplacements ponctuels, parfois loin de chez lui, jusqu’en 2006 ! Il avait alors quatre-vingts ans : « Je ne vous cache pas que cela me manque encore, parfois. J’ai dû arrêter, parce que mon acuité visuelle ne me permettait plus de conduire en toute sécurité la nuit ou par temps de brouillard… » Est-il devenu inactif pour autant ? Que nenni ! Entretien de sa propriété, jardinage, organisation de manifestations équestres locales comblent bien ses journées. Et bien entendu, SOS Poulain qui, essentiellement d’avril à octobre, le maintient en astreinte permanente, jour et nuit.

Une idée issue d’une expérience personnelle

Ce service a été créé à son initiative, en 1985, par le syndicat départemental bourbonnais des éleveurs de chevaux de trait. Propriétaire de deux juments percheronnes, Georges Buvat en est alors le président : « J’avais élevé auparavant, chez mon père, un poulain au biberon. Il était gentil comme tout. Il se cabrait et posait les pattes sur nos épaules ; on y prenait goût. Mais à deux ans, tandis qu’il pesait 700 kg, il continuait à se comporter ainsi lorsqu’on allait le voir dans le pré. C’était extrêmement dangereux. C’est ce qui m’a donné l’idée de créer ce service. Elevé de cette façon, le mâle peut devenir caractériel, agressif. La pouliche, elle, peut refuser d’élever son propre poulain. Et puis, c’est une astreinte de donner le biberon pendant des mois. Sans compter que cela revient cher, souvent davantage que la valeur du poulain. Aussi, il fallait essayer de mettre en relation poulain et jument qui avaient besoin l’un de l’autre ; ce qui n’est pas chose aisée, surtout si l’éleveur n’a ni le feeling ni l’autorité pour faire réussir l’opération. »

Attiré depuis toujours par le cheval

Georges Buvat aime les chevaux depuis toujours. Il est fier, à dix ans, lorsque sa mère lui confie les guides du cheval qui ramène la voiture du marché d’un village bourbonnais voisin ! C’est un crève-cœur, pour sa petite sœur comme pour lui, de voir partir la jument de la ferme de ses parents en 1939, réquisitionnée pour la guerre.

A Alfort, il découvre la pratique équestre à haute dose pendant quatre ans. A tel point que, lorsqu’il doit choisir son affectation pour effectuer son service militaire, il souhaite intégrer le 6e escadron de spahis d’Algérie : « Autant aujourd’hui je suis casanier, autant j’avais à cette époque besoin de voir du pays et, en plus, de rester en contact avec le cheval. » Là-bas – « c’était avant les événements, une période heureuse avec des souvenirs sensationnels » –, il opte pour celui dont personne ne veut, Messlem, à cause de son caractère. Les rapports sont difficiles au début, puis la volonté du cavalier finit par s’imposer. « Après, c’était réglé, il ne m’a donné que des satisfactions. Nous avons même fait des concours hippiques. »

Vétérinaire généraliste

De retour d’Algérie, avant de s’installer à Cosne, il fait son “compagnonnage” comme aide auprès de clientèles différentes pendant sept ans. Dans le Cher et dans l’Allier, notamment, il se forme aux côtés de vétérinaires majors de leur promotion à Lyon. Une fois sa plaque vissée, il prend des aides, pendant trois ans. Toutefois, la clientèle se développant, il finit par s’associer avec « un homme en or ». L’essentiel de son activité concerne les bovins, surtout les charolais, mais aussi les chevaux, les porcs et les moutons. « La canine ne représentait pas 5 % de l’ensemble. Je n’étais pas un spécialiste du cheval, comme peuvent l’être les bac + 11 d’aujourd’hui. Mais à l’époque, le cheval de trait commençait à se raréfier et il n’y avait pas encore beaucoup de chevaux de loisir ou de sport. Aussi, les jeunes n’avaient pas l’occasion de se familiariser avec cette clientèle et j’étais conduit à aller de plus en plus loin. J’étais un généraliste et je référais aux spécialistes lorsque je le jugeais nécessaire. C’est ainsi que j’ai été sollicité, après ma retraite, pendant encore près de quinze ans. »

« Chaque cas est particulier »

Depuis 1985 donc, Georges Buvat développe le service SOS Poulain. « Au départ, je me disais qu’un coup de téléphone de plus ou de moins, ce ne serait pas prenant. Mais dès la première année, j’ai eu trente contacts, et quatre ans après, j’en étais à trois fois plus. Aujourd’hui, j’en reçois près de deux cent cinquante, et j’ai même eu naguère un pic à plus de trois cents ! » « Le nombre d’appels concernant les poulains ne diminue pas, ce qui n’est pas le cas pour les juments. Les propriétaires des poulains, en effet, ne jouent pas toujours le jeu. Parfois, ils rendent la jument vide, ou avec les pieds non entretenus, ou non vaccinée, alors qu’elle était au terme de son immunité… sans chercher toujours à dédommager son propriétaire ! Mon rôle consiste seulement à les mettre en relation l’un avec l’autre. Bien entendu, je leur donne des conseils en qualité de vétérinaire et préconise de trouver un arrangement entre eux dès l’adoption du poulain. Mais il est impossible d’édicter des règles, de mettre un contrat sur pied. Chaque cas est particulier. »

« A chaque adoption, je suis content comme un gamin »

Pour autant, le service gratuit SOS Poulain permet de réaliser chaque année une trentaine d’adoptions. Pour Georges Buvat, c’est la récompense suprême : « Malgré mes services, je me fais plus souvent enguirlander que remercier ! Certains me reprochent de leur adresser des personnes peu aimables… Beaucoup ne me donnent jamais signe de vie lorsque l’adoption a réussi. Mais à chacune d’entre elles, je suis content comme un gamin. Et puis, il y a des remerciements qui valent pour tout le reste. Un éleveur m’a ainsi fait savoir que sa pouliche, élevée grâce à SOS Poulain par une jument de loisir, est devenue, en 1995, la meilleure pouliche AQPS(1) de quatre ans en France. Elle avait gagné deux courses à Auteuil et une autre en Angleterre ! »

Pense-t-il passer bientôt la main ? « Cela ne sera pas facile de me trouver un successeur. Il faut un retraité, bénévole, qui aime les chevaux et plutôt vétérinaire. Pour l’heure, je n’ai pas trouvé. Mais je peux assurer quelque temps encore. »

  • (1) AQPS : autre que pur-sang. Cet acronyme regroupe deux catégories de chevaux : les demi-sang, coursiers de fond adeptes de l’obstacle descendant de selles français, et les arabes.

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