Dans vingt ans, les éleveurs laitiers seront cinq fois moins nombreux - La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009

Séance académique. Avenir de la filière lait

Actualité

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Quelles sont les perspectives d’évolution de la production laitière bovine ? Telle est la question qui a secoué la séance commune de l’Académie vétérinaire de France et de l’Académie d’agriculture, le 19 novembre dernier. Dès l’introduction, la dynamique est posée par Jacques Delage, de l’Institut de l’élevage : d’après ses données, le nombre d’exploitations laitières a chuté de 60 % entre 1991 et 2007, pour une baisse de 2 % seulement de la production de lait. L’augmentation de productivité des vaches laitières en Europe se vérifie dans tous les pays, à l’exception de l’Irlande, qui conserve un modèle herbager et des races locales.

Sur le plan mondial, six pays se partagent 77 % des exportations (voir graphique). La Russie, le Mexique, l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Indonésie et la Chine sont les principaux importateurs. L’Europe, régie par le système des quotas depuis 1984, a une production stable d’environ 150 millions de tonnes.

Des raisons structurelles (impact du changement climatique, abandon des politiques publiques d’intervention, réduction des stocks) et des causes conjoncturelles (cours du pétrole, accidents climatiques ou décisions politiques) ont contribué à l’instabilité actuelle du marché du lait et augmentent la volatilité des prix. Pour Jean-Paul Jamet (Centre national pour la promotion des produits agricoles et alimentaires), la filière laitière va devoir surmonter deux défis et affronter deux incertitudes. Le premier défi sera de mettre en valeur l’intérêt physiologique et nutritionnel des lipides du lait, car la production laitière ne peut être valorisée que sur sa matière protéique. Certains lipides du lait possèdent des effets physiologiques bénéfiques. L’acide myristoléique a une action antioxydante et anti-inflammatoire. Les dérivés des acides vaccéniques (C 18 : 1 (n-7) trans) et ruméniques (C 18 : 2, cis 9 trans 11) jouent un rôle dans la β-oxydation et ont une action antitumorale. Le deuxième défi sera de réconcilier élevage et environnement. Quant aux incertitudes, elles concernent les conséquences du changement climatique et la compétition des surfaces (forêts, pâturages et terres labourables).

Il restera entre vingt et trente mille producteurs en 2035

Depuis l’instauration des quotas en 1984, une restructuration s’est rapidement mise en place en Europe, et à un moindre degré en France. Pour Jean-Claude Guesdon, de l’Institut de l’élevage, les objectifs politiques affichés durant les vingt-cinq dernières années – garder du lait sur tout le territoire et privilégier l’émergence de structures moyennes à 2 000 000 l/UTA – sont contradictoires à long terme. En effet, le premier a été largement favorisé, ce qui a engendré une sous-réalisation de quotas dans les régions à faible vocation laitière. Le nombre d’exploitations est en réduction constante et cette tendance va se poursuivre. Selon le scénario d’évolution démographique de l’Institut de l’élevage, il restera entre vingt mille (un départ remplacé sur cinq) et trente mille (maintien de mille deux cents installations par an) producteurs en 2035 (voir courbe).

La médecine individuelle tend à disparaître avec la croissance des cheptels

De dix-sept vaches en 1984, l’élevage moyen est passé à quarante-quatre têtes en 2009, et seulement 1,6 % des exploitations ont plus de cent vaches en lactation. L’augmentation de la taille des troupeaux est amorcée en Europe, sur le modèle américain où 42 % du lait est produit dans des élevages de plus de cinq cents bêtes.

« La taille des fermes est-elle une concentration de problèmes ou une concentration de solutions », a demandé Michel Vagneur (Pfizer) en préambule de sa présentation sur la gestion de la santé dans les grands élevages. Il s’agit alors d’exploitations hors sol, avec une logique d’entreprise comprenant propriétaire, gestionnaires et salariés, formés ou à former, ainsi que des fournisseurs et des intervenants extérieurs.

Aux Etats-Unis, 20 % de la mortalité reste inexpliquée, faute d’autopsie pour établir un diagnostic. « Or sans diagnostic, il n’y a pas de prévention possible », a-t-il insisté. La présence du vétérinaire devient planifiée, pour des suivis de reproduction ou le contrôle régulier de l’élevage, et les animaux malades lui sont présentés à ce moment-là. La médecine individuelle est alors quasi inexistante, avec un renforcement possible des risques sanitaires via les zoonoses ou les maladies émergentes et réémergentes.

La génétique offre de bonnes perspectives d’amélioration des performances de reproduction et de résistance aux maladies et la sélection génomique devrait permettre de produire des vaches mieux adaptées aux conditions climatiques, mais également aux besoins du consommateur.

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