Limiter les traumatismes est la clé d’une opération réussie - La Semaine Vétérinaire n° 1382 du 27/11/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1382 du 27/11/2009

Chirurgie digestive chez le chat

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Masson

Cela revient à restreindre la contamination, à lutter contre l’ischémie, à soigner les sutures et à préserver la physiologie.

Les praticiens ont souvent l’occasion de pratiquer des entérotomies ou des entérectomies. Devant le risque de déhiscence de suture intestinale et de péritonite associée, chacun est à la recherche de la meilleure technique chirurgicale, celle qui permet de limiter le plus possible les complications. Mais plutôt que de se mettre en quête de “recettes” techniques, notre confrère Laurent Findji conseille de revenir à l’essentiel. Les facteurs limitants du succès de l’intervention sont en effet généralement l’état de traumatisme dans lequel le chirurgien laisse les tissus (manipulation trop traumatique, incapacité à soigner la lésion préexistante) et la perturbation de la bonne physiologie de l’intestin. Ainsi, « la chirurgie a beaucoup évolué d’un point de vue technique depuis William Halsted, mais les bases restent les mêmes : préserver les tissus et la vascularisation, notamment par une manipulation délicate », indique-t-il. Le chirurgien doit assurer à l’organisme des conditions optimales pour sa guérison.

En premier lieu, il convient d’intervenir en milieu sain, c’est-à-dire sur des portions intestinales susceptibles de bien cicatriser. Cela implique une réanimation périopératoire adéquate. L’objectif est, entre autres, d’obtenir un taux d’hématocrite supérieur à 25 % et une albuminémie supérieure à 20 g/l avant, pendant et après l’opération. La réanimation postopératoire est également importante : une reprise alimentaire entérale précoce préserve la fonction de l’intestin grêle, diminue le risque de translocation bactérienne. Elle est en outre plus simple, plus sûre et plus économique qu’une mise sous perfusion… Il convient d’anticiper les difficultés liées à cette reprise alimentaire, par exemple en plaçant une sonde naso-œsophagienne au cours de l’intervention plutôt que d’attendre plusieurs jours de diète postopératoire.

Lors d’intervention sur un intestin non inflammé, une antibioprophylaxie suffit

Il faut ensuite préserver le site opératoire le mieux possible. Cela revient à limiter la contamination, à lutter contre l’ischémie et à protéger la physiologie.

Afin de limiter la contamination, il convient d’isoler le site chirurgical. Il est possible d’utiliser des compresses humides au-dessus d’un champ en plastique, qui recouvre lui-même le premier champ. Changer de boîte d’instruments en cours d’intervention n’est souvent pas le facteur limitant et peut, lorsque le site opératoire est bien isolé et les fuites du contenu intestinal limitées, tout à fait être remplacé par un rinçage soigneux. La contamination bactérienne est également réduite par l’excision de la muqueuse éversée avant la suture et le renforcement des sutures par omentalisation ou patchs séreux.

Si l’intestin est non inflammatoire (résection de tumeurs, par exemple), une simple antibioprophylaxie est recommandée. L’injection doit alors être faite à l’induction (environ trente minutes avant l’incision cutanée) afin d’atteindre des taux sériques suffisants. Une antibiothérapie d’une durée minimale de cinq jours environ est en revanche indispensable lors d’inflammation marquée du tractus digestif, en raison du risque de translocation bactérienne. Les antibiotiques de choix sont la céphalexine, les Β-lactamines et le métronidazole. « Mais si la chirurgie est traumatique, l’antibiothérapie ne vous sauvera pas ! », précise Laurent Findji.

Privilégier la vascularisation par rapport à l’étanchéité

Plusieurs règles sont à respecter dans le but de limiter l’ischémie :

– inciser dans des zones saines et susceptibles de bien cicatriser. Ainsi, lors d’obstruction par un corps étranger, l’incision doit se faire sur la partie en aval, en raison de l’inflammation et du traumatisme présents en amont ;

– diminuer le nombre de points et ne pas trop les serrer. Obtenir une étanchéité parfaite n’est pas toujours l’objectif à atteindre, car un dépôt de fibrine viendra compléter la suture quelques heures après l’intervention. L’épiploïsation augmente l’étanchéité et favorise la néovascularisation ;

– pendant la réalisation de l’anastomose, maintenir l’anse, isolée grâce à des compresses, à l’aide de pinces de Doyen ou entre les doigts de l’assistant, mais surtout pas avec des clamps (« les fuites, mineures et traitées, sont moins graves que le traumatisme lié aux pinces »);

– intervenir sur le bord antimésentérique pour préserver la vascularisation (entérotomie), prendre le soin de ne pas comprimer la vascularisation jéjunale et ne pas trop extérioriser la masse intestinale, car la traction exercée sur les vaisseaux mésentériques diminue leur perméabilité ;

– prendre soin de ne pas ligaturer les vaisseaux mésentériques qui desservent les lignes de résection intestinales ;

– pratiquer les résections obliques aux dépens du bord antimésentérique.

Entérotomie ou entérectomie : un choix parfois difficile

Pour juger de la viabilité des tissus digestifs, il est possible de se fier en priorité au péristaltisme et au pouls artériel, mais aussi à la couleur et à la consistance des tissus. Cependant, il s’agit de critères subjectifs. L’oxymétrie de pouls et l’injection de fluorescéine suivie de l’observation de l’intestin sous la lumière de Wood sont possibles en clinique, mais restent marginales en pratique.

Une résection large n’est pas impossible : le syndrome de l’intestin court n’apparaît qu’après résection de plus de 70 % de la longueur de l’intestin grêle.

En cas de doute, il est tout à fait possible d’être conservateur dans un premier temps et de prévoir une nouvelle exploration, « comme tout praticien, dans le cadre d’un délabrement cutané, réexaminerait la plaie en changeant un pansement », remarque Laurent Findji. La démarcation entre le tissu sain et le tissu nécrosé est bien visible dans les quarante-huit heures. Cette attitude nécessite une grande vigilance quant au développement possible d’une péritonite : la réexploration chirurgicale doit être pratiquée plus tôt au moindre doute.

Inclure la sous-muqueuse dans la suture est indispensable

Les plaies d’entérotomie et d’entérectomie doivent être fermées en un plan chez les petits animaux, en prenant soin d’incorporer la sous-muqueuse dans chaque point. Le moyen le plus sûr est de réaliser des points perforants. « Il est moins grave de perforer l’anse ou de laisser une éversion de muqueuse que de ne pas inclure la sous-muqueuse dans la suture. »

Lors d’entérotomie, un surjet est envisageable à la place de points simples. L’utilisation d’agrafes lors d’entérectomie est aussi possible, mais ne doit en aucun cas être considérée comme un moyen de pallier une technique incertaine.

Le soin apporté aux sutures sur le bord mésentérique est particulièrement important. Il s’agit de la zone la plus sensible à l’ischémie et la face externe de la paroi intestinale y est plus difficilement visualisable en raison des vaisseaux et du tissu adipeux. Or « c’est généralement la zone par laquelle on finit », souligne Laurent Findji. Il convient donc de changer ses habitudes et de terminer par le bord antimésentérique. Pour sa part, notre confrère pose d’abord un premier point mésentérique, puis un second antimésentérique afin d’éviter les rotations anatomiques.

En cas d’abouts de diamètres différents, une incision est pratiquée sur le plus petit. L’about le plus étroit est incisé diagonalement, en laissant le bord antimésentérique plus court pour préserver la vascularisation. Par ailleurs, une incision longitudinale le long de son bord antimésentérique peut permettre d’accroître sa circonférence.

L’épiploïsation est le geste simple qui augmente les chances de bonne cicatrisation digestive. Elle consiste à apposer une portion du grand omentum sur la plaie digestive à l’aide de quelques points simples.

CONFÉRENCIER

Laurent Findji, praticien à Londres, exercice exclusif en chirurgie, diplômé du Collège européen de chirurgie.

Article rédigé d’après la conférence « Entéro-entérectomie : l’essentiel », présentée lors du congrès du Chat à Arcachon, mai 2009.

Points forts d’une bonne suture intestinale

• Suture intestinale en un plan.

• Incorporation de la sous-muqueuse (suture perforante).

• Points apposant les berges de la plaie sans les écraser.

• Points à une distance de 2 à 3 mm des bords et espacés de 2 à 4 mm.

• Monofilament résorbable (voire tressé induit).

• Aiguille ronde (ou mixte).

L. M.
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