Le goût de la collection, pour un hyperactif bon vivant…

Philippe Besnard a vissé sa plaque en 1976 à Riom, dans le Puy-de-Dôme, en face de la gare : « A l’époque, j’étais le seul vétérinaire canin dans la région. Du lundi matin au samedi soir, de très tôt à très tard, mon cabinet ne désemplissait pas ! Il m’arrivait, dans l’année, de vacciner contre la rage plus de mille animaux. L’euthanasie était aussi plus fréquente qu’aujourd’hui. A la campagne, les propriétaires ne ressentaient pas la même envie de faire soigner leurs animaux quand ces derniers étaient patraques. Attention, je fais partie des dinosaures… En 1972, à l’école, nous pratiquions encore l’anesthésie des chats à l’éther ! » Peu à peu, il a vu s’installer ses confrères, les uns après les autres. « Actuellement, nous sommes quatorze sur le même périmètre ! J’ai perdu un tiers de ma clientèle en nombre, mais j’ai soigné les chiens et les chats des parents, puis ceux des enfants… Si Dieu me prête vie, je m’occuperais de ceux des petits-enfants ! » Le praticien travaille en effet beaucoup moins qu’avant… Il a désormais une remplaçante un jour par semaine, et chaque midi, fini la dînette sur un coin de la table d’opération. Il se rend à la “cantine” d’à côté, « un petit restaurant sympa » où il retrouve la même équipe d’habitués : commerciaux, garagiste, assureur, etc. Pas besoin de lire le journal, de regarder le JT ou de sortir en ville : toute l’information locale, nationale et mondiale est passée en revue !

Un hyperactif, curieux de tout

Boute-en-train aux allures d’éternel adolescent, malgré ses cinquante-neuf printemps, Philippe Besnard ne cultive certainement pas la prétention. Evoquant le président du Sénat, Gérard Larcher, son condisciple et président du cercle Bourgelat de l’école de Lyon quand lui-même en était le vice-président, il confesse tout uniment : « C’était un garçon brillant, sorti major de l’école ; je n’ai jamais été à sa hauteur. » Le mot « docteur » ne figure même pas sur ses cartes de rendez-vous. Seule apparaît sa spécialité inédite : médecine et chirurgie générales ! « Lorsque ce n’est plus de mon ressort, j’oriente mes clients vers un spécialiste. Notre métier a besoin de généralistes, de cliniciens, de palpeurs. Mon boulot me passionne. Il n’y a pas un matin où je n’ai pas envie de bosser. » Et avec le sourire, toujours une bonne blague au bord des lèvres ou une facétie à dévoiler : ayant imité l’écriture de Woody Allen, il arbore dans son bureau ce propos du cinéaste : « Je m’intéresse à l’avenir, car c’est là que j’ai l’intention de passer mes prochaines années. » Derrière ses lunettes, ses yeux vifs semblent toujours en quête de nouveauté. Philippe Besnard est en réalité un hyperactif, curieux de tout. Membre du Lions club de Riom-Châtelguyon, amateur de trek, de photographie, de randonnée cycliste, de bonsaïs, de whisky. Il est par ailleurs un collectionneur insatiable.

« Je suis un palpeur »

Cela a débuté par les timbres : « Ma mère travaillait dans le service outre-mer d’une administration. Elle m’en rapportait régulièrement ; ils étaient oblitérés et venaient de tous les pays. Je les décollais alors et les séchais entre deux tapis.C’étaitdevenuune addiction. Avec la collection de mon père, dont j’ai hérité, j’ai aujourd’hui une quinzaine d’albums et j’en accumule toujours… en attendant d’avoir le temps de m’en occuper lorsque je serai à la retraite ! » Adepte des brocantes, il en visite plusieurs le dimanche, voire le samedi. Il lui arrive d’assister au déballage, dès les premières lueurs du jour, avant d’ouvrir son cabinet à 8 h : « J’ai le goût de la collection. J’aime bien manipuler les objets, tout ce qui a été fait et touché par d’autres. Je ne pourrais pas acheter sur le Net. Je suis un palpeur. » Plaques et vieux instruments vétérinaires, œufs en bois pour repriser les chaussettes, petits marteaux professionnels, cannes sculptées, toupies d’enfant, pots et bols jaunes, vases Monaco avec un fond noir… Philippe Besnard aime le bel objet, celui qui raconte une histoire. Ainsi se passionne-t-il également pour les ouvrages reliés d’antan, les photos antédiluviennes, les cahiers scolaires calligraphiés de nos aïeux, les grands livres illustrés d’avant-guerre, les plumeaux, les plumes Sergent-Major, etc. « Je suis un amateur de mots. La force du témoignage écrit, qui ne s’efface pas, m’émeut. J’ai des lettres d’amour, des cartes postales rédigées à la mine de plomb par des poilus, dans les tranchées, qui sont parfaitement lisibles et expriment en langage phonétique des sentiments très forts. C’est poignant ; on est à des années-lumière du SMS ! »

Un improbable « bazar organisé »

Esthète averti, il bibelote les statuettes de femmes nues, détient d’affriolants albums de nus, parfois colorisés, de la Belle époque et des Années folles, vendus alors sous le manteau ! Amoureux de la chanson française, il écoute en boucle ses quarante-cinq tours au son « inégalable » : il en a plus de cinq mille ! Dans les innombrables vitrines, armoires d’époque et autres meubles de rangement de sa grande maison d’architecte, Philippe Besnard dévoile avec délectation son « bazar organisé ». Le premier salon des antiquaires « du coin, à Châtelguyon », n’a-t-il pas été créé avec le soutien de la Jeune chambre économique dont il faisait partie à l’époque, sur sa propre initiative ? C’était en 1981 !