Vendre un rat n’est pas un acte anodin - La Semaine Vétérinaire n° 1377 du 23/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1377 du 23/10/2009

Commerce de nouveaux animaux de compagnie

Gestion

DÉBAT JURIDIQUE

Auteur(s) : Michel Ravelet

Une mère emmène son fils dans une jardinerie de Normandie, le 7 juillet 2004, pour acheter un rat. L’animal semble en parfaite santé dans sa cage, parmi ses congénères, mais trois jours plus tard, il mord l’enfant qui va rapidement montrer des symptômes d’infection grave. La victime est placée en réanimation dans un centre hospitalier universitaire. Le professeur responsable du service diagnostique « un tableau infectieux sévère, à Streptobacillius moniliformis lié à la morsure du rat ». Selon son témoignage, ce type d’infection peut être mortel dans 10 % des cas chez les personnes non traitées, et dans 7 % des cas chez les sujets soignés.

Fort heureusement, l’enfant sort de l’hôpital quelques jours plus tard, sans séquelle, tandis que la jardinerie, informée des faits, retire de la vente tous les rats entrés en contact avec l’animal vendu, tout en recherchant d’éventuels autres acquéreurs.

La mère assigne la jardinerie en responsabilité civile devant le juge de proximité d’Elbeuf, lui reprochant d’avoir vendu un rat malade et d’avoir manqué à son devoir de conseil en ne l’avertissant pas du caractère dangereux de ce type d’animal et des risques sanitaires encourus. Dans un jugement dont la rédaction, il faut bien le reconnaître, laisse à désirer, le tribunal condamne la jardinerie à 2 000 € de dommages-intérêts au profit de l’enfant, et 500 € au profit de la mère. La jardinerie se pourvoit en cassation – le faible montant de la condamnation ne permettant pas d’interjeter l’appel – mais la cour confirme le jugement, dans un arrêt du 14 mai 2009(1).

La jardinerie a manqué à son obligation d’information et de conseil

Au-delà des faits, l’analyse juridique menée par les deux juridictions doit être retenue par tous les professionnels qui interviennent dans le commerce des nouveaux animaux de compagnie, même si les caractéristiques intrinsèques du rat y sont prédominantes…

Malgré quelques témoignages de proches de la victime, il n’est pas acquis que, dans cette affaire, le rat vendu ait été malade au jour de la vente, comme le remarquent les juges. La jardinerie ne peut donc pas se voir reprocher de négligence à ce stade et sa responsabilité ne peut être engagée sur la base de l’article 1 382 du Code civil (celui qui occasionne un dommage à autrui est tenu de le réparer).

En revanche, le demandeur reproche à ce professionnel d’avoir manqué à « son obligation d’information et de conseil » en n’attirant pas son attention sur les risques de morsures, et invoque à ce titre l’article 1 147 du Code civil qui dispose que « le débiteur (d’une obligation) est condamné au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution ». Le moyen produit devant le tribunal souligne également que l’acheteur d’un rat domestique n’a en principe, contrairement à l’acquisition d’un serpent venimeux, ni connaissance ni conscience de s’exposer à un risque mortel.

Pour sa défense, la jardinerie a fait valoir qu’il n’existe en ce domaine aucun devoir d’information ou de conseil précis, puisqu’aucun texte ne vise ce domaine spécifique. Elle souligne également que l’acheteur d’un rat « est habituellement averti du fait qu’il s’agit d’un animal qui ne présente pas toutes les garanties d’hygiène ». Dès lors, toujours selon la défense, il doit en déduire que le risque de morsure infectieuse, donc éventuellement dangereuse, de la part d’un rongeur connu pour sa saleté, est de la connaissance de tous.

L’acheteur d’un rat domestique n’a pas conscience du risque de maladie

Le débat juridique peut donc se résumer ainsi : l’acheteur connaît-il le risque potentiel de ce type d’animal, compte tenu de la fort mauvaise réputation sanitaire qu’il traîne derrière lui, de façon ancestrale ? Ou bien l’aspect domestique du rat, devenu animal de compagnie, doit-il inciter le vendeur professionnel à ce qui s’apparente quasiment à une piqûre de rappel ?

Les juges, notamment ceux de la Cour de cassation, vont opter pour la seconde solution : « L’acheteur n’a ni connaissance ni conscience qu’en achetant un rat domestique il s’expose à un risque de maladie (…). Le vendeur, en tant que professionnel, a manqué à son devoir d’information en ne portant pas ce risque à la connaissance de l’acheteur. »

Il devient donc acquis qu’en vendant un rat, il faut désormais attirer l’attention de l’acquéreur sur sa dangerosité sanitaire intrinsèque. Avec la lancinante question de se ménager la preuve qu’une telle information a bien été délivrée.

Cet arrêt soulève également la question de sa transposition à d’autres nouveaux animaux de compagnie, même s’ils ne traînent pas derrière eux la sulfureuse réputation du rat…

  • (1) 1 civ. n° 08-16395.

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