QUEL ENSEIGNEMENT POUR UN MONDE PLUS SÛR ? - La Semaine Vétérinaire n° 1377 du 23/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1377 du 23/10/2009

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Auteur(s) : Marine Neveux

« Les services vétérinaires sont un bien public international. » En prendre soin signifie veiller à la formation de ceux qui en constitueront demain les forces vives. Quelque quatre cent cinquante directeurs d’écoles, vétérinaires officiels et représentants de la profession, réunis à l’initiative de l’OIE, ont dessiné les contours de l’enseignement du futur. Avec un mot d’ordre commun : mieux armer les étudiants pour travailler dans un contexte mondial.

Un enseignement vétérinaire qui bouge pour un monde plus sûr. » Vaste programme. La conférence organisée par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) du 12 au 14 octobre dernier à Paris a été riche d’échanges, de débats et de perspectives, avec en point d’orgue l’établissement d’une liste de recommandations de base pour tout cursus d’enseignement vétérinaire(1). Pas question, en effet, de prendre à la légère la formation des futurs praticiens, car « la santé animale est un bien public », a souligné notre confrère Bernard Vallat, directeur de l’OIE. Dans ce contexte, une solidarité avec les pays les plus défavorisés est notamment nécessaire. « Nous leur devons un appui technique et politique. L’objectif de l’OIE n’est pas d’adopter des normes internationales sur l’éducation, mais de déterminer le minimum nécessaire pour chaque vétérinaire », avec pour objectif d’atteindre ce « monde plus sûr ». Pour cela, l’enseignement doit évoluer, pour faire face aux nouveaux défis, nationaux et internationaux, et rejoindre les attentes sociétales.

Enseigner la « culture de l’adaptation » face aux changements mondiaux perpétuels

« Les étudiants arrivent dans les établissements d’enseignement en rêvant de Daktari, résume Pierre Lekeux, doyen de la faculté de Liège (Belgique). C’est aujourd’hui une vision révolue, car il existe de nouvelles spécialités, espèces, technologies, réglementations, mais aussi de nouvelles exigences des clients. Il devient irréaliste d’être un expert dans toutes les disciplines et matières. » Il est ainsi nécessaire d’apprendre, même une fois sorti de l’école, pour acquérir de nouvelles compétences au fil du temps, mais aussi faire preuve d’adaptabilité. « Nous devons enseigner une culture de l’adaptation. Le monde est en changement constant, il faut s’adapter rapidement. »

Parmi ces changements, plusieurs intervenants ont mis en exergue les prévisions de l’accroissement démographique mondial. « La faim est la première menace pour la santé publique dans le monde : c’est un défi aussi bien pour la médecine vétérinaire qu’humaine », a insisté Alan Kelly, doyen honoraire de l’école de médecine vétérinaire de l’université de Pennsylvanie. Face à cette situation, il est nécessaire que « les confrères fassent preuve d’engagement dans tous les domaines de la santé. Les médecins ne comprennent pas l’importance de la profession vétérinaire, ils ne comprennent pas que la production alimentaire, c’est aussi la santé humaine. En la matière, la profession communique mal ». « D’ici à 2050, neuf milliards de personnes devraient peupler la Terre, ce qui signifie une demande croissante en viande. En tant que vétérinaires, nous avons un rôle majeur à jouer », a renchéri lord Soulsby, membre de la Chambre des lords et doyen de l’université de Cambridge (Royaume-Uni).

Plutôt qu’accumuler les connaissances, veiller à leur pertinence

Face à ces défis, « nous voulons des exigences minimales de compétences pour les vétérinaires », a expliqué le Néerlandais Tjeerd Jorna, président de l’Association mondiale vétérinaire. Ces minima doivent permettre d’assurer le contrôle des maladies majeures des animaux domestiques, la conduite de l’inspection alimentaire, la sécurité alimentaire de la nourriture d’origine animale, la sécurité de la santé et du bien-être animal, le contrôle des affections zoonotiques, la conduite de la recherche, la participation à la sauvegarde de l’environnement et des écosystèmes.

Si la profession souhaite un niveau minimal de compétences pour ses diplômés, la société fait preuve des mêmes attentes, ce qui implique de savoir communiquer avec les clients. Ces derniers souhaitent un standard élevé, d’où l’importance d’acquérir des connaissances tout au long de la vie, a souligné Stephen May, du Royal Veterinary College de Londres, même si « personne ne peut tout savoir ». Le risque « dans nos universités, gardiennes de la connaissance, est que nous chargions les étudiants sous le poids des contenus, ce qui peut mener à la superficialité, à la réplication plutôt qu’à l’adaptation à la pratique ». Et de poursuivre : « Nous ne devons pas être tentés de surcharger le contenu avant le diplôme, mais évaluer sa valeur et sa pertinence. Il est nécessaire que les étudiants aient la capacité de penser de façon holistique. » Stephen May a aussi insisté sur l’importance de pouvoir bénéficier d’un bon jugement d’après l’evidence based medicine. La créativité, la gestion des situations nouvelles, le travail en équipe, l’apprentissage personnel, le déploiement de nouvelles compétences, etc., sont donc les buts vers lesquels doivent tendre les vétérinaires. D’ailleurs, la formation continue tout au long de la carrière professionnelle est requise dans plus de la moitié des pays européens.

Une harmonisation nécessaire pour l’évaluation des établissements

La réunion de l’OIE a par ailleurs permis de faire un point sur les processus de sélection des étudiants, variables d’un pays à l’autre, tout comme l’évaluation des établissements. Face aux disparités constatées, plusieurs congressistes ont plaidé pour une harmonisation, dans le but de niveler les niveaux d’enseignement.

En Europe, l’évaluation est réalisée par l’Association européenne des établissements d’enseignement vétérinaire (AEEEV) et la Fédération vétérinaire européenne (FVE). Le directeur exécutif de cette dernière, Jan Vaarten, rappelle que les programmes de formation sont établis au niveau national, tout comme la réglementation de la profession vétérinaire. Toutefois, « les écoles membres de l’AEEEV ont l’obligation de faire une demande d’évaluation. Elle est prévue et organisée. Dans un premier temps, un rapport d’auto-évaluation est établi, puis des équipes se déplacent pour une visite d’inspection, qui donne lieu à un rapport ». Trois résultats sont alors possibles : l’école est approuvée, l’approbation est conditionnelle (un certain nombre de lacunes sont à combler dans un temps raisonnable), l’approbation est refusée (des déficiences majeures sont relevées). Les résultats sont publiés sur l’Internet. La force de ce système est la clarté et la transparence des procédures. Sa faiblesse est le manque de sanctions légales et l’absence de participation de certains établissements (voir tableau). « Une harmonisation globale des cursus nécessite de collaborer avec les écoles, les organisations professionnelles, les corps de régulation, etc. Il faut aussi établir des standards. Les procédures et les résultats doivent être transparents. Il convient en outre qu’ils influent sur la délivrance du diplôme », a conclu Jan Vaarten.

De l’autre côté de l’Atlantique, « chaque école est évaluée selon sa capacité à répondre à onze normes remises à jour régulièrement. La procédure d’accréditation débute par l’envoi d’un document à remplir par les collèges. Une visite est ensuite organisée sur place. Sept membres de l’Avma se rendent dans l’institution pendant une semaine. L’accréditation est assignée pour une période de sept ans. Il en existe cinq catégories », explique Ron De Haven, vice-président exécutif de l’American Veterinary Medical Association (Avma). Des ressemblances existent entre ce processus d’accréditation et les dispositifs australien et européen. Un bon point dans un secteur où l’harmonisation semble être la voie d’avenir.

  • (1) Les réflexions et commentaires issus de ces trois journées sont consultables et peuvent faire l’objet de commentaires sur le site de l’OIE, jusqu’à la fin du mois.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1374 du 2/10/2009 en page 14.

  • (3) www.welfarequality.net

La Semaine vétérinaire version étudiante

La Semaine vétérinaire européenne était organisée du 28 septembre au 4 octobre dernier(2). Cette opération de l’Union, destinée à communiquer sur la profession, a également fédéré les étudiants. Diana de Rooij, en 6e année à l’université d’Utrecht (Pays-Bas), actuellement en stage à la DG-Sanco, a ainsi présenté les initiatives organisées à cette occasion dans les différentes universités européennes. « Vingt pays se sont impliqués durant cette Semaine européenne. » Diana de Rooij a notamment cité l’exemple de l’école vétérinaire de Lyon, qui a célébré la journée mondiale des animaux le 4 octobre, autour du concept « une seule santé ». Un groupe EU veterinary week s’est par ailleurs créé sur facebook.

M. N.

Importance croissante du bien-être animal

« Au cours des dernières années, des chaires de bien-être animal ont été créées dans les écoles vétérinaires », constate le Néo-Zélandais David Bayvel, directeur du groupe “animal welfare” de l’OIE. Au Royaume-Uni, le Royal College of Veterinary Surgeons, l’équivalent du Conseil supérieur de l’Ordre, a mis en place un diplôme postdoctorat sur cette thématique.

Des initiatives similaires sont menées en Australie et en Nouvelle-Zélande. Cela montre la prise en compte croissante de ce sujet, qui a notamment fait l’objet d’un ouvrage dans lequel « l’OIE a regroupé les courants de pensée influents, tant en termes d’information que de formation, pour étudier la façon de faire progresser le bien-être animal au niveau international ». Plusieurs domaines sont concernés : nutrition, environnement, santé, comportement, etc.

Le Welfare Quality Project(3) vient d’être achevé, après cinq ans, et rassemble quarante-quatre instituts et universités qui représentent treize pays de l’Union européenne et quatre d’Amérique latine. Des protocoles (transport, logement, etc.) ont été développés pour les porcs, les volailles et le bétail.

M. N.
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