Les poxvirus menacent les populations d’écureuils - La Semaine Vétérinaire n° 1377 du 23/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1377 du 23/10/2009

Variole

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois

Un Leporipoxvirus aux Etats-Unis et le Squirrel poxvirus outre-Manche provoquent des lésions cutanées fatales.

La variole, qui touche les populations d’écureuils gris (Sciurus carolinensis) à l’est des Etats-Unis, vient d’être identifiée dans les Florida Keys, l’archipel situé au large de la Floride. La variole, ou fibromatose de l’écureuil, est causée par un Leporipoxvirus, genre qui comprend notamment le virus de la myxomatose du lapin. Les premiers cas de fibromes cutanés chez des écureuils gris sauvages ont été rapportés en 1953 dans l’état du Maryland, puis d’autres épisodes ont suivi dans tout l’est des Etats-Unis, depuis la frontière canadienne jusqu’en Floride. La maladie est endémique dans la péninsule de Floride depuis l’épizootie de 1999, mais aucun cas n’avait été observé dans l’archipel avant cette année.

La fibromatose de l’écureuil gris américain est bien supportée par les populations

Le virus de la fibromatose de l’écureuil cause des tumeurs cutanées multiples, avec ulcération et nécrose, initialement localisées au niveau de la tête et des membres. La maladie est fatale lorsque les tumeurs sont en surnombre ou quand elles couvrent les yeux, ce qui gêne la vision et la recherche de nourriture. Les tumeurs semblent se développer préférentiellement à l’endroit d’une piqûre de moustique, vecteur probable du virus. Il s’en forme parfois au niveau des organes internes.

Selon le Michigan Department of Natural Ressources, la fibromatose de l’écureuil, bien que commune chez l’écureuil gris, n’a pas de répercussion démographique significative. Dans les cas les moins graves, les lésions régressent spontanément jusqu’à la guérison complète de l’animal. Soins locaux sur les plaies, solutés de réhydratation et antibiothérapie pour limiter les surinfections bactériennes peuvent être envisagés en l’absence de traitement spécifique. Les centres de sauvegarde préconisent également une supplémentation en nourriture facilement accessible pour les individus atteints. Les refuges s’inquiètent néanmoins de la progression de la maladie. « Beaucoup de nos juvéniles ont péri en raison de la propagation rapide et des lésions dévastatrices causées par le virus », rapporte Karen Dettman, fondatrice du centre de sauvegarde Ark Angels Wildlife Rescue. Elle redoute les conséquences catastrophiques de sa propagation pendant la saison des moustiques vers les populations situées plus au sud de l’archipel, déjà considérablement réduites après le passage des derniers ouragans.

Une menace pour la conservation de l’écureuil roux européen

Un autre poxvirus a été identifié durant les années 80 dans les populations britanniques d’écureuil roux (Sciurus vulgaris). Déjà particulièrement répandu en Angleterre et au pays de Galles, il a été mis en évidence en Ecosse en 2005. Egalement appelée variole de l’écureuil, cette maladie se manifeste, chez l’écureuil roux, par des ulcères cutanés, des croûtes et des lésions enflées et suintantes autour des yeux, de la bouche, des pieds et de la zone génitale. Le taux de mortalité est de 100 % quinze jours après l’infection, alors que les écureuils gris ne sont pas affectés par le virus. Il s’agit probablement de l’un des facteurs les plus importants dans le remplacement de l’écureuil roux par l’écureuil gris, espèce invasive introduite depuis l’Amérique du Nord. Dans plusieurs régions d’Europe, les populations d’écureuils roux sont en régression en raison de la concurrence alimentaire avec l’espèce américaine. Selon les estimations des chercheurs, le remplacement par l’écureuil gris est dix-sept à vingt fois plus rapide en présence du virus, comme en Angleterre, qu’en son absence, comme c’est le cas en Italie.

Le Squirrel poxvirus a été attribué initialement au genre Parapoxvirus, mais les caractérisations génomiques récentes le classent en marge de tous les genres de Poxvirus connus. Il n’avait jamais été décrit aux Etats-Unis avant 2006, année où une recherche d’anticorps s’est révélée positive sur sept sérums issus d’écureuils gris du Wisconsin. Ces résultats confirment l’hypothèse selon laquelle le virus a été introduit au sud de l’Angleterre au début du XXe siècle, en même temps que l’écureuil gris.

Les écureuils roux seraient capables de développer des anticorps

Des études sérologiques ont mis en évidence des anticorps chez 61 % des écureuils gris apparemment sains en Angleterre. Au contraire, alors que 75 % d’entre eux présentaient des signes cliniques caractéristiques du Squirrel poxvirus, seulement 3 % des écureuils roux possédaient des anticorps. La corrélation entre la répartition géographique des écureuils gris porteurs d’anticorps et des foyers de variole chez l’écureuil roux semble également désigner l’espèce américaine comme le réservoir du virus.

Les écureuils roux ne semblaient pas développer d’anticorps avant les stades ultimes de la maladie, jusqu’à la mise en évidence récente de huit individus qui ont survécu à la variole en développant une réponse immunitaire. Cette découverte laisse espérer une adaptation hôte-parasite à long terme et suggère qu’un vaccin pourrait être une stratégie efficace pour sauver les populations d’écureuils roux.

POUR EN SAVOIR PLUS

• S. Terrell et coll. : « An epizootic of fibromatosis in gray squirrels (Sciurus carolinensis) in Florida », Journal of Wildlife Diseases, 2002, vol. 38, n° 2, pp. 305-312.

• A. Sainsbury et coll. : « Poxviral disease in red squirrels Sciurus vulgaris in the UK : spatial and temporal trends of an emerging threat », EcoHealth, 2008, n° 5, pp. 305-316.

• www.arkangelswildliferescue.com

• www.scottishsquirrelsurvey.co.uk

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