La vendeuse non professionnelle d’un chiot échappe aux soupçons de dol - La Semaine Vétérinaire n° 1377 du 23/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1377 du 23/10/2009

Cession d’animaux

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

L’acheteuse, également non-professionnelle, a choisi d’attaquer sur le fondement de la mauvaise foi. Commentaire du jugement du 11 août 2009 rendu par le tribunal d’instance de Toulouse.

Les faits de l’espèce

Le 17 octobre 2006, Mme Vendeuse vend à Mlle Acheteuse la chienne C présentée comme de race rottweiler, née le 22 juillet 2006. Mme Vendeuse est propriétaire de la mère de la portée, mais n’est pas une éleveuse professionnelle. Mlle Acheteuse, qui ne fait pas non plus partie du milieu de l’élevage canin, règle entièrement les 400 € du prix de vente le jour de la remise de la chienne.

Dès le mois de février 2007, la chienne manifeste des difficultés lors de certains changements de position, qui semblent douloureux, ce qui conduit Mlle Acheteuse à consulter un vétérinaire. La douleur étant localisée au niveau des hanches, une radiographie de dépistage de la dysplasie coxo-fémorale est réalisée le 20 février 2007. Elle met en évidence une nette dysplasie coxo-fémorale bilatérale, plus marquée toutefois à gauche. En conséquence, la chienne subit une triple ostéotomie correctrice du bassin du côté gauche puis, dans un second temps, la même opération du côté droit.

Les problèmes de santé n’en restent cependant pas là, puisqu’une dysplasie bilatérale des coudes est diagnostiquée fin mai 2007. Mlle Acheteuse, sur les conseils cette fois de deux vétérinaires, fait opérer sa chienne des deux coudes, en une seule intervention, le 25 juin 2007.

Pour couronner le tout, la chienne se met à souffrir des deux genoux et doit subir de nouveau deux interventions chirurgicales, la première le 8 janvier et la seconde le 11 avril 2008. Au total, l’animal présente trois vices : un vice rédhibitoire (dysplasie coxo-fémorale) et deux vices cachés (dysplasie des coudes et problème aux genoux).

Cerise sur le gâteau : la chienne grandit et il devient de plus en plus évident qu’elle ne ressemble pas au standard du rottweiler, alors que le certificat de naissance fait apparaître ses deux parents comme de pure race. En conséquence, la chienne, présentée le 24 février 2008 à l’examen de confirmation, est refusée avec le qualificatif « insuffisant » et l’observation « défauts graves de locomotion ».

Petit rappel sur la notion d’élevage

L’article L.214-6 III du Code rural donne une définition précise et mathématique de l’élevage : « On entend par élevage de chiens ou de chats l’activité consistant à détenir des femelles reproductrices et donnant lieu à la vente d’au moins deux portées d’animaux par an. » Une personne comme Mme Vendeuse, alors même qu’elle possède une chienne inscrite au Livre des origines français (LOF) et réalise un croisement donnant une portée LOF, ne peut, en raison du caractère exceptionnel de la vente de chiots, être considérée comme professionnelle.

Echec des démarches amiables et confirmation des soupçons de l’acheteuse

A de nombreuses reprises, Mlle Acheteuse tente de trouver un accord amiable avec Mme Vendeuse quant aux frais vétérinaires déboursés pour la chienne. Elle pose également des questions quant à la paternité de la portée. Il lui est alors répondu qu’elle peut rendre la chienne au vendeur puisqu’il est manifeste qu’elle n’a pas les moyens financiers de s’en occuper. Quant au père de la portée, Mme Vendeuse écrit : « Il est tout à fait évident que la portée est bien du père A mentionné, puisque c’est le seul chien qui ait approché la mère B. »

Mlle Acheteuse, persuadée que le père déclaré de la portée n’est pas le père génétique des chiots, finit par convaincre le propriétaire du chien A d’effectuer un test génétique permettant de vérifier la paternité. Le résultat du test effectué par le laboratoire Antagène est sans appel : le descendant C est incompatible génétiquement avec A !

Cela ne fait pas changer d’avis Mme Vendeuse et, devant l’échec des tentatives amiables, la procédure judiciaire devient l’unique solution. Mais quelle voie adopter pour obtenir réparation du préjudice ? Comme la vente est intervenue entre deux non-professionnels, il est impossible d’appliquer le Code de la consommation et sa garantie de conformité.

Fondement de l’action sur le Code rural et le Code civil

Comme la dysplasie coxo-fémorale est classée en tant que vice rédhibitoire par le Code rural, il est impossible de penser à appliquer les dispositions du Code civil. Mais du côté du Code rural, les délais sont largement dépassés. Aussi, l’acheteuse choisit d’attaquer sur le fondement du dol, donc de la mauvaise foi de Mme Vendeuse, qui a sciemment vendu un chien avec des origines déclarées fausses. La nullité de la vente n’est pas demandée et l’action porte seulement sur l’octroi de dommages et intérêts.

Quant à la dysplasie des coudes, non classée parmi les vices rédhibitoires par le Code rural, elle peut être considérée comme un vice caché. L’acheteuse tente d’attaquer ici sur le fondement du Code civil, alors que les tribunaux sont partagés quant au sort réservé aux vices non rédhibitoires.

Pour les problèmes de genoux, non classés en tant que vices rédhibitoires par le Code rural, l’acheteuse n’étant pas en mesure de prouver une origine antérieure à la vente, elle choisit, comme pour la dysplasie coxo-fémorale, d’attaquer sur le dol.

Décisions du tribunal

« Sur l’action fondée sur les vices cachés

L’action en garantie dans les ventes d’animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les seules dispositions des articles L.213-1 et suivants du Code rural.

L’article L.213-2 du Code rural prévoit que sont réputés vices rédhibitoires donnant ouverture aux actions résultant des articles 1 641 à 1 649 du Code civil, les maladies ou défauts définis dans les conditions prévues à l’article L.213-4.

L’article R.213-2 pris en application de ce texte, fixe la liste des maladies ou défauts donnant seuls ouverture aux actions résultant des articles 1 641 à 1 649 du Code civil.

Or la dysplasie des coudes n’est pas visée par ce texte, seule l’étant la dysplasie coxo-fémorale, dont était également atteint le chiot, mais sur laquelle Mlle Acheteuse ne fonde pas son action.

Or s’il est constant que les règles de la garantie des vices cachés dans la vente des animaux domestiques peuvent être écartées par une convention contraire qui peut être implicite, force est de constater que l’existence d’une telle convention n’est en l’espèce ni invoquée ni a fortiori établie.

Dès lors, l’action de Mlle Acheteuse, fondée sur les dispositions de droit commun, doit être déclarée irrecevable. »

Ainsi, selon le tribunal de Toulouse, le Code rural doit recevoir application, même lorsque le vice n’est pas répertorié comme rédhibitoire.

« Sur le dol

L’article 1 116 du Code civil prévoit que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Il est constant que le dol peut être invoqué à l’appui d’une simple demande de réduction de prix ou de dommages-intérêts.

Il est par ailleurs tout aussi constant que le simple mensonge, non appuyé d’actes extérieurs, peut constituer un dol, mais il convient alors d’apprécier les allégations mensongères selon la qualité de celui de qui elles émanent.

En l’espèce, il est constant que le chiot C a été présenté comme issu de l’accouplement de deux rottweilers, alors qu’il est désormais établi par l’examen génétique pratiqué, que la paternité déclarée était fausse, A étant exclu comme père potentiel du chien C et ce dernier ne présentant en outre pas les caractéristiques d’un chien de deuxième catégorie.

Néanmoins, la mauvaise foi de Mme Vendeuse n’est pas établie non plus que le mensonge de cette dernière, dès lors qu’il est constant qu’elle n’est pas un éleveur professionnel et qu’aucun élément ne permet de considérer qu’elle avait connaissance de la véritable origine du chiot au moment de la vente.

L’action fondée à ce titre sur le dol ne peut en conséquence aboutir et Mlle Acheteuse doit être déboutée de sa demande. »

Le fait que Mme Vendeuse ne soit pas professionnelle de l’élevage semble la mettre à l’abri de tous soupçons, malgré l’évidence des faits. A la lecture des attendus du jugement, il est en revanche possible d’en déduire que le même sort n’aurait pas été réservé à un professionnel.

« Sur les autres demandes

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Mlle Acheteuse supportera en revanche les dépens de l’instance. »

L’article 700 du Code civil et les dépens

Les dépens regroupent neuf types de dépenses énumérées par l’article 695 du Code civil, dont « la rémunération des techniciens » et « les émoluments des officiers publics ou ministériels ». La règle veut que la partie perdante soit condamnée aux dépens. Dans cette affaire, c’est le cas.

L’article 700 du Code de civil concerne « les frais exposés et non compris dans les dépens ». Alors que le montant des dépens relève d’une addition de frais déterminés dans leur quantum, le montant de la condamnation d’une partie au titre de l’article 700 dépend du juge chargé de l’affaire. En effet, le texte de loi dispose que « le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ». En l’espèce, c’est bien l’équité qui a motivé l’absence de condamnation de l’acheteuse.

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