- La Semaine Vétérinaire n° 1375 du 09/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1375 du 09/10/2009

LE VÉTÉRINAIRE EST EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE

À la une

Auteur(s) : Marine Neveux

Quel est le rôle du vétérinaire dans la gestion de l’animal en ville ? Faut-il l’organiser réglementairement, le lier au mandat sanitaire ? Nécessite-t-il une relation contractuelle avec l’Etat ? Alors que les confrères sont souvent les premiers interlocuteurs quand un problème survient, ils se heurtent à un manque de reconnaissance et interviennent dans un cadre flou.

Des difficultés en perspective, mais aussi une opportunité d’évolution positive pour l’animal, le vétérinaire et l’élu. C’est ainsi que Jean-Pierre Kieffer résume le débat autour de la clarification du rôle du vétérinaire dans la gestion de l’animal en ville. L’importance du sujet a poussé le Syndicat des vétérinaires de la région parisienne (SVRP), présidé par notre confrère jusqu’en 2010, à en faire le thème de sa dernière réunion, le 27 septembre(1). Il est en effet difficile de s’affranchir d’un débat sur ce thème, tant les vétérinaires se positionnent au cœur de cette gestion, notamment quand ils cumulent les fonctions de praticien et d’élu…

Au niveau local, rien n’oblige à mettre en place une politique de l’animal

Pour Marie-Aude Montely, du bureau de la protection animale à la Direction générale de l’alimentation (DGAL), la problématique est essentiellement locale. En effet, si la loi fourmille d’articles relatifs à l’animal, « l’élu n’est nullement obligé de mener une politique de l’animal en ville ». « Toutefois, ce dernier est un vecteur particulièrement important en termes d’intégration », souligne notre consœur, qui estime que la communication est le facteur essentiel pour une gestion efficace. Elle évoque dans ce cadre le Grenelle de l’animal, initié en 2008 autour de trois thèmes : les statuts de l’animal ; l’animal dans la ville ; animal, économie et territoires. « Bruno Le Maire s’est engagé à le poursuivre, via le travail de la commission Tuot [conseiller d’Etat, Ndlr] ». Jusqu’à présent, ce grenelle a laissé sur leur faim nombre des acteurs, qu’ils y aient participé ou non.

La désignation d’une fourrière municipale est loin d’être généralisée

Malgré les déclarations de bonnes intentions, les difficultés persistent sur le terrain. Les vétérinaires sont bien souvent en première ligne pour les résoudre, en raison de leur position d’expert, de leur proximité et de leur disponibilité… sans pour autant bénéficier de la moindre reconnaissance dans bien des cas. « La profession vétérinaire, c’est un maillage de proximité, une pléthore d’établissements qui se relayent pour apporter une présence jour et nuit », rappelle ainsi François de Couliboeuf, président du conseil régional de l’Ordre d’Ile-de-France. Face à eux, des élus et des administrations auxquels ils ignorent parfois comment transmettre les informations… quand ils savent à qui les transmettre. Souvent en effet, l’interlocuteur relatif à la gestion des problèmes en lien avec l’animal est inconnu. Sociétés de capture, fourrières, associations, contrats établis sur des fonds publics : les municipalités développent des solutions disparates. Pourtant, le maire est censé désigner une fourrière municipale et mettre en place des mesures destinées à permettre la réception d’un animal vingt-quatre heures sur vingt-quatre et à en informer le public.

Une contractualisation entre la profession et les municipalités s’impose

« Notre propre clinique reçoit cent à deux cents animaux errants par an, souvent amenés par des gens de passage », témoigne François de Couliboeuf. La structure vétérinaire joue alors un rôle de préfourrière. Or nulle part il n’est dit qu’elle est censée le faire. « Dans notre clinique, nous faisons signer un bon à la personne qui nous amène un animal errant, pour avoir une traçabilité. Nous envoyons le dossier complet à la mairie, qui fait la sourde oreille… », explique notre confrère. Des initiatives locales de convention émergent néanmoins parfois. Mais pour François de Couliboeuf, « la contractualisation entre une commune et une clinique vétérinaire est une autre forme d’impasse. La contractualisation doit concerner l’ensemble de la profession ». A cela s’ajoute la mise en jeu de la responsabilité du praticien. Lorsqu’il prend en charge un animal découvert sur la voie publique par une tierce personne, est-il habilité à prodiguer des soins en l’absence du propriétaire ? Et si oui, jusqu’à quel stade ? Notre confrère plaide donc pour l’établissement d’une convention d’habilitation des vétérinaires à assurer les premiers soins conservatoires aux animaux trouvés sur la voie publique par des particuliers ou des services de secours, et de prise en charge des honoraires. « Tant qu’elle n’existe pas, les confrères sont liés par une obligation de moyens, ce qui peut avoir de graves conséquences avec certains propriétaires ! »

En attendant cette convention, les praticiens font ce qu’ils peuvent pour parer aux urgences, souvent seuls, faute de pouvoir joindre les responsables municipaux. Pour remédier à cette situation, la centralisation de la prise en charge des animaux errants semble la solution la plus naturelle. Dominique Grandjean, colonel des sapeurs-pompiers, l’appelle de ses vœux. Son unité, spécialisée dans la capture des espèces dangereuses et le secours aux animaux en difficulté, réalise mille quatre cents interventions par an sur Paris et la petite couronne. Fort de son expérience, il insiste sur la nécessité d’une plate-forme sanitaire animalière, avec au moins une fourrière de haute sécurité. « Au vu de l’ampleur croissante du problème, je ne vois pas bien où nous allons », s’inquiète-t-il.

La fourrière est un lieu d’autant plus important que des mesures sanitaires peuvent également y être prises, notamment vis-à-vis de la rage. Jusqu’à présent en effet, la vaccination antirabique n’est pas une obligation, malgré la demande des praticiens. Outre l’intérêt en termes de santé publique, cela permettrait également un renforcement de l’identification. En effet, la gestion de l’animal ne peut s’en exonérer. Bruno Pelletier, administrateur du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), a d’ailleurs profité de la rencontre du SVRP pour rappeler les caractéristiques et les obligations en la matière pour les carnivores domestiques. Peut-être l’obligation d’identification s’étendra-t-elle bientôt aux chats, à en croire les propos du directeur de cabinet de Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, lors des Rencontres nationales vétérinaires organisées à Nice il y a quelques jours.

La tâche des maires n’est pas toujours aisée

Si les choses ne sont pas faciles du côté des vétérinaires, elles ne le sont pas non pour les maires, comme en témoigne notre confrère Arnaud Bazin, maire de Persan (Val-d’Oise). « Dans le cas du conseil général du Val-d’Oise [dont il est membre, Ndlr], il y avait une détermination à agir, des moyens restreints, et une proximité avec le département, qui n’a aucune compétence particulière mais une volonté de collaboration. » Cela a abouti à l’acquisition d’un site (financée par l’Union des maires et le conseil général) pour y installer une fourrière et à l’établissement d’un partenariat avec la SPA pour y développer une activité de refuge. Le coût s’élève à 240 000 € par an pour les collectivités (dont 160 000 sont assumés par les communes). Mais cela ne va pas sans heurts. Ainsi, la participation financière des collectivités, via l’Union des maires, n’est pas obligatoire, contrairement à ce qui se passe dans un syndicat intercommunal. En outre, le site se trouvant sur le territoire des Yvelines, les riverains ont fait part de leur mécontentement. Face à cette situation, « nous avons cherché un site dans le département pour accueillir une fourrière. Elle doit être construite par le conseil général qui a acquis les terrains ». Les travaux débuteront dans les semaines à venir. La capacité d’accueil sera de cinquante chiens, trente chats, six places étant par ailleurs réservées aux animaux “incongrus”.

Erick Kerourio, à la tête des services vétérinaires de l’Essonne, estime pour sa part que dans ce département, « seulement 60 % des municipalités ont la capacité de gérer l’animal errant ». Il souligne, une nouvelle fois, le réel besoin de coordination. « Nous avons travaillé sur l’information en matière de chiens dangereux, d’animaux errants, pour pouvoir identifier le maire comme le référant, etc. »

Devant ces difficultés, l’administration a décidé de dresser un bilan. Un rapport est en cours d’élaboration, souligne Marie-Aude Montely. Pour notre consœur, l’écueil majeur est l’information et la responsabilisation des maires. Les Conseils départementaux de la santé et de la protection animales (CDSPA) étaient une opportunité d’y remédier, estime-t-elle. Mais si plusieurs intervenants s’accordent sur le bien-fondé de ces structures qui regroupent l’ensemble des acteurs (maires, pompiers, praticiens, etc.), force est de constater que plusieurs départements sont restés orphelins de CDSPA et qu’un certain nombre de ceux qui ont vu le jour ne se sont réunis qu’une fois ou n’ont pu assurer la pérennité ou le suivi des actions entreprises.

Toutes les municipalités n’ont pas la même volonté d’intégrer l’animal

Au cas général s’ajoutent des spécificités locales. « Nous sommes une zone de transit des bétaillères, ce qui implique des accidents potentiels, explique par exemple Eric Da Silva, de la Direction des services vétérinaires de Savoie. Quand ils surviennent, il faut récupérer les animaux, trouver un endroit où les placer. Nous établissons des plans pour que l’intervention prenne le moins de temps possible, car la fermeture d’un axe routier comme une autoroute n’est pas sans conséquences. Pour le moment, nous faisons les “pompiers” avec les pompiers ! Ce n’est pas facile. Nous agissons dans l’urgence avec nos faibles moyens. »

Il faut reconnaître que sur le terrain, la gestion de l’animal est concurrencée par de multiples urgences, même si les élus ont conscience de leurs responsabilités. « Le dialogue est important et s’appuie sur la gestion urbaine de proximité, avec des interlocuteurs comme les bailleurs sociaux, les gardiens, etc. », estime Arnaud Bazin. Par ailleurs, la volonté et les efforts sont plus au moins marqués selon les municipalités. Patrick Deslandes, vétérinaire et élu du Plessis-Trévise (Val-de-Marne), souligne la réalisation d’une installation de pigeonniers urbains. Quant à Gilbert Gault, responsable du service d’hygiène urbaine et alimentaire de Lyon, « au départ recruté pour la gestion des chiens, des chats et des pigeons », il est progressivement parvenu « à élargir et dynamiser les actions, en intégrant la biodiversité en ville ». Ainsi, outre la régulation des populations de rats ou la lutte contre les fientes d’étourneaux sur les véhicules, ses équipes s’efforcent notamment d’introduire des espèces animales susceptibles d’en limiter d’autres, indésirables. Notre confrère s’enorgueillit notamment de l’implantation périurbaine d’une garenne et se félicite de la “participation volontaire” des animaux à cette biodiversité. Ainsi, l’installation d’une colonie de castors en centre-ville a permis d’impliquer le public en abordant le thème du retour de la vie sauvage dans la cité.

La preuve que tout est plus simple quand tous font preuve de bonne volonté…

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1374 du 2/10/2009 en pages 12-13.

Les obligations du maire

• Article R. 211-11 du Code rural : « Pour l’application des articles L. 211-21 et L. 211-22, le maire prend toutes dispositions de nature à permettre une prise en charge rapide de tout animal errant ou en état de divagation qui serait trouvé accidenté, ainsi que de tout animal qui serait trouvé errant ou en état de divagation en dehors des heures et des jours ouvrés de la fourrière ou de la structure qu’il a désignée comme lieu de dépôt. »

• Article R. 211-12 : « Le maire informe la population, par un affichage permanent en mairie, ainsi que par tous autres moyens utiles, des modalités selon lesquelles les animaux mentionnés aux articles L. 211-21 et L. 211-22, trouvés errants ou en état de divagation sur le territoire de la commune, sont pris en charge.

Doivent être notamment portés à la connaissance du public :

– les coordonnées des services compétents pour la capture et la prise en charge de ces animaux, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être fait appel à ces services ;

– l’adresse, le numéro de téléphone, les jours et les heures d’ouverture de la fourrière et du lieu de dépôt mentionné à l’article L. 211-21 ;

– les conditions dans lesquelles les animaux peuvent être remis à leur propriétaire, notamment le montant des frais de garde et d’identification susceptibles d’incomber à celui-ci ;

– les modalités de prise en charge des animaux trouvés errants ou en état de divagation en dehors des heures d’ouverture de la fourrière ou des lieux de dépôt, ou qui sont accidentés. »

Les obligations relatives à l’identification

• Article R. 211-3 du Code rural : « Tout chien circulant sur la voie publique, en liberté ou même tenu en laisse, doit être muni d’un collier portant, gravés sur une plaque de métal, les nom et adresse de son propriétaire. Sont exceptés de cette prescription les chiens courants portant la marque de leur maître. »

• Article L. 212-10 : « Les chiens et chats, préalablement à leur cession, à titre gratuit ou onéreux, sont identifiés par un procédé agréé par le ministre chargé de l’Agriculture, mis en œuvre par les personnes qu’il habilite à cet effet. Il en est de même, en dehors de toute cession, pour les chiens nés après le 6 janvier 1999 âgés de plus de quatre mois. L’identification est à la charge du cédant. Dans les départements officiellement déclarés infectés de rage, l’identification est obligatoire pour tous les carnivores domestiques. »

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