SEULES LES COLLECTIONS DE CAS MÈNENT À UNE VRAIE EXPERTISE - La Semaine Vétérinaire n° 1374 du 02/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1374 du 02/10/2009

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Auteur(s) : Agnès Faessel

Depuis le mois de janvier, le Centre de pharmacovigilance vétérinaire (CPV) de Lyon est devenu l’unique destinataire officiel des déclarations de cas d’effets indésirables des médicaments vétérinaires qui émanent des praticiens français. Dans les faits, les confrères s’adressent également aux laboratoires pharmaceutiques.

Le CPV (common procurement vocabulary) est le vocabulaire commun pour les marchés publics de l’Union européenne. Pour les vétérinaires, c’est aussi le sigle du canine parvovirus ou encore du chronic paralysis virus, agent de la maladie noire des abeilles… Mais le CPV, c’est surtout le Centre de pharmacovigilance vétérinaire, situé à Marcy-l’Etoile, au sein de l’école vétérinaire de Lyon. Depuis la fermeture du centre de Nantes fin 2008, il est devenu l’unique destinataire officiel des déclarations de pharmacovigilance effectuées par les vétérinaires praticiens français.

En France, la pharmacovigilance vétérinaire s’est organisée à partir des années 2000, à la suite de la publication, en 1999, d’un décret rendant obligatoire la notification des cas(1). En 2003, un autre décret est venu en préciser le périmètre et les modalités, conformément aux dispositions de la réglementation européenne(2).

Mais le suivi des effets indésirables des médicaments vétérinaires est bien antérieur. A l’école de Lyon, par exemple, la création du Centre national d’informations toxicologiques vétérinaires (CNITV) remonte à 1976. L’un de ses objectifs initiaux était déjà de « répondre aux questions de pharmacovigilance chez l’animal ». Cette mission incombe au CPV depuis sa mise en place, en 2001. Les deux centres travaillent en étroite collaboration. En dehors des heures d’ouverture du CPV, c’est d’ailleurs le CNITV, disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, qui réceptionne les appels de pharmacovigilance.

Des notifications de cas discutés au détour d’un coup de fil

La première mission du CPV est de recueillir les notifications d’effets indésirables des médicaments vétérinaires. Les déclarations émanent de tous les professionnels de santé (voir schéma en page 34), vétérinaires praticiens pour l’essentiel, mais aussi médecins et pharmaciens pour les effets observés chez l’homme (à la suite du contact ou de l’administration accidentelle de médicaments vétérinaires). La déclaration des cas peut s’effectuer directement par écrit, en transmettant le document ad hoc après l’avoir complété. Les formulaires de déclaration sont disponibles auprès de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV de l’Afssa) et téléchargeables sur son site Internet (www.anmv.afssa.fr).

Mais le plus souvent (85 à 90 % des cas), le premier contact avec le CPV s’effectue par téléphone, car la plupart des déclarants contactent d’abord le CPV ou le CNITV (même numéro de téléphone) pour des informations et des conseils sur les cas observés. « A peine 10 % des appels sont passés pour notifier d’emblée un cas de pharmacovigilance », constate Xavier Pineau, directeur adjoint du CPV. Les autres déclarations découlent de la discussion téléphonique autour du cas. « Parfois, une hypothèse médicamenteuse se dégage alors que la suspicion première du confrère met en cause une plante toxique, par exemple. L’objectif est de replacer l’éventualité de l’effet indésirable d’un médicament dans le cadre du diagnostic différentiel. » Le CPV insiste beaucoup sur cette notion d’assistance : cette « exception française » dans la conception de la pharmacovigilance vétérinaire, moins administrative, permet d’optimiser la collecte des notifications spontanées.

En pratique, le cas est discuté : mise en cause éventuelle d’un médicament, pronostic et conduite à tenir (traitements, suivi). Puis le CPV envoie au praticien un formulaire de déclaration afin qu’il effectue la notification.

L’analyse repose d’abord sur la chronologie des événements

Les experts vétérinaires du CPV évaluent ensuite les cas et apprécient la probabilité du lien de causalité entre les effets observés et le médicament vétérinaire potentiellement en cause (voir encadré ci-contre). L’accès aux données indispensables à leur analyse scientifique est facilité par des outils informatiques spécifiques (base de données ToxVet®, logiciel Sentinel-Vet®). La note attribuée (système Abon) est justifiée par un commentaire.

Avant la pharmacologie et le tableau clinique, les critères utilisés dans l’analyse portent sur la chronologie des événements : la survenue des symptômes, par rapport à l’administration du médicament, et leur durée. Aussi, le déclarant est invité à être le plus précis possible dans la description des faits (durée de la prise du médicament, moment d’apparition des premiers signes cliniques, leur évolution, etc.). Par exemple, une anémie peut être un effet indésirable connu d’un médicament, mais après plusieurs mois de traitement. Une anémie en début de traitement sera alors classée O (et non B), « car il faut se méfier des coïncidences », explique Xavier Pineau. Globalement, la plupart des cas sont classés O, c’est-à-dire inclassables ! Ils souffrent d’un défaut de données. Il peut s’agir d’un manque d’informations transmises par le déclarant. Souvent, des investigations complémentaires auraient été nécessaires, notamment pour écarter l’hypothèse médicamenteuse (imputation N). C’est le cas des « découvertes d’autopsie » qui peuvent blanchir le médicament suspecté : une communication interventriculaire sur un cas de mortalité par choc, par exemple.

Encore une fois, le CPV insiste sur l’utilité d’être précis dans les informations transmises (protocole de traitement, références exactes des médicaments, notamment ceux achetés hors du cabinet, etc.) et de joindre à la déclaration le maximum de données concernant le cas (résultats des examens complémentaires pratiqués, etc.). « Nous évaluons des cas que nous n’avons pas vus, insiste Xavier Pineau. Au travers de sa déclaration, le praticien doit nous les faire “voir”. »

Les cas “inclassables” sont les plus intéressants

Mais l’imputation O peut aussi être aussi choisie par manque de données bibliographiques ou parce que l’effet observé est atypique. Finalement, seuls les cas “évidents”, typés, documentés et cohérents avec le profil pharmaco-toxicologique de la molécule sont classés A ou B. Peu importe, « le travail le plus intéressant concerne les effets notés O », fait remarquer Xavier Pineau. Un énième cas de sensibilité d’un colley à l’ivermectine (classé A ou B) n’apporte rien de nouveau. En revanche, le dixième cas d’un effet indésirable inconnu jusqu’alors éveille les soupçons. La pharmacovigilance a effectivement pour objectif d’évaluer la sécurité d’emploi des médicaments. C’est donc le travail d’analyse sur une collection de cas approchants qui permet d’avancer. L’expertise n’est pas réalisée au cas par cas, même si cela est frustrant pour le déclarant. De même pour les suspicions de manque d’efficacité, seule une répétition de cas sert de signal (développement d’une résistance au traitement ou émergence d’une nouvelle souche pathogène). Le cas échéant, celui-ci motive la Commission nationale de pharmacovigilance vétérinaire de l’ANMV à proposer des travaux d’études complémentaires.

Et le retour d’informations ne s’effectue pas davantage individuellement. La communication de l’ANMV passe par la diffusion d’informations générales (voir article en page 35).

Le CPV récolte la majorité des cas… mais pas tous

Le CPV transmet les cas après leur imputation à l’ANMV selon un rythme trimestriel. Seuls les cas graves ou les effets indésirables chez l’homme sont remontés plus rapidement (sous quinze jours). L’agence reçoit aussi des cas transmis par ses homologues des autres pays d’Europe, et ceux récoltés par l’industrie pharmaceutique. En effet, face à des difficultés dans l’utilisation d’un médicament, les vétérinaires peuvent rechercher en priorité un soutien technique ou financier auprès du laboratoire concerné. C’est particulièrement vrai en productions animales en raison du contexte économique. Le contact peut déboucher (comme au CPV) sur une notification d’effet indésirable. Les industriels les signalent ensuite à l’ANMV, sans délai (cas graves) ou inclus dans les rapports périodiques sur la sécurité d’emploi de leurs médicaments (PSURs). Ce fonctionnement explique sans doute pourquoi les animaux de compagnie font l’objet de la plupart des déclarations reçues par le CPV. Il en est de même au CNITV où 80 % des quelque quinze mille appels annuels concernent les chiens et les chats.

Au travers des quelques statistiques publiées par l’Afssa dans ses rapports annuels, la répartition des cas totaux recensés montre une évolution dès 2006 (voir tableau 1), date à partir de laquelle la pharmacovigilance s’est intensifiée en France. A lui seul, en 2008, le CPV de Lyon a enregistré près de deux mille cinq cents cas (voir tableau 2). Le fait remarquable est notamment un faible nombre d’effets indésirables chez l’homme. En effet, la plupart d’entre eux (particulièrement les cas graves) sont rapportés via d’autres circuits (la médecine légale, par exemple). Les déclarations de défaut d’efficacité sont anecdotiques, mais elles sont facultatives. Les expositions asymptomatiques regroupent les cas pour lesquels l’animal n’a pas présenté de symptômes, au moins au moment de la déclaration (à la suite d’un surdosage, par exemple). Les demandes de renseignements sont souvent de la « pharmacovigilance préventive », pour connaître les risques liés à un usage “hors AMM” des médicaments (notamment en cas de gestation ou chez le furet), les sensibilités spécifiques des espèces, etc.

Une surenchère de déclarations est observée cette année

Actuellement, en 2009, le nombre de cas recensés au CPV de Lyon est en nette augmentation (il atteint déjà celui de 2008). Cette hausse est due en partie à la fermeture du CPV de Nantes, mais surtout à la vaccination obligatoire contre la fièvre catarrhale ovine qui a généré une surenchère de déclarations(3). Beaucoup de notifications sont ainsi effectuées par de nouveaux déclarants : des praticiens qui n’avaient jusqu’alors jamais déclaré aucun cas.

En outre, le CPV a également dans ses missions la formation des professionnels (déclarants) à la pharmacovigilance. Xavier Pineau reconnaît le manque d’actions dans ce domaine, faute de personnel, mais pas seulement : « Les conférences que nous avons animées par le passé dans le cadre de congrès vétérinaires n’ont attiré que des personnes de l’industrie du médicament ou de l’Afssa. Il nous est difficile d’intéresser les confrères praticiens et de lutter face à l’attrait des ateliers de formation pratique. » Certes, l’importance de la pharmacovigilance est plus palpable une fois confronté à un cas.

  • (1) Décret n° 99-553 du 2/7/1999.

  • (2) Décret n° 2003-760 du 1er/8/2003.

  • (3) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1370 du 4/9/2009 en page 17.

Classement des cas

L’analyse d’imputabilité des cas de pharmacovigilance aboutit à leur classement selon le système européen Abon :

• A : probable. Tous les critères suivants sont satisfaits :

– délai vraisemblable entre l’administration du médicament et la survenue puis la durée des effets observés ;

– effets connus ou possibles, selon la pharmacologie de la substance ;

– absence d’autre cause possible.

• B : possible. L’ensemble des critères précédents n’est pas satisfait.

• O : non classable. Le cas ne peut être classé faute d’informations suffisantes.

• N : improbable. Les effets ne peuvent pas être attribués au médicament.

Agnès Faessel

Définitions

• Pharmacovigilance vétérinaire : surveillance des effets indésirables des médicaments vétérinaires observés sur les animaux ou les personnes. Elle recueille aussi des informations sur l’efficacité insuffisante, les risques pour l’environnement, la validité des délais d’attente et l’usage hors AMM de ces médicaments (et désormais des médicaments humains dans le cadre de la « cascade de prescription »).

• Effet indésirable : réaction nocive et non voulue qui se produit aux posologies normales d’utilisation. Seuls les effets graves ou inattendus doivent être déclarés. La déclaration des autres cas n’est pas obligatoire (mais encouragée).

• Effet indésirable grave : létal ou susceptible de l’être, il entraîne des symptômes prolongés, des lésions ou des troubles fonctionnels majeurs.

• Effet indésirable inattendu : sa nature, sa gravité ou l’effet ne concorde pas avec le résumé des caractéristiques du produit (RCP). Les effets indésirables observés chez l’homme à la suite de l’exposition à un médicament vétérinaire sont aussi à déclaration obligatoire.

A. F.

POUR EN SAVOIR PLUS

• X.Pinault, H. Pouliquen et E. Vandaële : Vademecum de législation en pharmacie vétérinaire, éditions du Point Vétérinaire, 2009, pp. 78-86 et 367-372.

CONTACTER LE CPV

• Coordonnées : Centre de pharmacovigilance vétérinaire, ENVL, 1 avenue Bourgelat, 69280 Marcy-L’Etoile. Tél. : 04 78 87 10 40, fax : 04 78 87 45 85, e-mail : cpvl@vet-lyon.fr

• Ouverture : 8 h à 18 h du lundi au vendredi. Une permanence 24 h/24 et 7 j/7 est assurée avec l’équipe du CNITV.

• Personnel permanent : 3 experts vétérinaires (Florence Buronfosse-Roque, Xavier Pineau et Stéphane Queffélec), une secrétaire et une documentaliste (partagées avec le CNITV).

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