Les champs maudits d’antan font encore des victimes - La Semaine Vétérinaire n° 1374 du 02/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1374 du 02/10/2009

Charbon bactéridien

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Lorenza Richard

L’épisode qui a touché le Doubs durant l’été 2008 permet de faire un point sur les mesures à prendre lors de suspicion de fièvre charbonneuse. Vingt et un cas ont été confirmés en sept semaines.

Le charbon bactéridien, une zoonose inscrite sur la liste des maladies réputées contagieuses à déclaration obligatoire, est dû à une bactérie aérobie, Bacillus anthracis. La bactéridie est sa forme de multiplication dans l’organisme et la spore sa forme de résistance dans le milieu extérieur, durant plusieurs dizaines d’années. Après une incubation d’un à cinq jours, l’affection se manifeste sous une forme suraiguë (mortalité brutale sans prodromes), ou aiguë à subaiguë (symptômes respiratoires et digestifs, voir tableau 1).

Dans l’épisode survenu dans le Doubs durant l’été 2008, seules des formes suraiguës ont été observées. Elles ont touché exclusivement les bovins (vaches et génisses) en pâture. « Après le premier cas, donc après la confirmation, et sur le conseil de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), les animaux n’ont plus été autopsiés sur les pâtures. Des prélèvements de sang sur tube sec et de lait chez les laitières ont eu lieu, acheminés au laboratoire vétérinaire départemental (LVD 25) dans les trois heures », précise Huguette Thien-Aubert, de la Direction des services vétérinaires du département (DDSV). Toutes les souches étant pénicillo-sensibles, une chimioprévention a été mise en place chez cent huit personnes, dont six vétérinaires sanitaires. Les élevages foyers ont été placés sous surveillance pendant la réalisation de la vaccination et jusqu’à l’installation de l’immunité (quinze jours après la vaccination). Les cheptels des exploitations situées dans un périmètre défini par arrêté préfectoral ont été vaccinés (douze mille bovins et trois cent trente ovins sur quinze communes). Une antibioprévention a en outre été administrée aux animaux dont la température dépassait 39,5 °C. Un enlèvement rapide des cadavres d’animaux a été organisé, avec des précautions particulières pour le personnel d’équarrissage. Le lait des exploitations touchées a fait l’objet d’un circuit de collecte séparé et a été soumis à un traitement thermique. Un protocole d’analyses des fromages a en outre été décidé. La chasse et les travaux forestiers ont été suspendus pendant respectivement un mois et trois semaines.

Afin de déterminer l’origine de la résurgence de la maladie, une enquête épidémiologique a été menée. B. anthracis n’a été mis en évidence dans aucun des prélèvements de faune sauvage (excréments et cadavres), de terre, d’insectes et d’aliments analysés par le LVD 25. Mais les archives départementales ont révélé des cas de charbon bactéridien entre 1896 et 1920 dans la même zone. « D’après l’expertise épidémiologique de l’Afssa, cet épisode n’est pas dû à une source unique à l’origine des autres cas, explique Huguette Thien-Aubert, mais à une résurgence multifocale de spores liées à un sous-sol historiquement contaminé et favorable à la conservation de la spore, ainsi qu’aux conditions hydro-géologiques et climatiques de l’année. » En effet, le sol karstique, au pH neutre ou basique, a favorisé la survie des spores. L’importante pluviométrie en 2007 et au début de l’année 2008, ainsi que les travaux forestiers réalisés sur d’anciens sites d’enfouissement des cadavres près de la zone, ont certainement permis l’apparition des spores en surface.

Lors de suspicion, le vétérinaire prévient la DDSV avant de réaliser tout prélèvement

« Le diagnostic précoce du vétérinaire sanitaire qui a alerté la DDSV, les mesures prises rapidement grâce à une bonne communication auprès des éleveurs et la sensibilisation des professionnels, ainsi que l’efficacité de la vaccination, ont permis l’extinction de cet épisode », souligne Huguette Thien-Aubert. « La poursuite de la vaccination annuelle des cheptels durant des années et la mise en place d’une épidémiosurveillance lors de mort brutale inexpliquée d’un animal dans une pâture, mais aussi le recensement des charniers et de tous les lieux d’enfouissement, ainsi que la vigilance lors de l’ouverture de chantiers dans les secteurs où la maladie est apparue par le passé » sont autant de mesures prises pour l’avenir.

Elle rappelle en outre que « lors d’une suspicion de charbon bactéridien, comme pour toute maladie réputée contagieuse, il est important que les vétérinaires préviennent la DDSV avant la réalisation du prélèvement. En effet, les conditions de prélèvement peuvent varier selon le contexte. De plus, des mesures de gestion relatives à la protection des personnes, des animaux et des denrées sont à prendre précocement lorsque la suspicion clinique est validée (sans attendre le résultat microbiologique). En résumé, le vétérinaire ne doit pas et ne peut pas demander une analyse bactériologique pour charbon bactéridien au LVD sans avoir préalablement prévenu la DDSV ».

CONFERENCIÈRE

Huguette Thien-Aubert, Direction départementale des services vétérinaires du Doubs.

Article rédigé d’après la conférence « Un épisode de charbon bactéridien dans le Doubs durant l’été 2008. Retour d’expérience », présentée par H. Thien-Aubert, J. Condé, N. Woronoff-Rehn, M. Hessemann, C. Sala, D. Calavas et J. Vaissaire lors des journées nationales des GTV à Nantes, en mai 2009.

POUR EN SAVOIR PLUS

• Recommandations pour la surveillance et la lutte contre le charbon animal et humain, guide méthodologique, 2005, InVS (www.invs.sante.fr/publications/default.htm).

• OIE terrestrial manual 2008 : anthrax (www.oie.int/ eng/normes/mmanual/2008/pdf/2.01.01_anthrax.pdf).

• WHO guidelines for the surveillance and control of anthrax in human and animals, 3e édition, 1998 (www.who.int/crs/resources/publications/ anthrax/whoemczdi986text.pdf).

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr