Ne pas confondre douleur aiguë et douleur chronique - La Semaine Vétérinaire n° 1373 du 25/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1373 du 25/09/2009

Anesthésiologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Philippe Zeltzman

L’euthanasie est rarement justifiée tant les modalités de lutte contre la douleur sont nombreuses.

La douleur aiguë, qui peut durer jusqu’à un mois, a un intérêt physiologique, puisqu’il s’agit d’un mécanisme de protection. Le but de son traitement est d’éviter la douleur chronique, qui n’a pas de raison bénéfique. Le stimulus douloureux peut être présent (comme dans l’arthrose) ou absent (comme lors de malfonctionnement du système nerveux : hyperalgésie). Ce phénomène d’hyperexcitabilité peut se produire après un dégriffage, une opération du grasset ou un ancien traumatisme.

Lors d’une conférence(1), Jamie Gaynor, spécialiste en anesthésiologie et gestion de la douleur au Peak Performance Veterinary Group de Colorado Springs (Etats-Unis), a expliqué que l’absence de prise en compte de la douleur engendre une cascade biochimique qui aboutit à une réduction de la ventilation, un catabolisme, un retard de cicatrisation ou encore une stase intestinale. Cette dernière peut occasionner une translocation bactérienne. L’hyperalgésie est due aux récepteurs NMDA (N-méthyl D-aspartate), situés dans la corne dorsale de la moelle épinière. Ils entraînent une amplification de tout stimulus nocif, ce qui mène à une perception de douleur exacerbée dans le cerveau. Ce phénomène, l’allodynie, explique pourquoi un geste aussi anodin qu’une caresse ou le brossage engendre parfois une sensation de douleur intense chez le chien.

Lors d’arthrose sévère, il est important d’adapter le traitement à chaque animal(2). Parmi les modalités à mettre en œuvre, Jamie Gaynor inclut la perte de poids, un exercice contrôlé, la physiothérapie, les antalgiques, les chondroprotecteurs ou encore un aliment “anti-arthrose”. Dans certains cas, une intervention chirurgicale peut mettre fin au problème (excision-arthroplastie de la tête fémorale, prothèse de la hanche, par exemple).

« Le pouvoir antalgique de tous les AINS avec une AMM dans cette indication est similaire »

Selon Jamie Gaynor, tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) avec une AMM chez les carnivores domestiques ont un pouvoir antalgique équivalent. En revanche, les effets secondaires ne sont pas similaires.

Quant à l’aspirine, qui inhibe les cyclo-oxygénases (Cox) 1 et 2 de manière non spécifique, elle entraîne 100 % d’hémorragies intestinales, dès la première dose. En outre, elle perturbe la coagulation et peut occasionner une anémie.

Il est important de décrire systématiquement les effets secondaires des AINS aux clients : vomissements, diarrhée, avec ou sans présence de sang, anorexie ou encore abattement. Jamie Gaynor veut en outre tordre le cou à une idée reçue : il est faux de penser que plus le traitement par des AINS est long, plus le risque d’effets secondaires est élevé.

Les effets néfastes des AINS sur le foie ont fait couler beaucoup d’encre. « Pourtant, le foie a d’importantes capacités régénératrices. » Au contraire, « les effets secondaires sur les reins sont trop souvent oubliés ». En raison des effets secondaires des AINS sur la perfusion rénale, elle suggère « de déconseiller au client d’administrer une dose d’AINS si l’animal ne boit pas ». La combinaison entre hypoperfusion rénale et déshydratation pourrait en effet entraîner une insuffisance rénale aiguë.

« En cas d’échec de l’anti-inflammatoire, résister à la tentation de changer d’AINS »

S’il est vrai que tous les AINS ont « un pouvoir antalgique équivalent », que faire lorsque celui qui est utilisé semble ne plus être efficace ? S’il n’existe aucune autre cause de couleur, Jamie Gaynor conseille de résister à la tentation de changer d’anti-inflammatoire. Un autre produit pourrait être plus efficace chez un animal particulier, mais l’adoption d’une stratégie différente est préférable dans la plupart des cas. Ainsi, elle conseille plutôt de prescrire de l’amantadine(3), un opioïde qui agira en synergie avec l’AINS. Cet antagoniste des récepteurs NMDA peut permettre de lutter contre l’hyperalgésie (3 à 5 mg/kg toutes les six à huit heures, pendant au moins trois semaines, chez le chat comme chez le chien). Pour les animaux arthrosiques, une autre stratégie consiste à ajouter le tramadol(3) à un AINS, à raison de 3 à 5 mg/kg toutes les douze heures, voire toutes les huit heures. Si cela se révèle insuffisant, l’administration de paracétamol est envisageable (chez le chien uniquement, car il est mortel chez le chat), à la dose de 10 mg/kg toutes les douze heures pendant cinq jours.

Au final, il existe de multiples modalités pour lutter contre la douleur en général, et l’arthrose en particulier. Selon Jamie Gaynor, l’euthanasie est rarement justifiée, tant il existe d’options efficaces pour améliorer la qualité de vie des animaux.

  • (1) Jamie Gaynor : « A rational approach to chronic pain management », conférence présentée le 23/4/2009 à Fogelsville (Pennsylvanie, Etats-Unis).

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1326 du 12/9/2009 en pp. 42-43.

  • (3) Molécule disponible en pharmacopée humaine.

Pour une utilisation rationnelle des analyses sanguines

« Une augmentation de la concentration des enzymes hépatiques n’est pas nécessairement une contre-indication pour la prescription d’AINS », estime Jamie Gaynor. En revanche, il est judicieux d’effectuer une nouvelle analyse sanguine après deux ou trois semaines. En effet, les rares cas d’insuffisance hépatique aiguë décrits ont eu lieu au cours des trois premières semaines de traitement. Au-delà, l’analyse biochimique peut raisonnablement être répétée tous les six à douze mois.

Ph. Z
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