Les compléments nutritionnels ont une efficacité variable chez le cheval - La Semaine Vétérinaire n° 1372 du 18/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1372 du 18/09/2009

Médecine équine

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Une étude(1) s’est intéressée aux effets bénéfiques potentiels des prébiotiques, des probiotiques et des levures, en passant en revue les essais cliniques qui s’y rapportent dans l’espèce équine.

L’environnement intestinal est peuplé d’un écosystème complexe qui comporte des organismes microbiens à capacités métaboliques diverses. Pour l’animal hôte, ces organismes sont généralement non pathogènes. Mais une antibiothérapie, une maladie digestive, une anorexie prolongée ou l’ingestion d’un toxique peuvent induire une altération de la microflore. Parmi les traitements “de support” figurent des compléments alimentaires susceptibles de promouvoir la croissance bactérienne entérique.

Prébiotiques : pour une action compétitive des bactéries entériques pathogènes

Selon la nature des oligosaccharides, l’influence des prébiotiques sur des populations bactériennes in vitro a été déterminée. Ainsi, une complémentation en xylose ou en lactulose stimule de façon maximale les bifidobactéries et une complémentation en fructose les lactobacilles. La fermentation des galacto-oligosaccharides entraîne une réduction du nombre de clostridies.

Les oligosaccharides, en favorisant la croissance de bactéries entériques non pathogènes, exerceraient par la même occasion une exclusion compétitive des bactéries entériques pathogènes. La production fermentaire d’acides gras volatils diminue le pH intestinal et rend l’environnement moins favorable pour les bactéries pathogènes. Le mannose inhibe l’adhérence des bactéries pathogènes aux entérocytes par le biais de lectines spécifiques.

Les glucomannans (fibres alimentaires constituées de polysaccharides hydrosolubles) préviennent l’absorption des mycotoxines chez le cheval.

Une étude s’est intéressée aux effets bénéfiques potentiels des compléments à base d’oligosaccharides chez le cheval. Trois groupes de yearlings quarter horse ont reçu 0 g, 8 g ou 24 g de fructo-oligosaccharides par jour pendant dix jours et les effets sur les crottins ont été notés. Une relation linéaire est mise en évidence entre la quantité de fructo-oligosaccharides et une baisse du pH des crottins, une augmentation de la quantité des acides gras volatils, ce qui témoigne d’une fermentation bactérienne accrue.

Mais d’autres études, dans lesquelles des chevaux ont reçu de l’inuline (fructo-oligosaccharide de haut poids moléculaire), montrent que la conséquence est une baisse du pH cæcal et du côlon, une hausse de la production d’acide lactique intestinal et d’amines toxiques, susceptibles de favoriser l’apparition de fourbure. Les composés de haut poids moléculaire sont moins dégradés par le petit intestin que ceux de faible poids moléculaire, si bien que des quantités plus importantes sont fermentées par le gros intestin.

Des poulains qui ont reçu 10 g d’arabinogalactane pendant leurs quatorze premiers jours de vie montrent une susceptibilité moindre aux diarrhées que les témoins. La même conclusion est tirée pour les poulains issus de juments complémentées en manno-oligosaccharides pendant leur gestation et leur lactation.

Si les effets immunitaires bénéfiques de certains prébiotiques sont mis en évidence chez l’homme, la même conclusion n’a pu être tirée pour le moment chez le cheval, car une complémentation en mannose ne semble pas modifier les paramètres immunologiques dans des groupes d’âge variés.

Les probiotiques sont plus utiles chez les poulains

Pour être efficaces, les cultures bactériennes (probiotiques) vivantes doivent être capables de coloniser le milieu intestinal de l’hôte. Le site de colonisation est important pour leur efficacité. Du point de vue de l’écosystème bactérien, le côlon du cheval est assez semblable au rumen des bovins. Les lactobacilles qui produisent des lactates ne sont pas des bactéries forcément favorables pour l’écosystème du côlon. En revanche, ces bactéries sont utiles si elles colonisent le petit intestin, car elles favorisent l’élimination des agents pathogènes intestinaux. L’administration de souches humaines de Lactobacillus rhamnosus (souche GG) à des chevaux produit une faible colonisation chez l’adulte (même avec des doses élevées) et une colonisation substantielle chez les foals, pendant plus de cinq jours. Lactobacillus pentosus WE7 est un micro-organisme spécifique du cheval, avec une bonne activité inhibitrice des agents pathogènes entériques et une capacité de colonisation adéquate. Malheureusement, son administration expérimentale à des foals sains s’est traduite par l’apparition de diarrhée.

D’autres études montrent un effet minimal de l’administration intra-cæcale (par sonde) de Lactobacillus acidophilus à des hongres sains : le pH, les populations bactériennes, la production d’acides gras volatils sont peu modifiés. Un produit commercial à base de plusieurs types de lactobacilles, administré à des poulains au sevrage recevant une ration “glucidique” ou du fourrage, n’a produit aucun effet.

Une expérimentation a évalué les effets d’une administration de probiotiques commerciaux pendant sept jours à des chevaux adultes hospitalisés pour une intervention chirurgicale, par comparaison avec un groupe témoin recevant un placébo. Aucune différence significative n’a pu être mise en évidence concernant la prévalence des diarrhées postopératoires, le taux d’excrétion de salmonelles, la durée d’hospitalisation ou d’antibiothérapie.

Les études qui estiment la sécurité d’emploi et l’efficacité des probiotiques sont trop peu nombreuses pour pouvoir en tirer des conclusions. Toutefois, l’usage des probiotiques semble plus utile chez les poulains que chez les adultes.

Les levures augmentent le pH du cæcum

Plusieurs études se sont intéressées à l’amélioration des fermentations et de la digestibilité des nutriments par les levures chez le cheval. La complémentation alimentaire en levures exerce une action bénéfique sur les fermentations digestives dans cette espèce. Des études sur la flore intestinale équine in vitro n’ont pas montré d’impact des levures sur la croissance bactérienne.

Les effets sur les fermentations digestives semblent varier selon le type d’alimentation : avec une ration riche en hydrates de carbone, une diminution des lactates est observée, alors qu’avec une ration fourragère, une augmentation de la production d’acétate est constatée. Certaines expérimentations rapportent l’absence d’effet sur le pH du côlon ou du cæcum. Toutefois, un apport de levures permet d’augmenter le pH du cæcum chez des chevaux qui reçoivent une ration à teneur élevée en amidon et faible en fibres, par rapport à un groupe non supplémenté.

Les levures permettent l’optimisation de la digestibilité des produits azotés

Concernant la digestibilité des nutriments avec la complémentation en levures, les résultats de plusieurs études sont contradictoires. Certaines rapportent une amélioration de la digestibilité des fibres et de certains nutriments, d’autres une amélioration de la digestibilité seulement pour l’hémicellulose, d’autres encore une absence d’effet. L’optimisation de la digestibilité des produits azotés est le point commun à la plupart de ces expériences.

L’apport de levures à des poulains au sevrage permet d’augmenter le gain de poids, la taille, et l’efficacité alimentaire, ce qui n’est en revanche pas le cas avec des yearlings. L’adjonction de levures vivantes au cours des quatre dernières semaines de gestation à des juments permet d’accroître la production de lait et la croissance du poulain.

Chez des chevaux atteints d’une entérocolite, le fait d’administrer cent neuf Saccharomyces boulardii vivants deux fois par jour pendant deux semaines autorise une réduction de la sévérité et de la durée des signes cliniques par rapport à un groupe contrôle.

Privilégier une administration des levures en continu

Les variations des réponses observées à la suite de l’administration de levures chez le cheval proviennent de la quantité choisie, de la composition des produits et des interactions avec la ration. Les compléments à base de levures semblent avoir davantage d’effets bénéfiques lorsqu’ils sont administrés en continu (et non de façon sporadique), quand la ration est riche en amidon et à teneur réduite en fibres.

Certains composés “naturels” auraient ainsi un effet bénéfique sur la microflore intestinale chez plusieurs espèces. Il reste à mieux définir les sites anatomiques d’action de ces composés pour optimiser leurs effets sur la croissance bactérienne, les fermentations et l’efficacité alimentaire. Les effets apparemment variables selon les classes d’âge peuvent s’expliquer par l’existence d’une différence de composition des populations bactériennes intestinales entre les poulains et les chevaux adultes. De nouveaux produits combinant des prébiotiques à des probiotiques (symbiotiques) commencent à être étudiés.

  • (1) R.J. van Saun : « Equine microbial supplements : yeast, prebiotics and probiotics », proceedings of the Acvim forum, 4-8/6/2008, San Antonio, Texas (Etats-Unis).

Adjuvants diététiques microbiens

• Prébiotique est un terme utilisé pour définir des compléments nutritionnels supposés stimuler la croissance des bactéries entériques non pathogènes. Il s’agit d’un groupe d’oligosaccharides complexes contenant une ou plusieurs variétés de sucres (fructose, mannose, isomaltose, xylose, arabinose, etc.). Les oligosaccharides sont résistants à la digestion enzymatique de l’animal hôte, mais subissent des fermentations par les bactéries entériques. Ces molécules favoriseraient la croissance des bactéries non pathogènes du côlon. En effet, ce sont les seules capables d’hydrolyser les liaisons spécifiques des oligosaccharides. En outre, de ces transformations résulte la production d’acides gras à courtes chaînes, bénéfiques pour l’environnement microbien intestinal.

• Les probiotiques sont composés de colonies bactériennes, principalement des lactobacilles et des bifidobactéries. Leurs propriétés bénéfiques consistent en l’amélioration de la digestion du lactose, et de la résistance aux agents pathogènes. L’apport de ces bactéries vivantes permettrait d’exclure ou de réduire les populations de bactéries potentiellement pathogènes par un mécanisme d’inhibition compétitive, de production de substances inhibitrices, de stimulation de réponses immunitaires locales et d’altération de l’environnement luminal. Ces bactéries produisent aussi des vitamines, des enzymes et des acides gras volatils qui favorisent la digestion et possèdent un pouvoir nutritionnel. Toute la question réside dans la viabilité des bactéries probiotiques et la concentration nécessaire.

• Les levures sèches actives ou non fermentaires, les cultures et les extraits de levures sont utilisés comme ingrédients dans l’alimentation. Ces produits sont dérivés de la culture de Saccharomyces (surtout Saccharomyces cerevisiae) ou d’Aspergillus oryzae :

– les levures sèches actives contiennent un minimum de quinze milliards de levures vivantes par gramme ;

– la culture de levures est un produit asséché contenant des levures viables et le milieu de culture adapté ;

– un extrait de levures est un produit concentré ou asséché comprenant le contenu cellulaire de Saccharomyces cerevisiae.

De nombreux produits issus des levures sont utilisés dans la ration des ruminants. Les cultures actives facilitent la digestion des fibres et l’ingestion de matière sèche. Les produits issus des levures contiennent aussi des composés qui stimulent la croissance bactérienne et facilitent les fermentations. Les cultures de levures vivantes sont efficaces pour accroître la population bactérienne ruminale, mais améliorent modérément les fermentations ruminales et l’efficacité alimentaire.

I. D.
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